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Environ 3000 suicides chez les plus de 65 ans ont été enregistrés en France en 2010, soit près du tiers des suicides.
Environ 3000 suicides chez les plus de 65 ans ont été enregistrés en France en 2010, soit près du tiers des suicides.
©Filckr

Idées noires

Le gouvernement va mettre en place un service de prévention du suicide des personnes âgées auprès des structures d'aide à domicile. Près de 30% des suicides annuels sont des personnes âgées de plus de 65 ans. Un sujet qui reste encore très tabou dans notre société.

Michel Debout

Michel Debout

Michel Debout est professeur émérite de Médecine légale et de droit de la santé, et psychiatre, au CHU de Saint Étienne. 

Il est membre associé du CESE et membre de l'Observatoire national du suicide, spécialiste de la prévention du suicide et des eisques psycho-sociaux au travail. Il est auteur de nombreux ouvrages dont "Le traumatisme du chômage"  (editions de l'Atelier, 2015) et "Le Renouveau démocratique : placer la santé au cœur du projet politique" (éditions de l'Atelier, août 2018).

 

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Atlantico : Pour tenter de prévenir le suicide des personnes âgées, le gouvernement va déployer un outil auprès des structures d'aide à domicile visant à détecter les premiers signes de dépression. Pourquoi la puissance publique choisit-elle aujourd’hui de s’attaquer au suicide chez les personnes âgées ?

Michel Debout : La ministre délégué en charge des personnes âgées, Michèle Delaunay, quelques mois après sa prise de fonction en 2012 avait déjà alerté l'opinion et les acteurs de la santé sur la question de la prévention du suicide chez les personnes âgées. C'est donc une préoccupation constante de ce gouvernement, et je crois que le dispositif mis en place et développé est cohérent avec cette réalité du suicide, qui est important chez les personnes âgées. Le diagnostic le plus précoce et le plus précis possible est primordial chez la personne âgée. Ce n'est pas une préoccupation nouvelle, mais la prise en charge par l'Etat elle, l'est. Et cette thématique n'a pas toujours été l'objet d'une mobilisation suffisante. Avec cette mesure, ce sont les réseaux d'aides à domicile qui sont sollicités : chaque intervenant peut ainsi faire partie du message.

Environ 3000 suicides chez les plus de 65 ans ont été enregistrés en France en 2010, soit près du tiers des suicides. Les personnes âgées sembleraient donc comme les jeunes, plus sujettes à dépression. Est-il plus difficile de détecter la dépression chez les personnes âgées que chez les jeunes ?

Souvent, on considère que parce qu'une personne est âgée elle est naturellement plus triste, d'une humeur sombre, avec des pensées relatives à la mort. On estime que ces attitudes sont normales à un certain âge, comme si c'était une évolution classique. On n'évoque pas l'idée de la dépression, et on passe à côté du diagnostic. A l'inverse, certaines personnes âgées vont se mettre à parler de la mort, ce qui est normal, et alors on va les diagnostiquer dépressives, même si elles ne le sont pas. 

Ce diagnostic médical doit donc être porté par un médecin : gériatre, médecin généraliste formé, psychiatre ou psychologue. Le traitement doit être prescrit par un médecin et faire l'objet d'une surveillance. Par contre, les aidants peuvent être que des vigiles qui peuvent alerter la famille ou les médecins. 

Si le suicide des jeunes est un sujet qui est régulièrement mis sur la place publique, peut-on parler d’un sujet tabou chez les personnes âgées ?

En 10 ou 15 ans, on a largement progressé sur la prévention du suicide. On s'est beaucoup mobilisé, mais pas assez encore. Je me suis beaucoup mobilisé pour la création d'un Observatoire du suicide en France, il sera probablement mis en place à la rentrée 2013. Concernant le suicide, il y a des spécificités selon l'âge : le suicide des jeunes et des adolescents, qui a beaucoup préoccupé l'opinion et les pouvoirs publics, interroge la société d'une façon globale. On a donc mis en place une maison de l'adolescence et des services appropriés. En 10 ans, le taux de suicide chez les moins de 20 ans a diminué de 50 %. Par contre, on ne s'est pas suffisamment mobilisés pour les personnes de plus de 65 ans, c'est pourquoi la proposition de madame Delaunay est tout à fait appropriée.

Pour prévenir le suicide, les pouvoirs publics vont mettre une mallette à disposition des structures d’aide à domicile. Elle contiendra notamment une plaquette qui rappelle les définitions et la description clinique de la dépression. Ces moyens sont-ils suffisants ? Quelles pourraient être les autres pistes à explorer ? 

La prévention passe par le lien avec les personnes âgées. Elles souffrent très souvent d'un manque de lien avec autrui, et ce manque de lien ne peut être pansé par un dispositif d'alerte, qui est certes nécessaire mais pas suffisant. Il faut donc à la fois faire un bilan médical de la personne mais établir aussi autour d'elle un tissu de liens social, psychologique, humain. L'impact de la proposition de la ministre n'aura d'intérêt que si le reste suit.
Plus on prend de l'âge, plus le risque de mourir d'une autre pathologie que le suicide est élevé : plus le temps passe, plus le risque suicidaire s'efface. D'ailleurs, même les médecins pensent que le risque suicidaire n'est pas important à cet âge-là, c'est pourquoi les fonds consacrés ne sont pas plus importants, et c'est tout à fait regrettable.

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