François Hollande : dernier des Mohicans européens de l’idéal socialiste <!-- --> | Atlantico.fr
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Si François Hollande était élu, il serait peut-être à la tête du seul gouvernement socialiste en Europe, et il serait bien obligé de dialoguer avec des gouvernements de droite.
Si François Hollande était élu, il serait peut-être à la tête du seul gouvernement socialiste en Europe, et il serait bien obligé de dialoguer avec des gouvernements de droite.
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Chez les Brit's

François Hollande se rend ce mercredi à Londres pour une visite destinée à conforter sa stature européenne. Mais le PS a vu ses alliés s'ouvrir au libéralisme, et se retrouve désormais isolé entre une gauche européenne affaiblie et une extrême gauche française plus influente.

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

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Atlantico : François Hollande est ce mercredi à Londres. La gauche française et celle des pays européens les plus proches sont-elles comparables ?

Gérard Grunberg : Chez les socialistes, il y a une idée de solidarité, de vision commune au sein des partis européens. C’est pourtant beaucoup moins évident que cela dès que l’on franchit les grands principes généraux. Il faut réguler, relancer l’économie et lutter contre la spéculation financière. Une fois que l’on a dit cela, on se rend compte que chacun mène sa barque en fonction de sa position : au gouvernement ou dans l’opposition, dans la crise ou non.

Le Parti socialiste français est clairement bien moins libéral que ses homologues européens. Ce décalage historique remonte au XIXe siècle. Il découle d’une longue tradition de rapports très particuliers à l’État et au capitalisme. La France est un pays qui n’a jamais été libéral dans son idéologie. Le libéralisme a toujours été combattu par la gauche ou par les gouvernements impériaux, ce qui a fait qu’il n’y a jamais eu de dirigeants libéraux en France.

Faute d’une forte réflexion individualiste et libérale en France, les partis sont toujours restés plus à gauche. C’est pour toutes ces raisons que l’extrême gauche française reste très présente, très influente. C’est aussi pour toutes ces raisons que la droite française elle-même n’est pas porteuse d’un véritable libéralisme comme on peut le voir dans d’autres pays. Entre ces deux extrêmes, le Parti socialiste ne peut évidemment pas être libéral non plus.

Les opinions des socialistes français sont-elles plus proches de celles de leurs collègues britanniques, allemands ou encore espagnols ?

Du temps de Ségolène Royal, les socialistes français étaient très proches de José Luis Zapatero. Aujourd’hui ils sont plus proches des Allemands car ils sont dans l’opposition. Pourtant, si les socialistes allemands arrivaient au pouvoir, ils auraient une politique finalement très semblable à celle d’Angela Merkel.

Même si les socialistes français restent proches de cette gauche espagnole qui a finalement été vaincue par la droite, elle sait qu’elle reste beaucoup moins libérale. Les socialistes français ont toujours fait semblant d’être proches des Espagnols mais en réalité, les idéaux ne sont pas du tout les mêmes.

Ces dernières années, jusqu’à ce qu’il y ait un changement de majorité au Parti travailliste (Labour), les relations n’étaient pas excellentes entre socialistes britanniques et français, parce qu’il y avait un grand désaccord entre Tony Blair, le New Labour et le PS qui durait depuis plus de dix ans. Avec l’arrivée d’Ed Miliband, beaucoup moins proche de l’ancien Premier ministre, les rapports se sont améliorés.

Dans tous les cas, les intérêts nationaux priment sur les idéaux politiques. Chacun fait ce qu’il peut où il est et aujourd’hui, la situation des socialistes n’est pas brillante. Même en Suède, ils peinent à revenir au pouvoir.

Dans ces conditions, existe-t-il encore un socialisme européen ?

Les socialistes français rêvent d’avoir une vision unique et différente. Pourtant, à la fin des années 1990, alors que de nombreux socialistes étaient au pouvoir en Europe, ils ont appliqué une politique qui ne s'est pas démarquée de ce qu’aurait fait la droite. Les affaires économiques dominent la volonté politique des partis.

Les relations entre les partis socialistes européens dépendent autant de la conjoncture que des partis en question. Le Parti socialiste français a plus de facilités à entretenir des bonnes relations avec les partis de gauche qui sont dans l’opposition qu’avec ceux qui sont au pouvoir. Les partis socialistes européens qui sont au pouvoir sont forcés d’appliquer des politiques qui ne plaisent pas au PS, notamment en période de crise.

Cette volonté d’afficher de bonnes relations est d’abord une question idéologique. Il faut faire vivre l’idée qu’il y a toujours une internationale socialiste, un mouvement collectif. Ensuite, c’est un pari sur l’avenir. Si plusieurs partis socialistes étaient au pouvoir en même temps, ils ont tout intérêt à avoir de bons rapports entre eux.

Peut-on penser que François Hollande mise sur l’arrivée d’autres socialistes au pouvoir dans les pays européens voisins ?

Si François Hollande était élu, il serait peut-être à la tête du seul gouvernement socialiste en Europe, et il serait bien obligé de dialoguer avec des gouvernements de droite. Dans ce cas-là, ce ne sont pas d’éventuels appuis dans d’autres partis européens qui pourraient lui être d’un grand secours.

Le grand problème, dans les années à venir, c’est de savoir ce que pourrait faire un président socialiste en France. Accepterait-il l’instauration de la règle d’or en Europe ? Accepterait-il un fédéralisme budgétaire et fiscal ? Accepterait-il, tout simplement, les conditions allemandes ? Pour François Hollande, ce ne sera clairement pas facile.

Au-delà de cela, je pense que c’est assez superficiel. Par exemple, si une grande coalition revenait au pouvoir en Allemagne et que le SPD (parti social-démocrate) gouvernait avec la droite, il aurait malgré tout du mal à s’entendre avec le PS français. En effet, je ne suis pas convaincu que les socialistes allemands soient prêts à renoncer à leurs exigences (règle d'or) à l'égard des pays d’Europe du Sud.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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