"Les Grecs sont en colère car ils savent qu'ils vont payer très cher l'aide de l'Europe et du FMI"<!-- --> | Atlantico.fr
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On demande à la Grèce trop de choses en trop peu de temps.
On demande à la Grèce trop de choses en trop peu de temps.
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C'est pas la fêta...

Semaine décisive pour Athènes. Un prêt européen de 8 milliards d'euros a été repoussé faute de garanties économiques de la Grèce. Pendant ce temps là, le peuple grec s'agace de devoir payer les pots cassés de la politique menée par ses dirigeants...

Yorgos Archimandritis

Yorgos Archimandritis

Yorgos Archimandritis est écrivain et journaliste.

Il est l’auteur de Mikis Théodorakis par lui-même (Actes Sud, 2011) et co-auteur, avec Danielle Mitterrand, de Mot à Mot (Le Cherche Midi, 2010).

En 2008, il a été nommé Ambassadeur Culturel pour la Présidence Française de l’Union Européenne, et a été promu en 2010 Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. 

 

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Atlantico : Comment expliquer le retard de la Grèce dans l’assainissement de son budget ?

Yorgos Archimandritis : On demande à la Grèce trop de choses en trop peu de temps. La Grèce montre de la bonne volonté, le peuple a vraiment accepté beaucoup de sacrifices. Le gouvernement  ne fait pas cela le cœur léger. Il fait adopter ces lois parce qu’il faut les adopter. Mais les délais dans lesquels on nous demande des résultats sont bien trop courts. Je suis sûr que vous comprendriez ce que le peuple grec ressent, si vous transposiez cette réalité en France où une petite mesure qui touche aux droits d’un secteur professionnel particulier, suscite des manifestations, des grèves nationales. Imaginez la réaction des Français si on leur imposait ce déferlement de mesures très lourdes...

Dans quel domaine la Grèce doit-elle concentrer ses efforts ?

Je pense qu’il n’y a pas eu suffisamment de résultats dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale. Oui, on a pris des mesures. Oui, on a voté des lois. Mais, comme la machine de l’État n’est pas équipée pour assurer le bon fonctionnement et l’application de ces lois, beaucoup de problèmes de fraude et de corruption perdurent.

Il faut tout faire pour battre la fraude fiscale et la corruption. C’est pourquoi le gouvernement grec veut collaborer avec les banques étrangères pour contrôler les comptes des Grecs qui ont fait des transferts d’argent de plus de 100 000 euros par an. Ils veulent vérifier si les revenus de ces gens-là correspondent aux impôts qu’ils ont payés et déclarés sur la même période. On retrouve le même problème dans le processus de privatisation. La machine est très lente. Les décisions prises par le gouvernement  ne sont pas contrôlées au niveau des services. C’est une chose de voter une loi, cela en est une autre de les appliquer.

Par ailleurs, la Grèce doit concentrer ses efforts dans le développement des secteurs touristiques et culturels, qui sont des outils de développement majeurs en Grèce.

Qu’est-ce que tout cela nous révèle de la « mentalité grecque » ?

Ce n’est pas une généralité mais cela peut refléter un problème de mentalité selon lequel les gens se méfient de l’État. Mais il faut tout de même pouvoir contrôler ceux qui ne font pas leur travail, qui ne veulent pas le faire ou qui ne sont pas efficaces. Puisque les mentalités vont mettre beaucoup de temps à changer, il faut que quelqu’un impose l’efficacité au travail. On pourrait désigner des services de contrôle pour aider à l’application de la loi. L’idéal bien-sûr serait qu’ils soient totalement gérés par les Grecs eux-mêmes et qu’ils soient mis en place dans la plupart des services publiques. Les dirigeants de chaque service doivent tout simplement faire leur travail. 

Je pense que même si la situation actuelle oblige la Grèce à subir toutes ces mesures difficiles, cette obligation de résultats et les changements qui en découlent devraient être à long terme bénéfiques pour le pays.

Comment le peuple Grec vit-il cette pression constante ?

La Grèce et le peuple grec affrontent cette situation avec énormément de dignité et de courage. Il faut être un peu plus indulgent avec les Grecs, même si je comprends que les peuples européens rechignent à payer pour eux. Il faut être solidaire. Quand on décide de faire une union de pays, on est ensemble comme dans un mariage, pour le meilleur et pour le pire. On ne peut pas tous être au même niveau, au même moment. La construction européenne est une entreprise de très longue haleine qui demande beaucoup d’efforts. Il faut du temps pour harmoniser toutes les législations, pour que tous les peuples puissent faire face à leurs problèmes de la même façon.

Les Grecs en veulent-ils à l’Europe pour les mesures qu’elle leur impose ?

Je ne pense pas qu’il y ait un ressentiment des Grecs vis-à-vis de l’Union européenne. Leur colère se porte plus vers ce que coûtera réellement l’aide de l’Europe et du FMI. Ils savent que cette aide, ils vont la payer très cher. Leur quotidien va être terriblement affecté par tout cela. Les salaires et le pouvoir d’achat ont déjà baissé. Les Grecs vont être restreints à un quotidien où ils pourront à peine couvrir leurs besoins essentiels. Cela est beaucoup plus sérieux qu’on peut le penser.

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