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Grand Paris et transports en commun : mais quand les arbitrages publics prendront-ils enfin en compte la France de ceux qui n’habitent pas dans les centre-villes ?
©Thomas SAMSON / AFP

Report de travaux

Au regard des dernières orientations prises, la résorption des difficultés des travailleurs pendulaires franciliens n’apparaît que secondaire, la logique de la concurrence internationale pour l’organisation d’un événement planétaire comme les JO 2024 prenant le dessus sur les besoins du quotidien.

Atlantico : Comment interpréter l'agencement du calendrier de réalisation du Grand Paris Express en intégrant de façon prioritaire les "lignes jugées stratégiques" pour les JO de 2024 ? Ne peut-on pas voir ici que la priorité ne semble pas de résoudre les difficultés de transports rencontrées par les habitants ?

Laurent Chalard : Le choix du gouvernement d’Edouard Philippe de réaliser prioritairement les lignes de métro du Grand Paris Express desservant les sites des Jeux Olympiques de Paris 2024 s’explique, assez simplement, par le fait que les autorités, s’inscrivant dans une logique de concurrence internationale entre les « villes globales » inhérentes à la mondialisation de l’économie, privilégient consécutivement le bon déroulement d’un évènement d’ampleur planétaire, au rythme d’organisation séculaire. Les Jeux Olympiques étant une vitrine internationale du Grand Paris, pour une raison de crédibilité évidente, l’Etat s’efforce à ce que tous les sites, où se dérouleront les jeux, soient desservis en temps voulu par les nouvelles lignes de métro. En effet, l’expérience montre que les retards dans la mise en place des infrastructures olympiques ont mauvaise presse, qui plus est lorsque le monde entier à les yeux braqués sur une ville.

Effectivement, il s’ensuit que la résorption des difficultés des travailleurs pendulaires franciliens n’apparaît que secondaire, la logique de la concurrence internationale pour l’organisation d’un évènement planétaire prenant le dessus sur les besoins du quotidien. Cependant, ce problème n’est pas spécifique aux JO de 2024, mais remonte à l’origine du projet, puisqu’on a l’impression que le Grand Paris Express a beaucoup plus été conçu comme un réseau de transports répondant uniquement à des stratégies de concurrence internationale, en l’occurrence relier rapidement différents « clusters » décrétés arbitrairement par l’Etat, que comme un réseau fait pour ses habitants, dont l’objectif principal serait de réduire les temps de trajet de la majorité des travailleurs pendulaires franciliens. Cet objectif passerait par une combinaison des modes de transport, un métro ne pouvant résoudre à lui seul tous les problèmes de déplacements des franciliens, en particulier en Grande Couronne, où se pose la question sensible de la circulation automobile, les « bouchons » étant de plus en plus importants au fur-et-à-mesure du temps.

Dans quelle mesure les choix réalisés peuvent venir conforter le fossé creusé entre métropole et périphérie ?

Le projet du Grand Paris Express apparaissant comme mégalomaniaque, il risque d'obérer l'investissement public sur le reste du territoire français. En effet, pensé en temps de crise économique avec un budget, sous-estimé au départ comme toujours dans ce type de projet, le coût du Grand Paris Express est totalement au-delà des capacités financières réelles de l'Etat. Il s’ensuit que les sommes investies, qui ne feront que grossir au fur-et-à-mesure des années, ne pourront être allouées à d’autres projets de moindre envergure, mais, tout aussi utile, en Ile de France et dans le reste du territoire hexagonal. Comme ce fut le cas par le passé, avec le projet inutile du tunnel de l’A 86 ouest, l’argent public risque d’être concentré pour une bonne décennie, voire plus, dans un projet, qui, à l’arrivée, ne résoudra que partiellement la congestion francilienne. En outre, le fossé économique entre la métropole parisienne et le reste du territoire risque donc de s’accentuer, le Grand Paris Express concentrant les créations d’emploi.

Alors que le constat de la France périphérique a été largement traité dans les médias et par le monde politique lui-même, comment expliquer des choix qui semblent conforter les causes du problème ? Le résultat d'une France périphérique décrochée est-il simplement le résultat d'une approche structurelle du pays qui ne serait en rien remise en question ?

Si les hommes politiques, de tous bords, parlent souvent de la « France Périphérique » et courtisent son électorat, il n’en demeure pas moins que les décisions prises au plus haut niveau de l’Etat depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir en 2007 ne conduisent, inévitablement, qu’au renforcement des grandes métropoles, que ce soit à travers les politiques d’infrastructures ou la réforme territoriale. Ces choix sont la conséquence de la prise de pouvoir des élites urbaines dans la classe politique française, où la ruralité était auparavant largement surreprésentée. Or, ces élites ayant totalement intériorisé les logiques économiques de la mondialisation, présentée comme une concurrence effrénée entre les grandes métropoles de la planète, elles concentrent donc leurs actions vers le renforcement du poids politique et économique des grandes métropoles françaises, ce qui est, d’ailleurs, plutôt couronné de succès. Selon leur mode de pensée, la croissance des principales agglomérations hexagonales aurait un effet d’entraînement mécanique sur le reste du territoire.

Néanmoins, dans les faits, les choses ne sont pas aussi simples pour deux principales raisons. Tout d’abord, les métropoles françaises sont, pour l’instant, insuffisamment nombreuses et insuffisamment peuplées pour pouvoir espérer rayonner sur l’ensemble du territoire. De vastes zones restent en-dehors de l’influence des grandes métropoles, ne pouvant donc espérer en retirer un quelconque bénéfice. Seconde raison, rien ne prouve que le développement économique des grandes villes a un effet d’entraînement sur l’ensemble de leur zone d’influence. En effet, historiquement, les cas de métropoles vampirisant leur arrière-pays sont légions. Il suffit pour cela de penser à Paris, qui a, pendant très longtemps, empêché le développement des agglomérations les plus proches d’elle. D’ailleurs, à l’heure actuelle, le Bassin Parisien, bien que sous influence incontestable de la capitale, ne se porte pas très bien sur le plan économique. Par exemple, les habitants du département de l’Yonne peuvent légitimement s’interroger sur les effets d’entraînement de la métropole parisienne sur leur territoire !

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