Fed/ BCE : le match de l’impact des politiques monétaires sur l’économie européenne<!-- --> | Atlantico.fr
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Des passants marchent devant le siège de la Banque centrale européenne, à Francfort (Allemagne).
Des passants marchent devant le siège de la Banque centrale européenne, à Francfort (Allemagne).
©Yann Schreiber / AFP

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Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Les décisions de politique monétaire de la BCE et la FED se répercutent indéniablement de manière asymétrique sur d’autres pays et ont un rôle important sur des variables telles que les conditions financières des États et l’activité économique des entreprises. À l’heure actuelle, entre la FED et la BCE, qui a le plus d’impact sur l’économie européenne ? 

Rémi Bourgeot : Il est important de voir la politique monétaire, en particulier en période de crise, en conjonction avec la politique fiscale et avec l’action plus générale des Etats sur le front économique, sociale, sanitaire mais aussi technologique. On voit actuellement les Etats-Unis et l’Europe reprendre le chemin de la croissance, et les plans de relance massifs, notamment aux Etats-Unis, y jouent évidemment un rôle crucial. La politique monétaire n’est qu’un élément dans cet ensemble de politique économique. Les banques centrales ne créent pas de la croissance économique. Elles créent des liquidités dont elles inondent actuellement les marchés au travers d’achat de titres de dette. Cela a des conséquences massives sur ces marchés naturellement et sur l’ensemble des conditions de financement. L’importance des marchés d’obligations privées aux Etats-Unis donnent un rôle particulier aux politiques de la Fed, au-delà même de la question de la conjoncture économique générale.

La question qui se pose par ailleurs aujourd’hui est celle de l’adaptation de la politique monétaire au début de reprise économique. Derrière les chiffres agrégés indiquant une reprise, on voit à l’évidence des pans entiers de la société ravagés par cette crise, et en particulier les jeunes en Europe. Face à cette situation la BCE aura plus de mal encore que la Fed à normaliser sa politique monétaire dans les années à venir. Le paradoxe de cette situation, naturellement, repose dans le fait que ces programmes dits de relance monétaire ont de terribles effets secondaires, en particulier sur les marchés immobiliers, pénalisant en premier lieu les catégories déjà les plus touchées par la crise.

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Avec un rôle dominant du dollar américain dans le système monétaire international, la politique monétaire de la Fed aura-t-elle toujours plus d’importance que celle de la BCE ? 

A l’échelle mondiale la politique monétaire de la Fed a effectivement une importance plus grande du fait du rôle du dollar. Cet effet est très marqué naturellement pour les pays qui ont tendance à se financer en dollars, en particulier parmi les pays émergents. Et cet effet est d’autant plus prononcé que les quantités de dollars injectés sur les marchés par la Fed s’écoulent sur l’ensemble des marchés mondiaux. Ce régime de relance monétaire quasi-permanente depuis la crise de 2008 a ainsi instauré un régime dans lequel la Fed a encore accru les effets de sa politique monétaire dans le monde. La politique de la BCE, même avec ses rachats massifs actuellement au rythme de 80 milliards d’euros par mois, n’a pas des effets véritablement comparables en raison du rôle international moins développé de l’euro. Notons toutefois qu’à cette échelle moins grande, les injections massives de la BCE ont tout de même des conséquences tout à fait importantes au-delà de la zone euro et de l’Europe où de nombreuses économies hors-zone euro ont largement recours à l’euro pour le financement et les opérations de leurs entreprises industrielles et financières.

Comment les actions de la politique monétaire de la BCE pourraient-elles alors avoir un impact prépondérant sur l’économie européenne ?

Le principal défi auquel est confronté la BCE et de nature existentielle. Elle ne travaille pas en conjonction avec un Etat mais avec une multitude d’Etats membres aux politiques fiscales tout à fait distinctes et aux orientations souvent divergentes. Les conséquences de la pandémie sur l’Europe du sud et la France sont dévastatrice car cette crise joue directement sur les failles de ces modèles économiques en termes de compétences technologiques et d’exclusion massive des jeunes. La BCE se retrouve enfermée dans une politique de relance monétaire qui n’a qu’un sens limité du point de vue de ses effets économiques réels. Pour maintenir un peu d’inflation à la consommation, elle crée d’invraisemblables bulles immobilières et financières. La seule issue consisterait à mettre en œuvre de nouveaux moyens de politique monétaire. En particulier, une monnaie numérique publique, comme cela est discuté un peu partout dans le monde, permettrait de développer des moyens de relance monétaire bien plus directs, au moyen de programmes de financement ou même de dotation opérés plus ou moins directement par la banque centrale, en partenariat avec les banques, mais à destination directe des acteurs économiques.

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