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Florian Philippot dépose une gerbe sur la tombe du général de Gaulle : réconciliation de deux droites ennemies en (longue) vue ?
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Drole d'idée

Le vice-président du Front national, Florian Philippot, a déposé une gerbe sur la tombe du général de Gaulle à Colombey-les-deux-Eglises. Coup de com' ou recentrage du FN vers la droite traditionnelle ?

Jean-Yves Camus

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l'Iris, Jean-Yves Camus est un spécialiste reconnu des questions liées aux nationalismes européens et de l'extrême-droite. Il est directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et senior fellow au Centre for the Analysis of the Radical Right (CARR)

Il a notamment co-publié Les droites extrêmes en Europe (2015, éditions du Seuil).

 

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Atlantico : Le vice-président du Front national, Florian Philippot, a déposé une gerbe sur la tombe du général de Gaulle à Colombey-les-deux-Eglises. Cela vous étonne-t-il ? Bien qu’il s’agisse d’une initiative personnelle, n’est-ce pas symbolique d’une rupture idéologique, une rupture dans la matrice intellectuelle du front national ?

Jean-Yves Camus : Florian Philippot était initialement un souverainiste de gauche. Même les souverainistes avaient, et ont toujours, une admiration pour le général de Gaulle, pour la grandeur de sa politique, de sa personne, pour son abnégation au service de la France, pour le résistant. Sur des questions auxquelles s’intéresse de près le Front : la place de l’Etat dans l’économie, la question de la planification stratégique, il y a aussi des résonnances incontestables.

Mais il est vrai qu’historiquement, le FN s’est construit dans les années 1970-1980 sur une opposition absolue au gaullisme qui provenait à la fois du passé collaborateur d’un certain nombre des personnalités du premier Front national, mais aussi de désaccords sur l’épisode de la guerre d’Algérie et la décolonisation en général.

Jean-Marie le Pen est-il en train de bouillir ? Comment pensez-vous qu’il a réagi à cette nouvelle ? Cela aurait-il pu se produire à l’époque où il était à la tête du parti ?

Non, certainement pas. Jean-Marie le Pen reste un anti gaulliste conséquent et viscéral, pour les raisons que j’ai indiquées. Et je pense que l’immense majorité des gens qui aujourd’hui fournissent l’encadrement du Front national sont sur une ligne antigaulliste, qui bien que n’ayant pas les mêmes motivations, n’en est pas pour autant moins ferme. Il y a un contentieux historique, une opposition frontale entre deux droites ennemies depuis longtemps et qui le resteront durablement, au-delà du geste de Florian Philippot, qui est certainement le résultat sincère de ses idées personnelles, mais aussi un geste mis en scène de manière à essayer de montrer qu’il y a évolution, voire transformation idéologique au Front national.

Ce geste démontre-t-il vraiment une transformation idéologique vers une droite traditionnelle, un mouvement moins radical ? Comment pourrait-on définir cette transition ?

Le FN est certes dans une période de transition, mais ce dépôt de gerbe en particulier ne prouve strictement rien. Il correspond à une initiative individuelle, qui traduit une sensibilité personnelle de Florian Philippot. Mais je pense que si le FN essayait demain de constituer une délégation pour aller déposer une fleur sur la tombe du général, il serait bien en peine de trouver des volontaires. Il ne faut donc pas se laisser prendre à cette tentative d’instrumentalisation du souvenir du général de Gaulle. La matrice gaulliste est totalement différente de celle du FN.

On le voit bien, François Fillon faisait encore allusion aujourd’hui au gaullisme et à ce qu’il pouvait signifier encore : on est très très loin des fondamentaux de la politique frontiste.

Est-ce un pas de plus en direction de la droite traditionnelle, sans forcément qu’il s’agisse d’une droite gaulliste ?

Je crains que la référence au général de Gaulle et à son souvenir ne parle plus à grand monde parmi la génération des plus jeunes électeurs de la droite. C’est donc une sorte de coup d’épée dans l’eau. De toute façon, pour ceux des militants qui ont connu la période où le Front national était viscéralement antigaulliste, mais insultait le général de Gaulle et ceux qui avaient combattu avec lui, il n’y a aucun rapprochement possible. Les vieux militants ne se laisseront pas prendre, et cela ne dit plus rien aux jeunes.

Doit-on y voir les conséquences du changement de génération au FN ? Va-t-on assister de plus en plus à ce genre de phénomène inattendu de la part d’un cadre du FN ?

Les grands évènements de l’histoire nationale qui avaient divisé les droites - je pense notamment à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre d’Algérie - sont de moins en moins signifiants. Comme ce dépôt de gerbe le prouve, on peut vendre un petit peu n’importe quoi aux militants, car cela ne leur dit pas nécessairement grand-chose. Ils n’ont pas  nécessairement en tête le fossé historique qui existe entre de Gaulle et les gens qui sont les héritiers ou les compagnons de combat de ceux qui ont voulu assassiner le général de Gaulle. On commémorera dans ces milieux-là au mois de mars 2013 le cinquantième anniversaire de l’exécution de Jean Bastien-Thiry. Pourquoi Jean Bastien-Thirya-t-il été exécuté ? En raison d’un projet d’attentat contre le général de Gaulle.

Il y a donc des divisons très profondes qui ne disent plus grand-chose aux jeunes militants. Ils ne sont plus aussi radicaux que leurs ainés, ils ne sont pas aussi radicaux que les militants frontistes des années 1970, dans la mesure où ils ne se réfèrent plus au fascisme, à la collaboration. Mais d’autres formes de radicalité ont supplanté tout cela.

Le FN est tout de même encore sur une ligne beaucoup plus radicale qu’à l’UMP en matière d’immigration, de citoyenneté, et sur ce qui concerne le multiculturalisme. C’est une chose d’être critique du multiculturalisme comme peuvent l’être certains ténors de l’UMP, et de dire que des gens de cultures différentes ne peuvent pas cohabiter ensembles sur le même territoire. Ce sont deux combats politiques différents.

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