Guerre des vins : comment les domaines français tirent leur épingle du jeu<!-- --> | Atlantico.fr
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Il considère que le vin se fait dans les vignes et ne ménage pas sa peine pour cultiver avec brio et pouvoir transmettre à ses enfants le domaine familial dénommé – exceptionnellement – château Gaudrelle.
Il considère que le vin se fait dans les vignes et ne ménage pas sa peine pour cultiver avec brio et pouvoir transmettre à ses enfants le domaine familial dénommé – exceptionnellement – château Gaudrelle.
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French touch

La famille Monmousseau, établie à Vouvray, au bord de la Loire a réussi à faire connaître son domaine dans le monde entier. Aymeric Mantoux et Benoist Simmat retrace le parcours de cette success story internationale. Extraits de "La guerre des vins" (2/2).

Aymeric Mantoux et Benoist Simmat

Aymeric Mantoux et Benoist Simmat

Aymeric Mantoux et Benoist Simmat sont tous deux journalistes. Ensemble, ils ont publié La guerre des vins chez Flammarion.

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Vouvray est un petit village charmant dont les domaines les plus fameux – ici on ne parle pas de « châteaux » – s’étirent en longueur sur les bords de la Loire au-dessus de crayères profondément creusées dans une falaise escarpée. C’est là que nous rencontrons Alexandre Monmousseau, jeune propriétaire récoltant, les pieds dans les vignes. Le teint rougi par le travail en plein air, ce gaillard costaud à la silhouette qu’on croirait taillée à la serpe est un vigneron à l’ancienne.

Il considère que le vin se fait dans les vignes et ne ménage pas sa peine pour cultiver avec brio et pouvoir transmettre à ses enfants le domaine familial dénommé – exceptionnellement – château Gaudrelle.

Pour autant, ce n’est ni un passéiste, ni un opportuniste. En Touraine, les Monmousseau ne sont pas n’importe qui. Justin-Marcel Monmousseau, l’un des ancêtres d’Alexandre, jadis exploitant d’un négoce de vins fins à Montrichard, fut le premier à importer dans la région la fameuse « méthode champenoise » des vins effervescents. À sa manière, il fut un précurseur, imposant ses « grands vins mousseux » d’abord aux États-Unis, puis dans le monde entier, aux tables des plus grandes têtes couronnées et de toutes les cours d’Europe. Les gènes sont passés aux générations ultérieures.

Tout en développant la société qui porte leur nom, les Monmousseau ont ainsi fait au début du XXe siècle l’acquisition à Vouvray d’une belle maison bourgeoise au milieu du vignoble. Alexandre claque la porte de la camionnette, et pose ses bottes crottées au milieu d’une flaque d’eau. D’un geste de la main il guide le regard, et insiste sur l’historique de la propriété, qui est avant tout une histoire de transmission : « C’est un domaine d’une vingtaine d’hectares, plantés exclusivement de chenin blanc. Il a été fondé au XVIIe siècle. Ma famille l’a acquis avec le château en 1931, cinq ans avant la création de l’appellation vouvray. Puis l’a agrandi à deux reprises, en 1974 et en 2004, année ou j’ai pris la gérance du domaine. Depuis mon grand-père, je suis le troisième de la famille à travailler et à vivre dans les vignes. » Alexandre, langue bien pendue et physique de rugbyman, élabore encore aujourd’hui les vins qui ont fait la réputation de la maison. Parmi eux notamment un vin blanc sec et racé, un brut vineux à fines bulles qui en remontrerait à bien des champagnes, ainsi qu’un rare liquoreux, réservé aux clients fidèles, car il n’est possible de le produire qu’une fois tous les cinq ans.

Et pourtant, ce n’est plus en France que se joue le destin de ce « château » ligérien. En réalité, explique le jeune homme, la famille a fait partie des pionniers, ceux qui, il y a déjà plusieurs années, n’hésitaient pas à parcourir le monde, bouteilles sous le bras, afin d’évangéliser le monde entier.Puisque des touristes de toute la planète, venus admirer les merveilles ligériennes, appréciaient leurs crus, eux, en retour, apportaient leur vin en Angleterre, aux États-Unis, et même jusqu’en Asie, notamment au Japon. Loin de voir le monde comme une menace, ils ont trouvé dans l’extension du domaine de la culture du vin à la française, l’exaltation du « terroir », un élargissement de leur marché et donc de leur horizon.

Car les Monmousseau, comme d’autres producteurs de Loire, ont une botte secrète : un cépage, le chenin blanc. Dans les années quatre-vingt-dix, Alexandre et son père, comme tous les locaux partis sur les routes du monde, constatent l’intérêt extraordinaire des consommateurs pour ce cépage autrefois méconnu et qui se produit dorénavant dans tous les vignobles compétiteurs.

Subitement très exalté, Alexandre Monmoussau théorise ce marché en devenir dans lequel il compte bien défendre ses positions : « Le chenin blanc prend très bien, c’est extrêmement prometteur sur les marchés mondiaux. Ce sont les Sud-Africains qui ont démarré, ils ont déjà 4 000 hectares, les Argentins ont suivi, ils en sont à 2 000. Nous, dans la Loire, nous avons 20 000 hectares. Pour l’instant le chenin n’est pas populaire comme le chardonnay ou le sauvignon mais ça en prend le chemin. Nous jetons les bases d’un nouveau business. Il y a des marchés colossaux à prendre. J’ai fait une cuvée sous l’appellation Vin de France pour l’export. Ça fonctionne bien aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Allemagne et dans les pays Scandinaves. Ce qui plaît, c’est son expression originale, sa légèreté, sa grande finesse. C’est l’antithèse des vins très formatés de Nouvelle-Zélande, du Chili, d’Australie. » Sans compter que les Monmousseau peuvent exporter cette cuvée non millésimée – simplement numérotée ! – hors des lourdeurs de la législation française et à des volumes qui, espère Alexandre, pourront à terme atteindre les 360 000 bouteilles annuelles, soit l’équivalent, pour ce seul chenin Vin de France, de la production d’une grosse exploitation viticole française.

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Extrait de "La guerre des vins" chez Flammarion (5 septembre 2012)

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