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FMI : Christine Lagarde 
remplacera-t-elle DSK ?
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Guerre de succession

La ministre française de l'économie est l'une des favorites pour succéder à Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI. La guerre de succession à la tête de cette prestigieuse institution mondiale est lancée. Explication des règles et des jeux d'influence...

Dominique  Carreau

Dominique Carreau

Dominique Carreau est professeur émérite de droit international économique.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Fonds monétaire international : FMI (Pedone, 2009).

 

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Atlantico : Quels sont les enjeux qui entourent la succession de DSK à la tête du FMI ?

Dominique Carreau : Il y a tout d’abord une question de prestige et d’influence. Il faut remonter aux accords de Bretton Woods avec la création d’un côté du FMI, et de l’autre de la Banque Mondiale. Cette dernière est historiquement présidée par un Américain, puisque la Banque emprunte sur les marchés financiers internationaux et que le marché américain est le plus important. Pour ce qui est du Fond Monétaire International, plus politique mais moins puissant d’un point de vue financier, sa présidence est laissée à un Européen.

Ces institutions internationales font partie des seize organisations onusiennes et donc le directeur d’une de ces institutions jouit d’un certain prestige. En fonction du charisme du directeur d’une de ces institutions il est plus ou moins sur le devant de la seine.

En ce qui concerne l’influence, ce n’est pas un hasard si les grandes opérations récentes du FMI ont été en Europe et en particulier dans la zone euro avec le sauvetage de la Grèce, de l’Irlande et maintenant du Portugal. Tout cela signifie que si vous avez encore un Européen élu à la tête du FMI, l’Europe devrait être suivie de très près par le FMI.

La personnalité du président du FMI influence donc la politique de l’institution ?

L’organe central du FMI c’est le conseil d’administration, constitué de 24 membres, qui sont eux même des actionnaires.  Il y en a des plus gros que d’autres comme les Etats-Unis. Le directeur de cette institution à une influence puisque c’est lui qui préside les réunions. Mais il n’a pas le droit de vote. Il oriente les débats, fait des suggestions. C’est là où l’équation politique du directeur peut jouer un rôle plus ou moins important. Monsieur Strauss-Kahn était un politique avec un certain renom, il avait donc plus d’influence sur le conseil que quelqu’un qui n’aurait pas le même passé. En plus il a été ministre des Finances, il sait ce que c’est d’aller au front. C’est différent quand c’est un pur technicien.

La France est le pays qui a eu le plus de directeurs généraux du FMI, elle l’a dirigée pendant 36 ans, la moitié de la vie de cette institution. Les Américains, eux, n’auront jamais un des leurs à la tête du FMI. Ils ont la présidence de la Banque Mondiale, et le numéro 2 du FMI est américain. Toutefois, ils influent énormément dans le choix du directeur du FMI. Donc, pour la succession de DSK, le deal va se jouer entre l’Europe et les Etats-Unis et le candidat potentiel devra faire son tour du monde comme Dominique Strauss-Kahn l’avait fait en 2007. C’est un peu un club de gentlemen où on essaye de trouver un consensus dans le choix de son Directeur.

Le futur Directeur général du FMI pourrait-il être issu d’un pays émergent ?

Lorsque Strauss-Kahn fut élu, tout le monde expliquait que c’était le dernier Européen à la tête du FMI, et qu’ensuite il faudrait prendre un membre d’un pays émergent, de préférence asiatique. Il faut toutefois que le directeur vienne d’un pays qui dispose d’un certain poids politique, avec une monnaie convertible. C’est l’inconvénient majeur pour la Chine car le yuan n’est pas convertible. Il ne faut pas non plus que le directeur vienne d’un pays où la politique de la monnaie est marginale, comme en Inde. Les pays émergents ont donc des difficultés qui affaiblissent la candidature de leurs candidats.

Toutefois, ces derniers mois, l’institution à eu un rôle très important en Europe. Certains Américains ont mal vécu le tropisme européen du FMI. Par conséquent, si je pense qu’il existe peu de chances qu’un pays émergent prenne la tête du FMI, il n’est pas absurde de penser que les Etats-Unis soutiendront la Chine, même si leur monnaie n’est pas convertible. Après tout, la Chine est le premier créancier mondial. C’est le créancier principal des Etats-Unis, ils ont racheté des obligations d’Etat de la Grèce, ils vont aider le Portugal. C’est le pouvoir de l’argent.

Je pense que si le yuan devient convertible, il n’y aurait aucun problème. Il pourrait y avoir une négociation. En échange du poste de directeur du FMI, la monnaie chinoise deviendrait convertible.

Que pensez-vous de la candidature de Christine Lagarde actuellement évoquée ?

C’est une femme remarquable. C’est une juriste, élevée à la méthode juridique américaine. Elle a très bien appris le métier de Ministre en France. Mais le fait qu’elle soit impliquée dans la procédure judiciaire de l’affaire Tapie joue en sa défaveur. Il faut que cette histoire soit clarifiée très rapidement.

Rappelons-nous de la candidature de Jean-Claude Trichet pour la présidence de la BCE entaché déjà par les histoires du Crédit Lyonnais et de Bernard Tapie : il a dû attendre que la Cour rende son arrêt définitif pour que son nom soit blanchi.

Christine Lagarde est une femme, c’est important parce que les femmes à la tête d’organisation comme ça, il n’y en a pas. Elle a certainement le soutien des Etats-Unis, elle a vécu longtemps là-bas et a été à la tête d’une des plus grandes firmes d’avocats de ce pays. Elle est également soutenue au niveau européen. Si Mme Lagarde est la candidate européenne, il faudra qu’elle prenne son bâton de pèlerin et qu’elle aille en Chine, au Brésil et en Russie…

Directeur général du FMI est un poste géographique, par continent et par niveau de développement. Dans des institutions qui vont sur des marchés de capitaux et les banques régionales asiatiques, vous avez tendance à prendre comme président quelqu’un qui vient d’un pays important. Ca donne confiance.

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