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La mort du secret bancaire ne serait pas nécessairement une bonne chose.
La mort du secret bancaire ne serait pas nécessairement une bonne chose.
©Reuters

Transparence

L'affaire Cahuzac pourrait sonner la fin du secret bancaire. Si sa suppression aurait du bon parce qu'il peut abriter des trafics, la transparence absolue est un songe totalitaire.

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est docteur en philosophie (Sorbonne), juriste, et dirigeant d'entreprise. Il est notamment l'auteur de Le GIEC est mort, vive la science ! (Texquis, 2010), La réalité augmentée (Texquis, 2011) et De la violence de genre à la négation du droit (Texquis, 2013).

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Quand j’écrivais, dans un ouvrage La réalité augmentée publié en 2011, que le secret bancaire était techniquement mort, de nombreux amis actifs dans l’univers de la finance m’expliquaient qu’il faudrait encore quelques siècles pour venir à bout du dernier paradis bancaire.

Constatons que les événements se sont précipités. Ma thèse était que, dans un monde où n’importe quel employé est matériellement en état de casser le secret de sa banque par le simple envoi d’un e-mail, le secret bancaire a virtuellement cessé d’exister.

Ce dont attestent la publication, ces jours-ci, de l’identité de nombreux détenteurs de comptes, ou sociétés, dans des paradis bancaires "offshore". Comment interpréter cette évolution aussi formidable que radicale ? Trois leçons paraissent devoir en être tirées.

D’abord, la mort confirmée du secret bancaire. Des banques érigeront des remparts électroniques réputés infranchissables, multiplieront les barrières de sécurité internes destinées à prévenir toute fuite — et sans doute certaines y parviendront-elles — mais, sur le principe, la chose est acquise : il n’existe plus guère de secret bancaire qui, par sa diffusion dans l’immense océan du Web, ne soit susceptible d’atteindre, en temps réel, au double infini de l’universalité (tout le monde sait) et de l’éternité. Le temps des établissements bancaires aussi verrouillés que des coffre-forts est définitivement révolu.

Faut-il s’en réjouir ? A certains égards, la réponse est affirmative. Comment ne pas se réjouir de la mise en lumière de tous les trafics qui s’abritaient du secret bancaire pour prospérer et se perpétuer ?

Toutefois, la réjouissance doit être coupée de nuances. D’abord parce que le secret bancaire n’est pas illégitime en soi, et que s’il peut abriter le crime, il peut également servir de havre aux citoyens de régimes autoritaires désireux de mettre leur patrimoine à l’abri. Le secret n’est pas mauvais ; c’est l’usage que l’on en fait qui peut être vicié. Ensuite, parce que la publication de ces secrets s’accompagne d’une atmosphère de lynchage qui n’est guère sympathique. Rappelons, à cet égard, que c’est la non-déclaration des revenus d’un compte bancaire qui, dans la plupart de nos pays, est illégale, et non la seule possession d’un tel compte (qui, en France comme en Belgique, doit néanmoins être déclaré). Ayons garde à ne pas anticiper sur les procédures de justice, qui offrent aux citoyens des garanties que la foule, fût-elle "virtuelle", ne lui reconnaît pas.

Surtout, ce formidable mouvement de ce que, dans ce même livre, je qualifiais d’ "octétisation de l’humain" (l’octet étant la plus petite unité de mesure informatique, indiquant une quantité de données exprimées sous forme de 0 et de 1), touche aux fondements mêmes de nos démocraties. Car ce ne sont pas que nos misérables petits tas de secrets bancaires qui sont progressivement versés dans la grande soupe océanique du Web.Il suffit qu’une seule personne détienne une seule information compromettante pour se trouver techniquement investie du pouvoir exorbitant d’universaliser, par le seul pouvoir de sa volonté, tel secret familial, sexuel, de santé, que nous aurions aimé, souvent pour d’excellents motifs, garder pour nous.

La transparence a du bon. Mettre en lumière le crime ? Tant mieux ! Mais rappelons-nous que la transparence absolue de l’homme est un songe totalitaire.

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