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France-Ouzbékistan : Pour une coopération renforcée dans le domaine des drogues
©THIBAULD MALTERRE / AFP

Coopération internationale

Une visite d’Etat a ouvert la voie d’une large coopération entre la France et l’Ouzbékistan.

Georges Estievenart

Georges Estievenart

Responsable des études européennes de l’IPSE, Directeur honoraire de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, enseignant à Sciences Po-Paris et au Centre d’études diplomatiques et stratégiques. Il a exercé les fonctions de coordinateur du dossier « drogues » à la Commission européenne, à la DG relations extérieures, puis, comme chef d’unité, au Secrétariat général, avant de diriger l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, à Lisbonne, de 1994 à 2005.

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Le Président Chavkat Mirziyoïev a effectué une visite d’Etat en France les 8 et 9 octobre 2018. Cette visite officielle, la première d’un chef d’Etat de l’Ouzbékistan en France depuis 1996, a été une occasion d’examiner et de dynamiser les relations et la coopération entre la France et ce pays-clé de l’Asie centrale, devenu indépendant en 1991. M. Mirziyoïev ayant été élu le 4 décembre 2016, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian caractérisait ainsi les perspectives de rapprochement entre les deux pays, lors de la 7ème commission économique mixte avec l’Ouzbékistan, le 20 juillet 2018:

« De tous les pays de la Communauté des Etats indépendants, c’est celui qui a mis en œuvre la vague de réformes la plus ambitieuse et la plus profonde depuis plus d’un an. Un processus d’ouverture diplomatique et économique inédit a été engagé. Avec sa politique de bon voisinage, que la France soutient pleinement, Tachkent a su créer une dynamique de coopération sans précédent qui profite à toute l’Asie centrale ; sa voix sera ainsi mieux entendue sur la scène internationale et la région pourra plus facilement se positionner de manière autonome dans l’ensemble de la communauté internationale. Et, à ce titre, la politique menée par le président Mirziyoïev et le ministre Kamilov en faveur de la paix, la sécurité et la stabilité régionale, mérite d’être saluée. Leurs efforts, vos efforts ont notamment permis d’avancer dans la stabilisation de l’Afghanistan, qui est un sujet majeur pour l’ensemble de la communauté internationale. La France et l’Union européenne entendent aussi y contribuer…. ». Si cette déclaration très encourageante du ministre français concerne en premier lieu la coopération économique, elle s’applique d’autant plus à l’abordage des sujets globaux déterminants pour le développement et la stabilité en Europe comme en Asie centrale.

Une aggravation annoncée de la disponibilité d’opium et d’héroïne afghans tout au long de la route de l’héroïne du Nord

Le problème de la drogue hypothèque gravement le développement  et la stabilité tant des pays consommateurs que des pays de production et de transit. Entre 2016 et 2017, la production mondiale d’opium a augmenté de 65% pour atteindre le chiffre record de 10.500 tonnes. L’Afghanistan a produit à lui seul, en 2017, 9.000 tonnes d’opium, soit une augmentation de 87% par rapport à l’année précédente. Une part considérable de ces quantités sort de l’Afghanistan, transite par les pays d’Asie centrale, empruntant la Route de la Soie pour rejoindre les marchés terminaux majeurs de distribution et de consommation que constituent la Russie et l’Union européenne.

L’Asie centrale étant l’un des principaux couloirs d’acheminement de l’héroïne afghane, et l’Union européenne son principal débouché et marché de consommation, avec la Russie, la coopération entre les deux régions, encore récente, revêt une importance stratégique à la hauteur de leur interdépendance en la matière. Cette coopération est d’autant plus cruciale que les pays d’Asie centrale ne peuvent plus être seulement considérés comme de simples pays de transit de l’opium et de l’héroïne afghans ; ils sont devenus eux-mêmes des pays consommateurs, et ils subissent de plein fouet les méfaits de la corruption que charrie un trafic estimé à quelque 13 milliards $ par an. La France, pour sa part, a acquis depuis les années 1970 (date de l’adoption d’une première législation complète sur les stupéfiants) une large expérience, qu’il s’agisse de la lutte contre le fléau de la toxicomanie et de ses conséquences (contamination par le VIH/SIDA et le virus de l’hépatite C), de la lutte contre le trafic et le blanchiment de l’argent de la drogue, ou encore des mécanismes et procédures de coordination, de collecte et d’exploitation des données recueillies systématiquement sur le phénomène global des drogues.

Pour une coopération renforcée entre la France et l’Ouzbékistan dans le contexte du Plan d’Action sur les drogues UE-Asie centrale 2014-2020

C’est dire que la visite d’Etat du président Mirziyoïev constitue une opportunité pour la montée en puissance de la coopération entre les deux pays sur ce sujet,  qui touche à la fois à la sécurité et à la santé publiques, avec d’importants prolongements en termes de coopération régionale et interrégionale entre l’Union européenne et l’Asie centrale. Cette montée en régime pourrait être avantageusement facilitée par l’organisation conjointe, en 2019, d’un événement-phare, sous forme d’une rencontre ou conférence internationale consacrée aux « Stratégies nationales et stratégies interrégionales (UE-Asie centrale) de lutte contre la drogue sur la Route de l’héroïne ». Faisant écho à la Conférence de Paris sur les routes de la drogue de l’Asie centrale, des 21-22 mai 2003, cette conférence dresserait le bilan actualisé des stratégies et tracerait des perspectives innovantes de coopération, rendues indispensables par la nouvelle donne du phénomène des drogues en Asie centrale et en Europe. Elle aurait le mérite, si, par exemple, elle se tenait à Tachkent le 26 juin 2019,  Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues, de contribuer avec une haute visibilité à l’engagement de l’Ouzbékistan, avec l’appui de la France, dans la lutte internationale contre le trafic et la consommation de stupéfiants, dont il est une victime collatérale. La préparation en amont de cet événement permettrait de mobiliser sur un objectif concret et dynamique, en liaison avec les acteurs institutionnels respectifs nationaux, régionaux et internationaux, des think tanks engagés dans la coopération France-Ouzbékistan, dont l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE, France) et l’Institut d’Etudes Stratégiques et Régionales et le Centre d’Information et d’Analyse en Relations Internationales (ISMI et IASMO, Ouzbékistan), qui viennent de signer à Paris des « Memoranda of Understanding » ouvrant la voie à de telles coopérations..

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