Guerre d’Ukraine : ces précieuses leçons pour la défense de Taïwan <!-- --> | Atlantico.fr
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Une corvette lance-missiles produite à Taïwan, le navire de 500 tonnes Tuo Chiang, lors de la cérémonie de lancement du navire au port naval de Suao, au nord-est de Taïwan.
Une corvette lance-missiles produite à Taïwan, le navire de 500 tonnes Tuo Chiang, lors de la cérémonie de lancement du navire au port naval de Suao, au nord-est de Taïwan.
©BENJAMIN YEH / AFP

Revers militaires

La perte du croiseur russe Moskva, un des fleurons de la flotte russe en mer Noire, pourrait faire réfléchir la Chine sur l’efficacité réelle de la flotte maritime en cas d’attaque de Taïwan.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Atlantico : Dans quelle mesure la perte du croiseur russe Moskva, qui est un des fleurons de la flotte russe en mer Noire, pourrait-elle faire réfléchir des pays comme la Chine sur l’efficacité réelle de sa flotte maritime en cas d’attaque de Taïwan ?

Jean-Vincent Brisset : La conquête de Taïwan serait un exercice extrêmement périlleux pour la Chine. Il faut savoir que le modèle militaire chinois est fortement calqué sur celui de la Russie. Même si la Chine a réalisé de très gros investissements en faveur de sa marine ces dernières années, je pense qu’elle a bien conscience des pertes qu’elle pourrait subir si elle attaquait Taïwan. Elle regarde attentivement les événements qui se passent en Ukraine et tente d’en tirer un maximum de leçons. À l’heure actuelle, si la Chine avait des plans précis pour conquérir Taïwan, je pense qu’elle est en train de tout remettre en question, ce qui serait légitime d’un point de vue opérationnel. 

Il est également intéressant de noter qu’il y a encore quelques années, Taïwan se sentait très isolé diplomatiquement, notamment vis-à-vis des américains. Pourtant, selon un texte législatif,  les États-Unis sont obligés de soutenir militairement cette île en cas de conflit avec la Chine. Donald Trump et Joe Biden ont réaffirmé cette volonté. De plus, la Chine possédant une économie plus ouverte que la Russie, elle pourrait être très vulnérable aux sanctions, ce qui pourrait dissuader le régime de Xi Jinping de passer à l’action. Au-delà de sa doctrine militaire, un ensemble de facteurs dissuadent donc la Chine de passer à l’offensive. 

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Si la Chine déclenchait une opération militaire contre Taïwan, pourrions-nous nous attendre à de nombreux navires coulés, à l’instar du Moskva ? Une attaque par la mer est-elle particulièrement difficile à mener et laisse-t-elle plus de possibilités pour se défendre ?

Encore une fois, une opération militaire contre Taïwan serait extrêmement risquée. De nombreux facteurs expliquent cette difficulté. Premièrement, Taïwan a conçu tout son modèle de défense en vue d’une attaque chinoise. De plus, toute offensive militaire contre une île est très difficile à mener. Pour ajouter des difficultés supplémentaires aux forces chinoises, la topographie des côtes taïwanaises ne se prête pas du tout à un débarquement, elles ne sont pas comparables aux plages de Normandie par exemple. Ces côtes sont très escarpées à l’Est et très vaseuses à l’Ouest. Pour envisager un débarquement sur Taïwan, il serait indispensable de conquérir un port, ce qui n’est pas une mince affaire. Il faudrait faire ce que l’on appelle dans le jargon militaire une « tête de pont », c’est à dire conquérir un périmètre, le sécuriser, afin de s’implanter pour continuer les opérations. C’est très difficile d’un point de vue opérationnel. De plus, même si les navires chinois disposaient des technologies les plus avancées, ils ne pourraient pas éviter d'être touchés par des missiles envoyés en grande quantité. Au vu de l’ensemble des points indiqués, il ne fait aucun doute que la marine chinoise subirait de lourdes pertes en cas d’attaque de Taïwan. 

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Il faut également savoir que depuis une dizaine d’années, les Taïwanais ont une véritable conscience nationale et distinguent fermement les Chinois des Taïwanais. Une résistance comme celle que l’on observe actuellement en Ukraine serait donc tout à fait envisageable. 

Taïwan aurait-elle intérêt à investir particulièrement dans des missiles ou des pièces d'artillerie pour se protéger ?

Tout à fait, et Taïwan a déjà réalisé beaucoup d’investissements en ce sens ! L’île s’est dotée de nombreuses pièces d’artillerie mobiles qui peuvent être déplacées partout sur leurs côtes et qui sont donc plus difficiles à détruire pour une armée ennemie. Ils possèdent également de nombreuses batteries côtières ainsi que des batteries à roulette. D'un point de vue tactique, l’ensemble des efforts militaires de l'île ont été pensés en ce sens. Par exemple, Taïwan n’a que deux sous-marins obsolètes. De plus, sur la côte Est, les aéroports sont semi-enterrés dans le but d’éviter de trop lourdes pertes en cas de bombardements. Les gouvernements taïwanais n’ont donc pas prévu de grands combats aériens mais ont préféré se focaliser sur une menace maritime. Ils attendent donc la marine chinoise de pied ferme, et celle-ci devrait prévoir d’immenses moyens pour mener un débarquement efficace.

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