Guerre en Ukraine, un an après : et voilà comment la Russie parvient à contourner certaines sanctions occidentales<!-- --> | Atlantico.fr
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Les sanctions économiques de la communauté internationale contre la Russie ont-elles été réellement efficaces ?
Les sanctions économiques de la communauté internationale contre la Russie ont-elles été réellement efficaces ?
©MANDEL NGAN, MIKHAIL METZEL / AFP / SPUTNIK / AFP

Impact sur l'économie russe

Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, les Etats-Unis et 37 pays alliés ont imposé des sanctions envers Moscou. Un rapport du Silverado Policy Accelerator témoigne de l’isolement de la Russie suite à ces sanctions. Malgré une baisse initiale des importations, la Russie a néanmoins toujours accès à certaines technologies grâce à la Chine.

Andrew David

Andrew David

Andrew David est directeur principal de la recherche et de l'analyse chez Silverado Policy Accelerator. Andrew David a plus de quinze ans d'expérience dans le domaine du commerce international et des questions environnementales.

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Sarah Stewart

Sarah Stewart

Sarah Stewart est PDG et directrice exécutive chez Silverado Policy Accelerator. Sarah Stewart a plus de vingt ans d’expérience en tant qu’avocate en commerce international, experte en politique commerciale et négociatrice commerciale.

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Atlantico : Quelles sont les principales stratégies de la Russie pour contourner les sanctions occidentales et le contrôle des exportations que vous décrivez dans votre rapport « Russia shifting import sources amid U.S. and allied export restrictions »  ?

Sarah Stewart : Une partie de la raison pour laquelle nous voulions faire ce rapport était de voir si la Russie s'adaptait réellement ou est-ce que ces sanctions, ces contrôles à l'exportation et ces départs d'entreprises, laissent vraiment un trou béant, un immense vide dans leur économie et dans leur capacité à acquérir à la fois des biens de consommation et des biens militaires. Andrew David a entamé ces travaux de recherche recherche et nous avons rapidement commencé à voir une tendance émerger : l'une des stratégies que la Russie utilise est qu'elle change simplement de pays et de partenaires pour s'approvisionner. À partir des données commerciales officielles, nous ne pouvons pas dire exactement quelle est la gamme de produits que la Chine fournit à la Russie, pour un produit comme un semi-conducteur ou un smartphone. Mais nous savons de manière anecdotique et en examinant certaines des données commerciales que ce que la Chine envoie n'est peut-être pas le plus avancé et pourrait être de moindre valeur. Mais néanmoins, si quelqu'un m'envoyait un iPhone six demain, est-ce le même que mon iPhone 12 ? Non. Mais cela marche toujours. Je pense que les problèmes de qualité se posent davantage lorsque nous pensons à des utilisations militaires plus avancées. Mais pour la plupart, même s'il s'agit d'une qualité inférieure ou d'une qualité différente ou même comme quelque chose légèrement différent du même produit, ils sont toujours en mesure d'acquérir bon nombre de ces biens. Je pense donc que l'une de leurs stratégies consiste simplement à rechercher différents partenaires, même si cela implique certains compromis.

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Quels sont les pays favorables au rebond de la Russie ? Sur quels aspects ?

Sarah Stewart : Cela dépend de la catégorie de produit. Mais dans l'ensemble, la tendance que nous observons montre vraiment que la Chine est le pays qui a le plus progressé. Mais si vous regardez les études de cas dans le rapport, elles sont légèrement différentes. Dans certains cas, c'est la Chine et aussi Hong Kong. Dans de nombreux autres cas, vous voyez certaines des anciennes républiques soviétiques.

Andrew David : J'ajouterai que la Turquie a également été un fournisseur.

Votre rapport montre que les importations russes de biens clés ont considérablement augmenté en 2021 avant l'invasion de l'Ukraine. Dans quelle mesure cela les a-t-il protégés jusqu'à présent ?

Andrew David : On a bien vu l'augmentation des importations avant la guerre. Et, vous savez, il y avait une grande variété de produits. Mais dans les premiers mois du conflit, nous les avons vus entrer en guerre avec de gros stocks pour certains produits de détail. Je pense donc que cela a positionné la Russie dans de meilleures dispositions dans les premiers mois pour résister en quelque sorte à l'impact des sanctions. C'est peut-être pourquoi cela n'a pas eu autant d'impact dans les premiers mois avec tous ces inventaires à portée de main.

Pour un produit comme les circuits intégrés où il y avait une forte augmentation avant la guerre, on ne sait pas comment les stocks ont été utilisés. Nous savons de manière anecdotique qu'il y a certains produits, qu'il s'agisse d'un smartphone ou de certains produits de détail, pour lesquels les stocks étaient importants avant le début de la guerre. Certes, il y avait des reportages dans les médias sur certains de ces produits et de ces biens qui étaient encore vendus quelques mois après ou en rupture de stock. Donc pour certains produits, il y avait d'importants stocks. 

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Après une baisse initiale des importations russes en mars-avril 2022, elles ont commencé à rebondir fortement et ont de nouveau dépassé les niveaux médians d'avant-guerre en septembre 2022. Comment ont-elles fait ?

Andrew David : Je pense qu'il y a plusieurs choses qui se sont produites. Certainement le fait que la Russie ait décidé de changer de fournisseur et de trouver des partenariats avec de nouveaux pays ou des fournisseurs alternatifs. Mais vous voyez également dans le régime d'importation parallèle en Russie qu'ils ont légalisé davantage d'expéditions commerciales passant par des pays tiers parce qu'il s'agit de régimes d'importations parallèles. Cela est lié à l'impact de la monnaie et des paiements transfrontaliers. Cela impose des conditions de paiement dans différentes devises. Il ne s'agit donc pas seulement de trouver de nouveaux fournisseurs de financement, mais nous avons constaté d'autres types d'adaptations et des méthodes qui permettent aux importateurs russes de s'adapter au régime de sanctions et aussi d'avoir plus de certitudes sur ce qui se passe grâce à ce régime de sanctions.

Quel est l'état actuel de l'économie russe, un an après le début de la guerre, notamment sur sa situation d'importation ?

Sarah Stewart : En général, on constate que les importations, après avoir assez fortement baissé, ont rebondi. Mais certains mix de produits sont différents, certains sont encore assez restreints et ne rebondissent pas nécessairement.

Andrew David : Oui, nous constatons que nous assistons à un rebond des importations. Nous voyons la Russie trouver de nouveaux domaines, de nouvelles sources d'approvisionnement. Maintenant, il y a certainement encore des domaines où la Russie a eu plus de difficultés à acquérir des biens comme les pièces de véhicules automobiles par exemple. Il a été difficile d'obtenir certaines pièces, qu'il s'agisse de convertisseurs catalytiques ou d'airbags, etc. Cela concerne aussi certains types de pièces du secteur des aéronefs civils. Nous voyons donc ces défis se poursuivre. Pour certains produits, ils trouvent des marchandises dans d'autres pays, cela ne signifie pas qu'ils sont un substitut parfait. Ils parviennent à se rétablir donc. Mais il y a des différences dans la gamme de produits.

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Diriez-vous que les sanctions occidentales n'ont pas été efficaces ou seulement partiellement efficaces ?

Sarah Stewart : Il ne fait aucun doute que des sanctions, les contrôles à l'exportation, ont été imposés par les États-Unis et 36 autres pays. C'était sans précédent et cela a certainement eu un impact. Les sanctions ont permis de garder certaines choses vraiment hors des mains de la Russie. Maintenant, le fait que nous voyons encore des technologies à double usage comme les semi-conducteurs faire leur chemin vers la Russie, nous ne savons pas exactement comment elles sont utilisées, mais nous savons que ce n'est pas seulement la puce la plus avancée qui est nécessaire pour des applications au sein de l'armée. Et donc même s'ils n'obtiennent pas les puces les plus avancées et qu'ils obtiennent juste une version plus ancienne en provenance de Chine, cela peut suffire. L'objectif des contrôles à l'exportation et des sanctions était de vraiment nuire à la capacité de la Russie dans son effort de guerre et pour l'empêcher de triompher. Les sanctions n'ont pas encore permis d'accomplir cela. Oui, il y a eu un impact, mais ce n'est pas vraiment un coup mortel porté au régime russe. Nous devons donc faire plus.

Quelles sont les implications politiques pour les pays occidentaux s'ils veulent frapper durement la Russie ?

Sarah Stewart : La première est que les sanctions et les contrôles à l'exportation ne nous mèneront pas très loin. Ils doivent donc exister dans un monde où nous utilisons également d'autres types de mesures. Mais en nous concentrant spécifiquement sur ce que nous pourrions faire de plus en termes de contrôles et de sanctions à l'exportation, je pense que nous avons formulé une recommandation dans notre rapport concernant la constitution, aux États-Unis, d'une sorte de nouveau groupe de travail composé de plusieurs agences avec différentes autorités qui se réunissent pour vraiment se concentrer sur l'application du contrôle des exportations. Nous avons déjà vu quelques bons succès, mais nous avons besoin de faire beaucoup plus d'efforts. Nous devons montrer que les États-Unis sont très sérieux quant à la répression de l'application des contrôles à l'exportation. Et nous avons été fortement encouragés la semaine dernière en voyant qu'une force de frappe a été mise en place. Elle comprend le ministère de la Justice et le ministère du Commerce et, je crois, une branche du ministère de la Sécurité intérieure. Et c'est donc bien de cela qu'il s'agit : réunir tous ces différents types de ressources de l'agence autour d'une mission commune. Et ensemble, ils peuvent faire plus pour identifier les problèmes de la chaîne d'approvisionnement qui pourraient aider à contourner les sanctions et les contrôles à l'exportation. Ils peuvent rassembler les preuves nécessaires pour intenter davantage de poursuites, ce qui va mettre en garde les acteurs néfastes et peut-être qu'ils vont y réfléchir à deux fois la prochaine fois qu'ils essaieront d'échapper à certains contrôles à l'exportation ou à d'autres outils déployés. Mais c'est aussi une façon d'aider à impliquer le secteur privé, car ce sont vraiment eux qui sont en première ligne. Nous sommes donc vraiment encouragés par ce récent développement.

Pour retrouver le rapport de Sarah Stewart et Andrew David : cliquez ICI

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