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Gilets jaunes : contestation sociale certes, mais aussi politique, pour une nouvelle démocratie
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Double lecture

La lecture politique du mouvement des Gilets jaunes a été négligée ces dernières semaines. Sans doute est-elle plus dérangeante ou désarçonnante pour les commentateurs et analystes que la lecture sociale du mouvement.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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Il existe deux lectures du mouvement des gilets jaunes : une lecture sociale et une lecture politique. La lecture sociale a déjà fait l’objet de nombreux commentaires et analyses : opposition entre une « France périphérique » et une « France d’en-haut », phénomène de déclassement social, encore mis en lumièreces derniers jours par une note de la Fondation Jean-Jaurès. Inutile d’y revenir ici. La lecture politique a été plus négligée. Sans doute est-elle plus dérangeante ou désarçonnante pour les commentateurs et analystes de l’autre lecture.

Qu’illustre exactement, d’un point de vue politique, ce mouvement des gilets jaunes ? Une opposition entre une démocratie citoyenne, directe, qui aspire à la gouvernance (voir la formation en cours d’une « assemblée citoyenne » en lieu et place, probablement du Sénat dont la disparition est réclamée), et une démocratie représentative, qui entend faire valoir sa légitimité et donc conservée ses prérogatives sorties des urnes.

Cette opposition n’est pas inédite. L’actuel mouvement s’inscrit dans la lignée et la continuité de mouvements, apparus à partir des années 1990, déjà contestataires des corps intermédiaires : syndicats et partis, comme les coordinations d’infirmières, les coordinations étudiantes, l’action des camionneurs menée par le fameux Tarzan, et bien sûr Nuit Debout.

Le mouvement des gilets est un pas de plus, plus profond à l’évidence, moins « catégoriels » en effet, plus « multi-classes », « multi-situations sociales ». Comme jadis, il interpelle la démocratie en place, conteste la représentativité élective, l’impuissance ou la non-volonté des dirigeants à résoudre les problèmes quotidiens des gens. Puisque le pouvoir ne sait pas gouverner, gouvernons à sa place, disent les manifestants. Révoquons la tête de l’Exécutif et l’Assemblée. Réactivons le référendum d’initiative populaire. Ce programme, quoi qu’on puisse en penser, est d’une grande cohérence pour ceux et celles qui ont quelques notions de démocratie directe (que les autres relisent Rousseau sans tarder).

 Lecture politique et lecture sociale du mouvement sont indissociables. La colère sociale et l’aspiration à une autre démocratie se conjuguent, avancent même de concert. Pour l’heure, répétons-le, la lecture sociale reste privilégiée, plus médiatique à l’évidence. Mais l’on aurait tort de négliger l’autre lecture. La « guerre froide », qui opposait jusqu’ici les deux démocraties, représentative et participative ou collaborative, se mue aujourd’hui en « conflit ouvert » sur tous les territoires de la nation.

Comment conjuguer ces deux façons de gouverner, la démocratie des élus ne pouvant plus espérer à présent diriger seule les affaires ? La question est d’importance. Car il est clair que l’élection (dont on peut imaginer qu’elle fera l’objet d’une abstention croissante dans les années à venir) risque ne plus être le temps fort de la vie démocratique. Il est tout aussi clair que les institutions parlementaires devront composer davantage avec des assemblées citoyennes puisqu’elles n’incarneront plus à elles seules toute la légitimité politique.

Il n’est plus, depuis le 17 novembre, de « citoyens passifs ». Tous les citoyens sont devenus « actifs ». N’est-ce pas à l’honneur de la Démocratie ?

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