Eric Woerth : "Remettre en question la réforme des retraites est irresponsable"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Eric Woerth : 
"Remettre en question la réforme 
des retraites est irresponsable"
©

Travailleurs, travailleuses

François Hollande propose de remettre sur la table la réforme des retraites menée par le gouvernement Fillon. Une attitude dangereuse, selon son principal architecte, Eric Woerth, qui explique en quoi ce serait une perte considérable d'énergie et de moyens pour la France.

Google et Yahoo, internet

Eric Woerth

Né en 1956 dans l’Oise, département dont il est député depuis 2002, Éric Woerth a été secrétaire d’État à la Réforme de l’État sous le gouvernement Raffarin, puis ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l’État de 2007 à mars 2010 et ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique en 2010 au sein des deux premiers gouvernements Fillon. Actuellement, Eric Woerth est Secrétaire général des Républicains. Les éditions de l’Archipel ont publié sa biographie du duc d’Aumale (2006). Depuis 1995, il est maire de Chantilly.

Voir la bio »

Dans quelques jours, les Français seront appelés à désigner le prochain président de la République. 

Parlons un instant encore du bilan et plus particulièrement de la réforme des retraites, que le président de la République m’a demandé de conduire en tant que ministre du Travail en 2010. C'est une des mesures majeures du quinquennat de Nicolas Sarkozy. 

Nous devions assurer l’avenir des générations futures et sauvegarder l'essentiel de notre pacte républicain, c'est-à-dire le système français de retraite par répartition, qui fait la force de notre modèle social. Nous avons travaillé et dialogué avec conviction et volontarisme pendant près de six mois avec tous les partenaires, sans éviter ni négliger les sujets compliqués. 

Nous avons rétabli l'équilibre financier de notre système de retraite. Nous avons créé la notion de pénibilité, qui, pour la première fois, permet à certains salariés « usés » par le travail de partir à la retraite de façon anticipée (60 ans au lieu de 62). Nous avons créé un Fonds national de soutien relatif à la pénibilité afin de soutenir les actions déployées par les entreprises et par les branches afin d’améliorer les conditions de travail. Nous avons permis aux assurés ayant commencé à travailler à 14, 15, 16 ou 17 ans de prendre leur retraite entre 58 et 60 ans, grâce à la prolongation du dispositif «carrières longues». Nous avons enfin tenu compte de l'inégalité insupportable de rémunération entre les hommes et les femmes

Aujourd’hui, François Hollande souhaite rouvrir ce débat.

La France a-t-elle du temps à perdre pour revenir sur une réforme majeure somme toute acceptée et comprise par les Français ? En pleine crise, a-t-on besoin de relancer, dans un esprit polémique dont la France a le secret, des débats déjà tranchés ? Le dialogue doit continuer à guider l’action politique notamment grâce au Comité d’orientation des retraites, instance pluraliste et objective qui accompagne le ministère du travail. Mais à chacun son rôle, à chacun ses responsabilités : gouverner c’est décider, gouverner c’est agir. 

Que propose précisément le candidat du Parti socialiste sur cette question ? 

Il envisage de revenir à un âge légal de départ à la retraite à 60 ans, alors même que nous avons décidé de son relèvement à 62 ans de manière progressive jusqu’en 2017 et qu’aucun de nos partenaires européens ne s’est engagé dans cette voie-là. La France serait le seul pays à baisser l'âge de la retraite alors que la proportion des européens âgés de plus de 80 ans devrait presque tripler d’ici 2050 ! Formidable exercice de courage politique ! L’Allemagne a voté une loi faisant passer l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 67 ans ; le Royaume Uni a fait le choix d’un alignement progressif sur 65 ans d'ici 2020 ; quant à l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, l'âge a été fixé à 65 ans. 

Ce retour en arrière est hélas la seule proposition claire du candidat socialiste sur les retraites. Ses positions sur les autres aspects de la réforme sont plus difficiles à comprendre. Sur la durée de cotisations par exemple, c’est, une fois de plus, le flou. Qu’en est-il d’une personne qui souhaite prendre sa retraite sans avoir cotisé 41 années ? A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, nous restons sans réponse de M. Hollande à cette question. Le projet du Parti Socialiste prévoit un départ sans décote à 65 ans. Pour François Hollande, c’est tantôt un départ possible avec décote à partir de 60 ans, tantôt un départ possible avec décote mais pas avant 62 ans, pour finalement renvoyer la décision à des négociations ultérieures. 

La pénibilité et les carrières longues illustrent également cette incapacité à décider, puisque comme député, il n’a voté aucun de ces deux dispositifs, renvoyant toujours les choix à plus tard. 

Ces mesures posent évidemment la question de leur financement. Faire preuve d’inconstance sur un dossier aussi important pour la vie des Français, alors que la France ne peut se permettre de traiter le déficit de ses comptes publics avec légèreté, est inquiétant. Le candidat socialiste avance un coût de 5 milliards d’euros et souhaite les compenser par une hausse des cotisations sociales. Ce retour en arrière pèsera à la fois sur le pouvoir d’achat des Français et sur le coût du travail, moteurs de la croissance de notre pays. Tout cela aura en réalité une conséquence inéluctable : la baisse des pensions des Français et notamment des petites retraites ! 

L'attitude de François Hollande sur les retraites est en réalité la même que celle de Martine Aubry, à l'époque, au sujet des 35 heures : celle du déni de la « valeur travail » et de l'effort ! 

Cette France hésitante et irresponsable, les Français sauront la refuser. Le 6 mai, ils ne s’y tromperont pas et feront le choix de l’action et du courage. J’en suis certain.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !