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La France, pays de vieux
anti-jeunes ?
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Etat vs jeunes

La ville de Lyon a décidé d'interdire la vente d'alcool après 22h cet été pour lutter contre l'alcoolisation des jeunes. Une mesure destinée à un électorat français vieillissant ?

François  Bégaudeau

François Bégaudeau

François Bégaudeau est journaliste, écrivain, agrégé de lettres et cinéaste.

Il a écrit, entre autres, le roman sur l'école : Entre les murs (Verticales, 2006).

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Soyons précis sur les enjeux. A l’occasion d’une interdiction d’acheter de l’alcool après 22h pendant l’été, la question se pose de savoir si « l’État est contre les Jeunes ». N’est concernée qu’une municipalité, la deuxième plus importante de France certes, mais qui n’a pas exactement la dimension ou le pouvoir d’un l’État. De l’autre côté, est-ce que c’est aux « jeunes » que la municipalité lyonnaise s’en prend ? Plutôt à ceux d’entre eux, très minoritaires, qui auraient dans l’idée de picoler dans la nuit. Soyons persuadés que ces mêmes élus ont beaucoup de sollicitude pour la majorité des jeunes qui passe ses soirées à réviser des examens de septembre, ou à discuter sur MSN.

En réalité, cette interdiction s’inscrit dans le fil de la séculaire voire millénaire dialectique entre les autorités, qui n’aiment rien tant que l’ordre, et les éléments d’une société qui le perturbent : jeunes festifs, paillards de tous poils (et de tous âges, les jeunes n’ont pas le monopole du bourrage de gueule), racaille brûleuse de voiture, squatteurs,  prolétaires en grève, nomades patibulaires, etc. Rien de très nouveau sous le soleil, et il n’y a pas à s’indigner : la société et ses représentants sont dans leur rôle en circonvenant les foyers spontanés de chaos ; un démocrate est dans le sien en souhaitant qu’ils se multiplient. C’est un rapport de forces.  

S’il y a un élément contemporain dans cette affaire, c’est peut-être que le rapport de forces est depuis quelque temps particulièrement favorable aux gardiens de l’ordre. Parce que ceux-là agissent pour satisfaire une générale aspiration à la paix. D’où vient cette aspiration ? On le sait bien. Frais quadragénaire, j’ai été longtemps de ceux qui braillent dans la rue à deux heures du matin, je suis maintenant plus souvent de ceux qu’un braillage de rue fait sursauter dans leur lit et éventuellement se trainer à la fenêtre pour voir passer la horde. Mais en aucun cas je n’appellerais les flics ou donnerais mon vote à un candidat qui inscrirait dans ses priorités législatives une prohibition dans le style lyonnais. Je réserve ces joyeusetés pour mes cinquante ans et plus, quand j’aurai rejoint les rangs très fournis du troisième âge, celui qui vote massivement et à qui s’adressent en priorité les élus. Notre arrêté municipal prohibitif ne prétend pas, sauf étrange candeur, calmer les buveurs nocturnes qui, chacun le sait, se débrouilleront toujours pour s’alcooliser quand et où ils le souhaitent. Il est un signe qu’on envoie aux adultes que le bruit dérange, en gageant qu’ils s’en souviendront au moment de réélire leur édile. 

Tout effet de manche mis de côté (l’État contre les jeunes, quel pitch dantesque), il reste raisonnablement ceci : la proportion de jeunes dans le corps électoral effectif n’a jamais été aussi faible, et les élus peuvent se permettre des décrets ou lois qui les ciblent. Ils font le calcul pertinent que l’impopularité auprès de jeunes politiquement inexistants est un risque négligeable au regard de ce qu’il rapporte de popularité au sein des tranches d’âge qui pèsent véritablement dans la balance électorale. Pays de vieux, mesures vieillottes, CQFD. Ça changera avec un bouleversement démographique, ou si les jeunes mettent le pied dans les bureaux de vote. La balle est dans leur camp. En attendant ils peuvent toujours boire à ma santé – à ma sciatique.

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