France Stratégie déploie sa vision d’une protection sociale soutenable <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
France Stratégie a étudié les politiques publiques comme le travail, la santé et la protection sociale.
France Stratégie a étudié les politiques publiques comme le travail, la santé et la protection sociale.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Alternatives

Le séminaire Soutenabilités de France Stratégie a passé au crible plusieurs champs des politiques publiques comme le travail, la santé et la protection sociale. A quoi ressemblerait une protection sociale soutenable en France ?

Mathilde Viennot

Mathilde Viennot

Normalienne et docteure en économie, Mathilde Viennot a été conseillère à la Fédération française de l’assurance. À France Stratégie, elle étudie les questions d’inégalités et de protection sociale.

Voir la bio »

Atlantico : Votre travail sur la protection sociale se place dans le contexte d’un séminaire global de France Stratégie sur les soutenabilités. Quel est son objectif ?

Mathilde Viennot : Il part du constat que nous n’arrivons pas en France, à mener des politiques publiques systémiques qui prennent en compte le long terme, et notamment les risques qui peuvent émerger à l’avenir et impacter ces politiques. Le séminaire cherche à réfléchir à la fabrique de nos politiques publiques pour qu’elles soient soutenables sur le plan à la fois social, environnemental, démocratique et économique. Nous avons réfléchi aux outils existants en réunion ouvertes et passé au crible des (in)soutenabilités plusieurs champs de politiques publiques (travail, numérique, nucléaire, santé et protection sociale) en réunion fermées avec des acteurs du champ.

Quel est le diagnostic de France stratégie sur la protection sociale ?

Notre système de protection sociale est hérité des années 1950 et donc étroitement dépendant du modèle de croissance productiviste qui s’est développé dans l’après-guerre, notamment dans son financement et dans sa construction : les risques couverts sont notamment très liés à la croissance et pensés dans une approche essentiellement réparatrice (chômage, exclusion, maladies professionnelles, etc.). Pour penser une protection sociale soutenable, y compris dans la transition écologique, il faut complètement repenser son financement et ses besoins (bénéficiaires, partage de la valeur, risques couverts, modalités de prestations) mais aussi ses objectifs.

A quoi ressemblerait une protection sociale soutenable en France ?

À Lire Aussi

Santé et sécurité sociale : de quoi avons-nous vraiment besoin ? (Spoiler : pas forcément de moyens supplémentaires...)

La soutenabilité se déterminerait par trois modalités, au-delà de la soutenabilité financière qui prédomine nos débats aujourd’hui : sociale, environnementale et démocratique. Aujourd’hui, nous n’avons pas de « bilan carbone » du secteur donc il est très difficile de voir son impact en termes de déchets, de consommation d’énergie, etc. Une des pistes serait d’abord d’investiguer ce bilan. Sur l’aspect social, depuis une vingtaine d’années, on fait beaucoup d’ajustement sans jamais repenser ce que sont les besoins sociaux fondamentaux ? Est-ce qu’il faut rajouter d’autres risques, en enlever ?  Est-ce qu’on s’accorde sur les bénéficiaires (salariés et non-salariés) ? Il n’y a pas de débat sur ces questions. J’en viens à la soutenabilité démocratique, la confiance dans notre système pouvant à terme être altérée. Cela vient notamment de l’acceptation du taux de prélèvements obligatoires, toujours décrié comme trop élevé alors même que les citoyens sont en demande de toujours plus de protection. Il est très difficile aujourd’hui de faire comprendre à quoi servent les cotisations sociales. De plus, le rôle de l’Etat, des partenaires sociaux, est assez opaque. Donc on s’interroge sur la manière de remettre de la démocratie dans le système et c’est un gros enjeu.

Vous écrivez sur Twitter, La fracture se creuse entre ceux qui « pensent » la protection sociale et ceux qui la « font ». Comment expliquer ce phénomène et le résorber ?

Ce qui est sorti de nos réflexions, c’est le constat d’une montée de la technocratie dans la fabrique de la protection sociale. Elle se fait dans les cabinets, au sommet de l’Etat, etc. Il y a très peu de temps pour discuter le Plan de loi de finances de la sécurité sociale au Parlement, et même très peu de temps pour le comprendre. Cela crée de l’incompréhension à l’échelle locale (caisses régionales, guichets, etc.) qui doit mettre en place les décisions sans y avoir été associées. C’est d’autant plus difficile de créer du consentement auprès des citoyens sur le sujet dans ces conditions. Ce que nous proposons c’est d’organiser, chaque année, au printemps des grandes conférences de dialogue pour préparer le PLFSS. Cela permettrait à l’Etat et aux collectivités de discuter de vrais choix sociaux qui seront votés à l’automne.

À Lire Aussi

Les menaces de guerre entre la sécurité sociale et les mutuelles se précisent. Et l’issue du conflit n’est pas écrite

Quelles actions sont possibles concrètement ?

Sur la soutenabilité environnementale, il nous semble aisé de faire un bilan carbone du secteur de la protection sociale comme le propose, par exemple, le Shift Project.Sur le social, le problème est que notre modèle n’est jamais réinterrogé globalement sur ses finalités. On fonctionne sur une logique réparatrice mais sans repenser les modalités les plus efficaces pour atteindre nos objectifs. Par exemple, on fait peu de prestations conditionnées comme cela peut se faire ailleurs, avec des chèques énergies propres ou des bons d’alimentation saine et durable. Réfléchir à une meilleure articulation entre les aides et entre les branches de la sécurité sociale permettrait aussi une plus grande efficacité de notre protection sociale.

Les réformes à mener pour avoir une protection sociale soutenable sont-elles de nature à être facilement acceptées par les Français ?

Non. Donc l’enjeu est vraiment d’expliquer nos choix et de les concerter. On se souvient des Gilets jaunes et de la taxe carbone sur les carburants qui illustrent les tensions entre enjeux environnementaux et sociaux quand ils ne sont pas pensés ensemble. Donc il faut de la consultation et de la concertation sur les objectifs visés et les modalités existantes pour les atteindre mais aussi une vision systémique de nos politiques pour anticiper les effets négatifs. Cela veut dire par exemple aller vers les publics modestes pour trouver des aides sociales justes socialement et environnementalement. C’est un gros enjeu démocratique.

La concertation suffit-elle vraiment ?

C’est la question qui se pose pour tous les champs sur lesquels nous travaillons sur la soutenabilité à France stratégie. On observe dans les enquêtes qu’il y a une forte demande de services publics et d’action publique. Les Français sont très attachés à leur système de protection sociale. Donc il n’y a pas de raison que si on pose sur la table ces enjeux, les Français ne puissent pas s’en saisir. On a le sentiment que c’est quand on essaie d’aller trop vite et que l’on ne met pas sur la table toutes les options à discuter de manière transparente que cela bloque. C’est ce qui est arrivé à la commission Delevoye. Il y a eu des consultations et des concertations mais ce qui était dans le projet de loi était différent de ce qui a été discuté, et cela a créé de la défiance et de l’opposition.

Pour retrouver les travaux et l'étude de France Stratégie, cliquez ICI

Propos recueillis par Guilhem Dedoyard

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !