Multiplication des fronts
Guerre en Ukraine : à quoi désormais s’attendre d’une Russie prise à son propre piège ?
Le conflit est entrée dans une nouvelle phase.
Des frappes en Crimée, une progression très lente en Ukraine et plus récemment la mort de Daria Douguina. Que se passe-t-il actuellement en Russie ?
Viatcheslav Avioutskii : Si on veut avoir une vision stratégique de cette étape de guerre, on observe la multiplication des fronts. Ces fronts ne sont pas limités aux lignes de contact et la guerre déborde. C’est ce qu’illustrent notamment les opérations de Crimée, qui ont réussi à des degrés divers, comme l’opération dans la Région de Belgorod, où un dépôt de munition a été visé. Il y a quelques jours, la Maison-Blanche a reconnu que les infrastructures militaires de la Crimée étaient une cible légitime pour l’Ukraine. Plus récemment, c’est l’attentat contre Alexandre Douguine qui s’est terminé par la mort de sa fille. Il est trop tôt pour se prononcer sur qui est derrière cet attentat, mais il est clair qu'il s'inscrit dans la dynamique de cette guerre. Tous ces éléments, sur lesquels normalement l’Ukraine ne se prononce pas ou rejette toute responsabilité montrent que la guerre est entrée dans une nouvelle phase. Une guerre plus diffuse, hybride qui mélange les genres. Lorsque l’on voit l’attaque au drone visant l'état-major de la Flotte russe - qui a été abattu sans faire de victimes – on se demande quel est l’objectif de l’opération, si ce n’est la volonté d’influencer psychologiquement le conflit. Comme le disait le général Petraeus, la guerre ce n’est pas seulement ce contrôle physique du terrain, c’est aussi la guerre pour les cœurs et les esprits des populations.
A quel point la Russie est-elle aux abois ?
Je ne crois pas que la Russie soit, pour le moment, aux abois. Elle a encore une vision relativement claire des défis qui se posent à elle. Jusqu’à maintenant, la Russie croyait que l’Ukraine n’avait pas les armes ou les moyens militaires, technologiques et techniques d’atteindre la Crimée. Il y avait déjà eu des frappes sur le territoire russe, notamment dans les régions de Belgorod et de Rostov, mais pas à ce niveau-là. Le fait qu’il y ait eu un attentat contre Douguine, dont on ne connaît pas l’origine, s’inscrit dans la dynamique de la guerre. Pour le moment, la Russie demeure en capacité de contrôler son front. Elle se trouve à un point d’équilibre avec les Ukrainiens. Les premiers s’enlisent, les seconds veulent une contre-offensive mais n’ont pas les forces pour le faire. Les offensives en Crimée montrent que les Ukrainiens veulent changer le rapport de force. Ce dernier est toujours asymétrique mais nous sommes dans une forme de rééquilibrage qualitatif avec ces différentes opérations. La Russie demeure plus puissante sur le plan quantitatif car elle détient plus des armes. Après avoir obtenu de leurs alliés occidentaux les Himars, les Ukrainiens commencent à prédominer sur le plan qualitatif sur certains segments d'armement, mais n'arrivent encore pas à obtenir un avantage décisif.
À Lire Aussi
The Insider, un journal russe indépendant, a publié des mails de familles de soldats mobilisés évoquant des conscrits envoyés en Ukraine contre leur gré, un refus de démobiliser certains blessés, etc. Qu’est-ce que cela nous dit de l’armée russe ?
L’Ukraine dit s’attendre à des frappes sur les civils, ou des représailles cruelles quelque chose de « particulièrement dégoutant » pour le 24 août ? A quoi s’attendre de la part de la Russie au vu du contexte ?
Une escalade rapide, notamment nucléaire, est-elle un scénario possible ?
Aux Etats-Unis, une lettre collective signée par plusieurs personnalités du monde politique et militaire américain a recommandé à Biden d’être beaucoup plus actif dans la livraison d’armes. Dans cette lettre, ils estiment qu’il ne faut pas trop redouter une escalade militaire nucléaire, car puisque les Etats-Unis sont indirectement impliqués dans le conflit, la Russie n’ira pas jusqu’à utiliser l’arme nucléaire.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !