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FMI - Allemagne : le retour du boomerang de la dette grecque qui pourrait faire mal à Angela Merkel
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Blocage en vue ?

Lundi 7 mars, les discussions entre la Grèce et ses créanciers ont repris. La position du FMI en faveur d'une solution réaliste d'allègement de la dette grecque contraste avec l’intransigeance des institutions européennes et de l'Allemagne qui préfèrent maintenir la fiction d'une dette remboursable un jour.

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak est économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), spécialiste de questions de politique budgétaire, sociales et des systèmes de retraite.

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Atlantico : Alors qu'en juillet dernier, la Grèce et l'Eurozone avaient trouvé un accord pour un plan de sauvetage financier, les discussions ont repris ce lundi 7 mars entre la Grèce et ses créanciers sans qu'aucune évolution des positions des acteurs concernés n'ait été constatée. A quel point les divergences entre le FMI et les institutions européennes au sujet de la dette grecque sont-elles prononcées ? 

Henri Sterdyniak : Le FMI et les institutions européennes ont de fait deux stratégies différentes quant au problème grec. De par ses statuts, le FMI est amené à demander que soit mise en place une solution réaliste pour la dette grecque. Celle-ci n’est pas facile à trouver puisqu’elle comporterait de nouveaux efforts d’austérité imposés au peuple grec (en particulier en matière de retraite), ce qui pose un problème politique (Tsipras aura-t-il longtemps une majorité pour le soutenir ?) mais aussi un problème économique : ces efforts pèseront encore sur l’activité de la Grèce, rendant impossible la reprise nécessaire de la croissance et n’améliorant guère le solde public. Elle comporterait aussi une forte réduction de la dette de la Grèce, ce qui imposerait que les créanciers (les pays de l’UE) renoncent clairement à une partie de leurs créances, ce qu’ils se refusent à faire. Les institutions européennes, et l’Allemagne, préfèrent maintenir une solution irréaliste : exiger des efforts budgétaires épouvantables à la Grèce, en faisant semblant de croire que ceux-ci ne nuiront pas à la croissance, prétendre que les privatisations pourront rapporter des sommes importantes, maintenir la fiction d’une dette grecque remboursable un jour lointain, quitte à accepter de la refinancer chaque année. L’avantage est de maintenir une forte pression sur la Grèce, qui doit en permanence se soumettre à la menace d’un non-renouvellement de la dette et de ne pas avoir à enregistrer une dépréciation de créances.  

On peut comprendre que ce jeu sans fin prévisible ne satisfait pas le FMI. Ce d’autant plus que la crise des migrants est venue encore affaiblir la situation économique et sociale de la Grèce, qui risque de devoir supporter des charges importantes liées à l’accueil des migrants et de perdre son attractivité touristique, ce qui affaiblit encore la crédibilité du scénario de l’été 2015, d’un excédent budgétaire primaire de 3,5% du PIB en 2018 (contre un déficit de 0,5% en 2015).

La Grèce semble être dans une situation inextricable et le FMI refuse de lui prêter de l'argent tant qu'elle ne sera pas en capacité de le rembourser. Pour cela, il faudrait un allègement de la dette, une option que l'Allemagne refuse de considérer. Face à la position allemande, le FMI réclame plus de réalisme. En quoi le FMI met-il l'Allemagne face à ses contradictions ? 

Bien sûr, le FMI n’a rien à faire dans la zone euro. Il faut choisir. Soit, la zone euro n’existe pas. La Grèce est alors fondée à demander l’aide du FMI. Elle doit mettre en œuvre des remèdes traditionnels qui comporte logiquement une forte dévaluation et un défaut sur la dette. Soit, la zone euro existe. Elle doit gérer la situation, sans dévaluation. Ce qui impose d’oublier les fautes passées des gouvernements (et des classes dirigeantes) grecs, d’alléger massivement la dette grecque, de renoncer à l’exigence de fort excédent primaire du budget, et de lancer un plan d’aide à la reconstruction de l’appareil productif du pays. De façon générale, les institutions européennes (et l’Allemagne) doivent accepter de voir en face les problèmes que pose la monnaie unique. Les excédents extérieurs massifs des pays du Nord, des exigences absurdes quant aux politiques budgétaires des pays du Sud (et de la France), le refus de la solidarité entre pays sont incompatibles avec un fonctionnement correct de la zone. 

Néanmoins, Angela Merkel peut-elle se permettre d'infléchir sa ligne sur cette question, compte-tenu d'une opinion publique allemande majoritairement opposée à tout assouplissement vis à vis de la Grèce et contestant de plus en plus la politique d'ouverture aux réfugiés qui a été menée ? 

L’Allemagne est devenue la puissance dominante en Europe. Ce qui crée une situation délicate. Un pays dominant doit tenir compte des intérêts et des souhaits des pays partenaires. L’Allemagne devrait avoir un fort déficit extérieur, pour aider la croissance de ses partenaires. Elle devrait avoir une politique d’aide aux pays en difficulté pour assurer la stabilité monétaire de la zone. Elle ne peut demander aux pays partenaires de se caler sur elle, car ceux-ci ne sont pas dans la même situation économique et sociale. Il y a sans doute une forte incompatibilité entre les souhaits de l’opinion publique allemande et la place de l’Allemagne dans la construction européenne. Mais le même problème se pose pour un grand nombre de pays européens : la Grande-Bretagne (comme le montre la tentation du Brexit), les pays de l’Est qui refusent que l’Europe leur impose des migrants, les pays qui refusent les politiques d’austérité budgétaire, etc. L’Europe n’a guère le choix : elle devra alléger la dette grecque, financer l’accueil des réfugiés en Grèce et en Turquie, vaincre Daech et financer la reconstruction de la Syrie, que les opinions publiques le veuillent ou pas.

Propos recueillis par Emilia Capitaine

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