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Vers la fin des bourses historiques ?
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Darwinisme

Les bourses ne sont plus des institutions protégées mais des entreprises en concurrence, destinées à évoluer et à se regrouper.

Jean-François Lemettre

Jean-François Lemettre

Jean-François Lemettre est professeur émérite à l'université Paris 11, où il a enseigné la finance de marché, la gestion des risques et l'analyse économique des stratégies d'entreprises.

Il est l'auteur de Des bourses aux entreprises de marché (L'Harmattan 2011)

 

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La menace est réelle : la contestation porte sur leurs principes de fonctionnement et les positions de force qu’elles avaient constituées. Le pouvoir sur la négociation sécurisée des titres dont disposaient les plus importantes d’entre elles avait des fondements de monopole naturel : il constituait l’organisation la plus efficiente, celle qui in fine engendrait les coûts les plus faibles. Ce monopole naturel a été conforté par des dispositions légales et règlementaires destinées au renforcement de la protection des investisseurs : information et réduction des risques principalement. Le monopole naturel fut donc progressivement institutionnalisé.

Des entreprises en concurrence

Depuis un quart de siècle le mouvement s’est inversé : d’institutions protégées les bourses sont passées au statut d’entreprises en concurrence. De nouvelles opportunités leur ont été ouvertes, assorties de menaces nouvelles s’ajoutant souvent aux anciennes. Les bourses historiques – celles qui dominaient l’activité dans les années 1970 – ne sont pas restées inactives face à cette mise en cause industrielle et institutionnelle. Leurs réactions ont été diverses mais répondent aux canons de l’analyse stratégique. Elles ont souvent été transformées en entreprises capitalistes et leurs dirigeants les ont réorganisées selon des objectifs et des méthodes qui leur paraissaient répondre à la nouvelle situation. Les axes de la transformation sont classiques : réduction des coûts, politiques de produits, fusions et acquisitions, etc. La bourse s’est banalisée en tant qu’entreprise : ses pratiques se calquaient sur son nouveau modèle.

Les ripostes sont aussi organisationnelles. A la fin des années 1990 la Bourse de Paris avait tenté une négociation avec ses principales consœurs européennes en vue de la constitution d’une bourse européenne. Face aux obstacles rencontrés elle avait engagé des pourparlers avec Instinet pour créer une bourse européenne entièrement électronique. Quelques semaines plus tard les bourses de Paris, Amsterdam et Bruxelles annonçaient leur fusion dans Euronext. Euronext était de facture plus classique mais le projet électronique avait sonné comme une menace.

Les bourses traditionnelles ont-elles un avenir ? Si elles ne changent rien on verra que la réponse est non. Comme toujours quand survient une telle transformation se pose la question des changements de trajectoires, de la nécessité d’évoluer et de la pertinence des évolutions au regard des nouveaux enjeux et du nouveau contexte. Les bourses traditionnelles peuvent-elles, selon l’expression célèbre « changer pour que tout soit comme avant » ? Une première tâche de cet ouvrage est de répondre à ces interrogations.

Le changement est inéluctable

La question de la disparition des bourses appelle une réponse bien entendu négative. Il y aura encore des bourses au centre des places financières dans les prochaines décennies. Elles sont des lieux de transactions et de recherche du prix des actifs indispensables pour les détenteurs de ces actifs mais aussi comme référence pour l’ensemble des marchés. Elles sont un mode d’organisation de ces lieux, un type de fonctionnement fondé sur des règles.

Ce ne sont pas seulement des bourses concurrentes des bourses traditionnelles qui apparaissent mais une nouvelle façon d’envisager le négoce organisé des titres mobiliers. L’un des buts de ce livre sera d’en démonter les mécanismes et d’en analyser les conséquences.

Les bourses nouvelles seront nécessairement différentes de leurs devancières. Le NASDAQ a eu un rôle initiateur mais sans lui des transformations allant dans le même sens se seraient produites. L’électronique et l’informatique ont gagné tous les domaines de la vie économique et financière et l’apport à la finance de marché était potentiellement trop important pour qu’elle lui échappe. Les opportunités de la technologie ont croisé les nouvelles exigences du contexte économique et imposé aux acteurs un élargissement de l’horizon stratégique.

Elles seront aussi différentes entre elles. Certaines ressembleront peut-être au modèle traditionnel, d’autres aux bourses électroniques récemment créées. Des organisations nouvelles se forment à base de fusions transfrontalières recouvrant plusieurs places financières, de réseaux de bourses traditionnelles ou d’ATS fondés sur des accords par exemple. Lesquelles survivront de ces organisations ? La réponse de G.J. Stigler (1958) est que survit la technologie efficiente, celle qui exploite le mieux les économies de production et notamment d’échelle. Suivant ce raisonnement survivront les bourses et types d’organisations boursières qui délivreront les coûts de transactions les plus faibles. On verra que ce facteur du coût et du prix est au centre de l’évolution.

Tout ne se résume pas à des coûts et des prix. Les services d’une bourse ne consistent pas seulement à faciliter des transactions sur des actifs. Les services proposés sont différenciés. La demande des investisseurs et de leurs intermédiaires n’est pas uniforme quant aux types de services demandés : certains se limitent à la mise en contact, d’autres se déchargent complètement de la négociation, d’autres encore restés au-dehors du processus de négociation ont plus besoin de garanties sur son déroulement, etc. La qualité de ces services peut aussi varier et répondre à des demandes (et des dispositions à payer) différentes des investisseurs et intermédiaires. Au-delà des prix faibles les organisations boursières qui resteront à l’issue des recompositions engagées seront aussi celles qui apporteront des réponses adaptées à ces demandes différenciées

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Extrait de Des bourses aux entreprises de marché de Jean-François Lemettre (L'Harmattan)

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