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Le début de l’année 2023 a offert aux économistes les plus notoires l’occasion de dire un peu n’importe quoi.
Le début de l’année 2023 a offert aux économistes les plus notoires l’occasion de dire un peu n’importe quoi.
©Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Economie mondiale

Après nous avoir annoncé l’apocalypse, la plupart des organisations économiques internationales, le FMI en tête, viennent reconnaitre cette semaine qu’il n’y aura pas de récession dans le monde en 2023… Un jour c’est oui, le mois suivant c’est non.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Raymond Barre, qui fut un grand professeur d’économie, Premier ministre de Valery Giscard d’Estaing, confronté aux effets de la première crise pétrolière internationale, avait la malice de prévenir ses étudiants contre les économistes. « Méfiez-vous, disait-il, quand vous en convoquez deux, ils vous donnent trois avis différents et souvent contradictoires ». 

Le début de l’année 2023 a offert aux économistes les plus notoires l’occasion de dire un peu n’importe quoi. 

Alors que le FMI était très pessimiste au mois de décembre de l’année dernière sur l’évolution de l’économie mondiale et notamment dans les pays développés, il vient de renverser complètement sa prévision pour 2023. En clair, le FMI qui nous avait annoncé une récession pour 2023 dans certains pays développés, nous explique aujourd’hui que finalement, le PIB mondial devrait s’établir à 2,9 % cette année. Ça n’est pas euphorique mais ça n’est pas nul 

Pour l’économiste en chef du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, l’économie américaine s’est très bien redressée et l’inflation dont on pensait qu’elle allait démolir tous les moteurs de l’activité est appelée à refluer. Et d’ajouter « nous sommes sans doute à un tournant. » Moralité: tout est possible mais dans le bon sens. 

Vingt-quatre heures plus tard, l’INSEE en France confirme que la croissance est finalement restée positive en fin d’année 2022, alors tous les observateurs voyaient la France dans le rouge, l’année s’est donc terminée avec 2,6% de croissance.  Les perspectives 2023 ne sont pas là encore excellentes mais elles ne sont pas dramatiques. Si on regarde en détail les commentaires faits par les banquiers centraux, la Réserve fédérale ou la BCE, à qui on a reproché de prendre beaucoup de risques en remontant les taux d’intérêt, trop vite et trop fort, ont beau jeu de laisser entendre que la politique monétaire n’a pas cassé la reprise de la croissance (c’est vrai aux Etats Unis et en Europe) 

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Il faut préciser que ces nouvelles prévisions sortent après beaucoup de remarques et de notes en provenance des grandes banques mondiales ou en provenance de grandes entreprises disant qu’objectivement, le climat prévisible était porteur d’un pessimisme exagéré. Davos, par exemple; qui mesure le moral à l’échelle mondiale a commencé à corriger le tir dès le 20 janvier. 

Ce qui est terrible dans ce carrousel des prévisions, c’est que depuis quelques années, on a été asphyxié par les mauvaises nouvelles. Le commerce de la peur a fonctionné comme jamais 

La pandémie covid devait nous plonger dans la plus grande crise économique mondiale, avec des faillites d’entreprises et des licenciements à la pelle. La guerre en Ukraine, n’en parlons pas, le jeu des sanctions infligées à la Russie conjugué au blocage du marché de l’énergie devait provoquer une explosion inflationniste. Avec même des risques de pénurie gravissime et des black-out au niveau de l’électricité. En fait, le monde a continué de tourner. La France n’a pas encore manqué d’électricité et les boulangers ou les pressings, qui nous annonçaient en pleurant qu’ils allaient devoir fermer leur boulangerie parce que la note d’électricité était monstrueuse, ont survécu. La réalité du terrain a été un peu différente. 

Alors on peut reprocher à quelques économistes de jouer les Madame Irma, on peut aussi leur reprocher de faire le jeu des responsables politiques de l’opposition en crédibilisant de funestes prédictions. On peut surtout regretter que le jeu du système médiatique et politique s’arrête plus souvent sur les mauvaises nouvelles que sur les bonnes. 

C’est d’ailleurs un travers que n’ont pas les chefs d’entreprise qui connaissent et pratiquent la réalité des chiffres et des faits. 

Les économistes ne se trompent pas, mais pressés par le marché, ils cristallisent l’attention sur le très court terme. 

En fait, les fondamentaux d’une situation économique, les tendances lourdes ne sont pas audibles par une opinion travaillée quotidiennement par les réseaux sociaux.  

La pandémie a provoqué un choc terrible mais elle n’a pas détruit les actifs de production, pas même les actifs humains 

La guerre en Ukraine continue de bouleverser le monde occidental mais les acteurs économiques s’adaptent au redéploiement du marché gazier et pétrolier, beaucoup plus vite que ce qu’on craignait. Les modalités concrètes de la mondialisation sont aussi en train de changer pour prendre en compte les contraintes morales ou éthiques qu’imposent les échanges commerciaux avec des pays autoritaires et notamment la Russie, la Chine et l’Iran. Pour prendre en compte aussi des impératifs de souveraineté. 

Quand à l’inflation, elle provoque des distorsions dans les rapports économiques et sociaux mais obligent aussi les acteurs à s’adapter. On va découvrir dans quelques jours que les augmentations de salaires sont beaucoup plus importantes que ce qu'on pensait. Ce qui n’était pas possible il y a six mois le devient aujourd’hui. Au bord de la crise, les acteurs économiques et sociaux font leur job. Ils s’adaptent. Le gouvernement aussi . Dommage que le plus souvent, ils se contentent de signer des chèques.

Ces crises qui sont gravissimes représentent autant d’opportunités de rebonds et de progrès.  

En fait, les économistes ont des moyens très sophistiqués d’analyser le comportement des marchés, des prix et des taux. Ils sont beaucoup moins bien armés pour comprendre et mesurer la capacité d’adaptation et de résilience des acteurs du système. C’est d’ailleurs sans doute la vertu première de l’économie de marché. 

Et cette résilience est d’autant plus performante que les fondamentaux sont actifs: tous les indicateurs de fonctionnement sont allumés. 

L’investissement reste très soutenu, l’innovation est devenue le facteur clef du progrès, le marché de l’emploi est sous tension dans tous les pays occidentaux, l’épargne est sur abondante, ce qui permet d’avoir un potentiel de reprise et de financement important. 

Quant à la consommation, elle reste assez dynamique mais s’adapte aux évolutions de prix. 

Alors bien sûr, les horizons sont encore chargés d’incertitudes. Personne ne sait ce que fera Vladimir Poutine. Personne ne sait si les Chinois réussiront à sortir du piège dans lequel ils sont tombés à cause d’une gestion lamentable du covid. Mais là encore, le pire n’est jamais sur.  La reine Elisabeth d’Angleterre n’aimait pas beaucoup les économistes. Elle n’avait pas totalement tort quand, en septembre 2008, elle nous rappelle qu’ils ont beau avoir l’habitude de nous annoncer des catastrophes, aucun n’a été capable de nous prévenir de la faillite de Lehman Brothers.  



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