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Fiscalité : le sondage qui montre que les Français ne croient plus à l’efficacité de la social-démocratie
©Reuters

Modèle social

Un sondage Elabe/BFMtv montre que les Français ne reconnaissent plus la légitimité de l'impôt et souhaitent une baisse des dépenses publiques redistributives.

Bernard Sananès

Bernard Sananès

Bernard Sananès est président d'Elabe. Il est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix en Provence, et de l'Institut Pratique de Journalisme.

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Atlantico : 85% des Français considèrent que les dépenses publiques ne sont pas bien utilisées alors que 78% d'entre eux estiment que le système fiscal ne permet pas la redistribution des richesses entre les différentes catégories de population. Dans quelle mesure ce sondage ELABE/BTMtv peut-il marquer une forme de remise en cause de la sociale démocratie ?

Bernard Sananes : Malgré toutes les critiques sur l'impôt, une majorité de Français (59%) le considère juste parce qu'il finance les services publics. C'est le premier point à rappeler pour ne pas avoir d'écart de perception. Ensuite, dans un contexte de forte perception d'injustice sociale, il y a effectivement le sentiment que l'impôt ne contribue plus à la redistribution. Ce qui est intéressant, puisque ce chiffre est extraordinairement élevé, cela veut dire qu'il touche - avec des intensités différentes - la plupart des catégories de la population et pas seulement ceux qui attendraient le plus de la redistribution. C'est donc bien une perception globale du rôle de l'impôt, de son utilité, de son efficacité qui est mise en cause aujourd’hui, avant même  son montant. Le pacte fiscal est fragilisé parce que le pacte social l’est tout autant

Votre sondage montre une volonté des Français de baisser les dépenses dans le secteur du chômage (41%) et des allocations familiales (38%). Faut-il y voir une forme de traduction du succès, auprès des Français, de la thématique de la lutte contre "l'assistanat" ?

Il faut ici noter que la pédagogie consistant à tisser un lien entre baisse des impôts et baisse des dépenses publiques s'est installée dans l'opinion. Deux tiers des Français estiment que la baisse des impôts doit être associée à une baisse des dépenses publiques. C'est une pédagogie menée depuis plusieurs années, elle ne date pas des déclarations d'Edouard Philippe de ce lundi 8 avril à l'issue du Grand débat. C'est une prise de conscience dans la société française, dans toutes ses catégories socioprofessionnelles, et j'insiste, dans toutes ses appartenances politiques. Avec là aussi des différences d'intensité mais même les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont 52% à penser que si nous voulons baisser les impôts, il faudra baisser les dépenses publiques, contre 90% des électeurs de François Fillon. La différence est nette mais on ne peut plus dire au vu des résultats que seuls les électorats de droite et les macronistes voudraient réduire la dépense publique contre tous les autres. Cela montre bien que dans l'opinion il y a une prise de conscience générale, que l'on ne peut pas vivre à crédit et qu'il faut s'attaquer à la dépense publique. Après, lorsque l'on pose la question aux Français de savoir quelles sont les dépenses à baisser, on voit bien que la réponse est moins aisée. Pour les retraites et la santé, les Français souhaiteraient même une augmentation des dépenses. Cela traduit la forte inquiétude de voir les pensions et les remboursements de soins diminuer à l’avenir

A l’inverse, les deux sujets sur lesquels il y a une plus forte proportion de Français interrogés qui seraient prêts à réduire les dépenses sont effectivement le chômage et les allocations familiales. On retrouve toujours le thème de l'injustice avec une part de l’opinion qui estime sans doute que les allocations familiales devraient être limitées à "ceux qui en ont le plus besoin", c'est une analyse que l'on ne peut pas écarter. On peut imaginer aussi qu'il y a bien une réaction contre des dépenses qui sont classées par certains dans la catégorie de l'assistanat, ou plutôt dans les excès de l’assistanat. Je crois que les Français font la différence entre la solidarité, par exemple sur le chômage, et les excès du système. On voit également que les Français pointent du doigt la fraude fiscale, ce qui nous renvoie à la notion d'équité dans un moment où la situation est extraordinairement difficile, à la fois collectivement et individuellement, il y a une demande d'exemplarité. Les Français n'acceptent pas cette situation, parce qu'ils ont le sentiment qu'il y a moins d'argent disponible pour la dépense publique. Et ils sont confrontés individuellement tous les jours aux contraintes budgétaires, que ce soit au niveau national ou local. Dans ce contexte, entendre dire que le travail sur la fraude fiscale n'a pas été mené créé de l'indignation et de la colère chez les Français.

N'est-ce pas également une mauvaise nouvelle pour le gouvernement qui cherche à démontrer, dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, que la France dispose d'un modèle social de référence ?

Il y a deux informations dans l'enquête. La première est que la crédibilité de la parole politique en général est mise en doute sur la question de la baisse des impôts. Cela ne date pas d’hier. Si le gouvernement veut être crédible, il va devoir prendre des engagements clairs, précis, mesurables, parce que dans l'opinion, le sentiment est que si certains impôts ont pu baisser notamment la taxe d’habitation, les taxes ont augmenté. Les classes moyennes notamment ont le sentiment que le gouvernement joue à un jeu de bonneteau, même si de véritables baisses d'impôts ont eu lieu. S’ajoute ici le sentiment que l’on contribue plus alors que la situation du pays comme sa situation personnelle se dégrade

Les Français sont attachés au modèle social mais ils ont la crainte que ce modèle se dégrade, qu'il ne permette plus de répondre aux attentes, et notamment à l'attente de redistribution et de progrès social. La société française exprime fortement le constat que l’ascenseur social ne fonctionne plus. Les prochaines décisions du gouvernement, notamment sur les baisses d’impôts comme sur une éventuelle baisse de la dépense publique, seront principalement évaluées par les Français sur un critère de la justice sociale.   

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