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Finie la mousse, place aux shampoings, démêlants, baumes et lustrants : comment le retour du poil de barbe contraint l'industrie du rasage à revoir son modèle économique
©DR

Au poil

De plus en plus d'hommes se laissent tenter par le port de la barbe. Ce phénomène expliquerait les baisses de ventes des produits de rasage enregistrées récemment en Europe et aux Etats-Unis.

Elsa Durieux

Elsa Durieux

Fraîchement débarquée chez Martine Leherpeur Conseil, Elsa Durieux aiguise son œil aux Beaux Arts pour s’ouvrir la tête et l’esprit. Celui-ci, chahuté d’images de mode, trouve sa cohérence dans les masters de l’Université de la Mode à Lyon. ‘Tête chercheuse’ et ‘œil fertile’, elle part au quart de tour en toute précision et sensibilité. Elsa occupe aujourd’hui le poste de chargée d’étude marketing et prospective.

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Atlantico : Qu'est-ce qui explique ce retour de la mode de la barbe chez les hommes ? Assiste-t-on à une tendance de long terme ? 

Elsa Durieux : A mon avis, il s’agit bien d’une tendance de long terme. Il y a quelques années, on identifiait le bobo au port de la moustache, aujourd’hui c’est grâce au port de la barbe. Il s’agit généralement d’hommes qui assument leur part de féminité, comme en témoigne le rapport qu’ils ont aux vêtements ou bien à leurs cheveux  avec le port de la coiffure "Bun", ce nœud au-dessus de la tête. Néanmoins, cette barbe ostentatoire qu’ils portent vise à contrebalancer cette féminité, afin d’illustrer également leur virilité, et de montrer donc qu’ils sont de vrais hommes. Notre récente étude sur le sujet a montré que le port de la barbe ne les empêche pas de se comporter comme de véritables  "midinettes", selon leur propre expression, compte tenu de leur rapport aux vêtements ou à la consommation de produits de beauté…

Selon un récent rapport d'Euromonitor, cette tendance serait la cause des difficultés de l'industrie du rasage masculin en Europe et aux États-Unis. Le secteur est-il véritablement menacé à terme ? 

Je ne pense pas qu’il soit menacé car les marques se repositionnent sur le soin de la barbe. Cette dernière n’est pas une forêt vierge mais quelque chose de très étudié et de très bien entretenu. A cet effet, ces hommes vont dans des barber shops, dont le nombre a explosé, notamment à Paris. Les marques vont donc aujourd’hui sortir de nouveaux produits et accessoires visant à l’entretien de cette barbe. Parmi ceux-ci, on trouve d'ores et déjà des shampoings de barbe, mais aussi des baumes, des lustrants et même des démêlants. 

Ce phénomène a d’ailleurs favorisé l’émergence de nouveaux acteurs dans le secteur, à l’instar de François Ier, Harris ou Baxter of California, et un repositionnement des acteurs historiques. Ces nouvelles marques mettent en œuvre une toute nouvelle approche avec leurs produits, beaucoup moins dédramatiseurs au regard du vocabulaire utilisé, qui paraît bien plus viril. Avant, les marques insistaient sur le côté tout-en-un du produit et son utilisation rapide. Aujourd’hui, on préfère des termes comme "robust" ou "gentleman", ainsi que des références explicites à des personnages virils comme François Ier ou Steve McQueen.

Quelles réponses peuvent et doivent apporter les grandes marques du secteur pour faire face à ce phénomène ? Le secteur doit-il se repenser intégralement ? 

Je pense que la barbe est un phénomène de mode dans tous les cas. Rien ne garantit que la moustache ou le bouc ne puissent pas revenir à la mode d’ici deux ou trois ans. D’ailleurs, la moustache a été considérée pendant très longtemps comme quelque chose de ringard avant d’incarner le trait caractéristique du bobo ; aujourd’hui c’est la barbe, et peut-être demain le bouc. Les marques doivent donc être constamment à l’affût des dernières tendances, et s’imprégner de l’air du temps.

Précisons également que ce phénomène de la barbe est tout de même limité à une population d’hommes qui ont un souci de l’apparence pointu, à l’instar des hipsters. Le phénomène n’est donc pas encore généralisé, même s’il risque de le devenir dans les prochaines années en étant récupéré par des hommes plus mainstream. Le soin ne passera plus forcément par le rasage mais davantage par le baume pour la barbe et le visage dans son ensemble. Il n’est donc pas nécessaire pour le secteur de se repenser intégralement, mais simplement de diversifier son offre de produits. Quoi qu’il en soit, la barbe a encore de belles années d’existence devant elle. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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