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Haro sur la croissance ? Ce que les habitants de la planète doivent pourtant au grand miracle de l’ère industrielle
©REMY GABALDA / AFP

Industrialisation

Alors que l'industrialisation a démultiplié le niveau et l'espérance de vie et a permis à l'humanité de s'affranchir de nombreuses contraintes, on remarque un rejet grandissant de cette même industrialisation dans sa globalité.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico.fr : Que doit réellement l'humanité à l'industrialisation ?

Laurent Alexandre : Sans industrialisation, nous avons 35 ans d'espérance de vie. Nous n'avons pas de vaccins, pas de médicaments, pas de chauffage, nous avons des vêtements couteux. Au niveau alimentaire, nous pouvons nous permettre de nourrir un milliard de personnes maximum car nous dépendons presque totalement des semences industrielles.

La liste est longue. Au niveau des chiffres on peut rappeler que le revenu moyen en 1800 était aux alentours de 2,80 $ d'aujourd'hui. En 1820, 90% de l'humanité vivait dans une pauvreté extrême, cette proportion a été ramenée à moins de 10% aujourd'hui. C'est l'industrialisation qui a modifié cette situation.

La croissance des revenus a amené d'autres avantages :
88% de la population mondiale était analphabète en 1800, seule 13% le sont toujours.

Le niveau d'agriculture pré-industrialisation est très faible. Sous Louis XIV, il y a eu une famine qui a fait 2 millions de morts.  Ramené à l'échelle de la France de l'époque et de ses 25 millions d'habitants, c'est frappant. Un Français de 1800 ne mangeait que 1846 calories par jour. En 2013 en Afrique - pourtant le continent le plus pauvre du monde - la moyenne était montée à 2624 calories.

Sans industrie, nous sommes tout simplement au Moyen-Age. L'aspirine c'est l'industrie, la chimiothérapie, c'est l'industrie.

On observe aussi que la Révolution Industrielle a apporté avec elle la création de mouvements syndicaux forts, les prémices du communisme et de la révolte contre un certain type de travail. Pourquoi cette surindustrialisation et ses bienfaits pour l'humanité a-t-elle apporté le concept de "damnés de la terre" ?

Par définition, nous ne sommes jamais contents. La Révolution Industrielle s'est accompagnée d'un accroissement très fort du niveau de vie des gens. Mais les revendications ont cru encore plus vite que ce niveau de vie.

On vit bien mieux qu'il y a 100 ans mais il n'y a pas moins de revendications. Les revendications sont en réalité indépendantes du niveau de vie des gens.

L'espérance de vie en 1919 sur Terre était de 31 ans, elle aujourd'hui de 70 ans. Elle a donc plus que doublé en 100 ans mais il n'y a pas plus de satisfaction… 

S'il y avait un lien entre notre bonheur et notre niveau de vie, les riches seraient très heureux et les moins riches seraient très malheureux. Or, les riches ne sont pas plus heureux que les pauvres. Ça ne veut pas dire que les riches ne vivent pas mieux. Mais ils ne sont pas plus heureux et ils ne font pas moins de dépression que les pauvres.

Justement, ne pourrait-on pas établir y voir un lien avec un certain ressentiment vis-à-vis de l'ère industrielle, du travail à la chaîne qui "déshumaniserait" l'ouvrier ?

Il serait naïf et faux d'imaginer que le travail aux champs, en 1750, était amusant. Les gens avaient faim, travaillaient sans être nourris correctement, faisaient tout à la main. Quand ils se blessaient, ils avaient de graves maladies, voire mourraient. Beaucoup de paysans se coupaient et mourraient à cause de leur faux ou de leur faucille donc l'idée que le travail était agréable en 1750 et qu'il est devenu invivable et inhumain est une idée fausse selon moi.

Le travail était beaucoup plus dur il y a trois siècles. Et la vie était globalement beaucoup plus dure sinon, en 1750, l'espérance de vie n'aurait pas été de 27 ans. On voit bien que si la vie avait été aussi agréable avant l'industrialisation, l'espérance de vie n'aurait été aussi catastrophique. C'est bien l'industrialisation qui a augmenté l'espérance de vie et la qualité de vie.

Comment expliquer cette tendance d'une volonté d'un retour à une vie moins industrielle, axée sur un retour à la terre ?

C'est un snobisme de "bobos verts" de vouloir retourner à la terre. Retourner à l'ère préindustrielle veut dire ne pas être soigné, ne pas avoir de médicaments, voir mourir son enfant de leucémie en quinze jours parce que la chimiothérapie est un produit totalement industriel. On pourrait multiplier les exemples.

Ce fantasme de retour à la nature est irréaliste et assez puéril. D'ailleurs, aucun de ces "bobos verts" qui prétend vouloir retourner à la nature n'a envie de retrouver la vie horrible de 1750. La vie de nos ancêtres n'était pas du tout enviable, elle était insupportable. Vivre 27 ans au lieu de 85 ans, ce n'est pas quelque chose de plaisant, même si c'est "naturel".

Ndlr : Voici quelques éléments et des données supplémentaires. 

Selon Lawrence H. Officer de l'Université de l'Illinois à Chicago et Samuel H. Williamson de l'Université de Miami, les salaires horaires nominaux des travailleurs américains non qualifiés ont augmenté de 31 627% entre 1800 et 2016.

Le revenu global par personne et par jour a augmenté à un taux d'environ 1,8% par an au cours des cent dernières années.

L'industrialisation a tout changé. Entre 1800 et 1900, le PIB par personne et par jour a doublé. En d’autres termes, les revenus ont augmenté deux fois plus en un siècle que ceux des 18 années précédentes. 

En 1870, l'espérance de vie en Europe, dans les Amériques et dans le monde était de 36, 35 et 30 ans. Aujourd'hui, les chiffres sont 81, 79 et 72 ans.

En 1820, 90% de l'humanité vivait dans une pauvreté extrême. Aujourd'hui, moins de 10%.

En 1800, 88% de la population mondiale était analphabète. Aujourd'hui, 13% de la population mondiale est analphabète

En 1800, 43% des enfants mourraient avant leur cinquième anniversaire. Aujourd'hui, moins de 4%.

En 1816, 0,87% de la population mondiale vivait dans une démocratie. En 2015, 56%.

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