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FN : ce qui résiste encore au parti de Marine Le Pen dans la France de l'Ouest
©Reuters

Le Havre/ Montpellier

La rupture Est/Ouest est une constante du vote FN. Celle-ci s'explique notamment par le fait que les représentations négatives que se font les électeurs FN des immigrés ou de leurs descendants trouvent un écho plus grand dans l'Est de la France où il y a plus d'immigrés que dans l'Ouest du pays.

Sylvain Manternach

Sylvain Manternach

Sylvain Manternach est géographe-cartographe, formé à l’Institut français de géopolitique, et auteur d'une note sur les résultats du second tour des élections départementales co-écrite avec Jérome Fourquet, Directeur du département Opinion et stratégie d'entreprises de l'Ifop. Parmi ses publications, on retrouve notamment : Perpignan, une ville avant le Front (avec Jérôme Fourquet et Nicolas Lebourg, Fondation Jean Jaurè), Karim vote à gauche et son voisin vote FN (collectif sous la direction de Jérôme Fourquet, éditions de l'Aube), L'an prochain à Jérusalem (avec Jérôme Fourquet, éditions de l'Aube). Prochainement, une double note de Sylvain Manternach (avec Jérôme Fourquet) sur la crise migratoire à Calais et la très nette augmentation du vote FN, paraîtra à la Fondapol. 

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Atlantico : Dans un récent sondage Cevipof pour France 3 sur les intentions de vote au 1er tour de la présidentielle dans les régions, on observe que Marine Le Pen obtient des résultats plus importants à l'Est d'une ligne allant (approximativement) du Havre à Montpellier qu'à l'Ouest du territoire. Comment expliquer cette fracture territoriale du vote FN  ? Pour quelles raisons l'Est de la France apparaît davantage tenté par le vote FN que l'Ouest ? 

Sylvain ManternachPour aller très vite et si on reste à l’échelle des régions - car il convient d’articuler plusieurs niveaux d’analyse géographique, de la région au bureau de vote, pour produire un début d’analyse pertinente - il faut tout d’abord rappeler que ce sondage montre, - on le sait et on le constate depuis les années 1980 - l’émergence électorale du vote FN depuis les élections européennes de 1984. Ainsi, dans l’Est de la France, on n’est pas seulement "plus tenté" de voter FN que dans l’Ouest, mais on vote plus FN ; ce sera encore le cas aux présidentielles et aux législatives dans quelques mois, c’est une certitude.

Toujours à cette échelle des régions, voire des départements, cette France de l’Est, c’est une France plus urbaine, plus industrielle et avec une immigration plus nombreuse et plus ancienne, mais aussi une délinquance bien plus grande que la France de l’Ouest. C’était le cas en 1984 lorsque le FN a remporté ses premiers succès nationaux ; c’est encore le cas aujourd’hui. Or dans toutes les enquêtes d’opinion, on fait le constat que l’immigration et la délinquance sont des préoccupations majeures (et souvent associées) des électeurs FN. On peut donc penser que les représentations négatives (voire carrément haineuses) que se font les électeurs FN des immigrés ou de leurs descendants (sentiment d’invasion, facteur de délinquance, voire de décadence) trouvent un écho plus grand dans cette partie de la France où il y a plus d’immigrés. Cet écho, on peut le trouver dans sa vie quotidienne, dans les transports, ou encore dans la presse quotidienne régionale. Je pense qu’il existe de très nombreux effets de loupe ou d’amplification qu’il convient d’analyser précisément, et qui participent de la diffusion d’une vision caricaturale et anxiogène de nos concitoyens immigrés ou issus de l’immigration, plutôt que de se retrancher derrière l’idée que toutes ces questions sont le fruit du fantasme et de la haine. C’est d’autant plus utile que l’on voit bien que cette rhétorique n’a aucun effet sur le vote FN, du moins pas à la baisse.

Si certains chercheurs rejettent cette hypothèse et font valoir qu’à l’échelle des communes, on ne retrouve pas de corrélation entre immigration et vote FN - ce qui est exact - on rappellera que lorsque l’on fait l’effort de regarder d’encore plus près, c’est-à-dire au niveau des bureaux de vote, on retrouve ce lien géographique comme nous l’avons montré avec Jérôme Fourquet dans l’ouvrage Karim vote à gauche et son voisin vote FN. De Marseille à Roubaix, en passant par Aulnay-sous-Bois, nous avons retrouvé fréquemment un survote pour le FN à proximité des quartiers HLM où la proportion de populations immigrées ou issues de l’immigration maghrébine ou africaine sub-saharienne était forte. 

Le long du littoral Atlantique, Marine Le Pen est créditée entre 16 et 22% d'intentions de vote suivant les régions. Quels sont les moteurs du vote FN qui perdurent encore à l'Ouest du territoire national ? A l'inverse, quelles sont les limites de ce vote dans ces régions ?

A l’Ouest, je pense que le moteur du vote FN reste sensiblement le même, à savoir un rejet de l’immigration, voire une véritable animosité à l’égard des immigrés. Aussi, l’une des limites majeures est que dans cette France de l’Ouest, les électeurs ne trouvent pas ou beaucoup moins d’éléments susceptibles de donner corps aux discours FN et aux représentations qui conduisent au rejet des immigrés.

Il convient aussi d’ajouter à cette France de l’Ouest le cas de l’Île-de-France, qui vote très peu pour le Front national. Or, il est manifeste que l’Île-de-France ne manque pas d’immigrés, contrairement à Brest par exemple. Mais en Île-de-France, la surreprésentation des classes supérieures, eu égard aux prix des logements entre autres choses, participe à tirer vers le bas les scores du Front national.

D’autres facteurs entrent évidemment en jeu lorsqu’il s’agit d’expliquer le vote FN, qui est souvent évoqué comme étant un vote composite, voire attrape-tout ; mais à cette échelle géographique, ces considérations me semblent non négligeables. 

L'élection présidentielle de 2017 risque-t-elle d'accentuer cette rupture Est/Ouest pour ce qui est du vote FN ? 

Comme je l’ai dit, cette rupture Est/Ouest est une constante du vote FN, et les données de ce sondage sont assez proches des résultats constatés lors des élections régionales de décembre 2015 où les régions de l’Est ont voté à peu près deux fois plus pour le Front national que les régions de l’Ouest. Ce sondage laisse à penser que cette proportion restera sensiblement la même. 

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