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Faut-il se préparer à survivre dans un monde sans antibiotiques ?
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A votre santé !

L'agence américaine "Centers of Disease Control and Prevention" (CDC) a publié en novembre 2013 un rapport mettant en avant la menace des bactéries résistantes aux antibiotiques. Chaque année aux États-Unis, 2 millions d'infections et 23 000 décès sont causés par ces bactéries. De quoi, à terme, remettre en cause l'existence même des antibiotiques.

François Bricaire

François Bricaire

François Bricaire est un médecin. Il est chef du service Maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. Il est professeur à l'Université Paris VI-Pierre et Marie Curie.

 

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Atlantico : Les infections dues aux bactéries résistantes ne cessent d'augmenter alors que peu de nouveaux antibiotiques arrivent dans nos pharmacies. Cette situation doit-elle nous préoccuper ? Et quelles seraient les conséquences d'un futur sans antibiotiques ?

François Bricaire : Un futur sans antibiotiques serait quelque chose d'assez dramatique dans la mesure où on aurait des infections avec des expressions cliniques, c'est-à-dire des infections qui seraient vraiment agressives et qui rendraient les individus malades. Si on n'avait rien, ce serait une catastrophe, on reviendrait à une situation identique à la période où on n'avait pas d'antibiotiques. Mais cela est heureusement assez théorique, pour plusieurs raisons. La première, c'est que les bactéries multirésistantes, heureusement, sont moins agressives, elles perdent en virulence par rapport aux bactéries quand elles ne sont pas résistantes. La deuxième, c'est qu'en dépit de la résistance qu'elles expriment aux antibiotiques, on arrive toujours à trouver quelques solutions, en associant des molécules antibiotiques, en essayant un petit peu de contourner la multirésistance par l'utilisation de plusieurs molécules antibiotiques. Et la troisième raison, c'est qu'heureusement l'industrie et les chercheurs, du moins je l'espère, continuent à travailler sur la recherche en antibiothérapie. Même si elle n'est peut-être pas suffisante, elle se fait quand même. Je pense en particulier aux milieux marins, assez peu explorés et sans doute très intéressants : il y a des algues, des planctons, différentes substances qui comportent des molécules antibiotiques qui pourraient, et qui sont déjà, très intéressantes.

Quelles sont les maladies les plus vulnérables à ces bactéries résistantes, et inversement, quelles sont les maladies les moins vulnérables ?

Il y a des infections qui sont dues à des germes qui résistent assez facilement, et d'autres qui au contraire résistent beaucoup plus difficilement. C'est plus une question de germes. Autrement dit, il y a des bactéries à caractère négatif, que nous avons dans notre colon, et qui entraînent assez facilement des résistances. Il y a des germes, comme les staphylocoques, qui résistent assez facilement et dont les mutations peuvent apparaître. Et il y aussi – on en parle beaucoup –, des germes comme les bacilles tuberculeux qui maintenant apprennent à résister quand le traitement antibiotique n'a pas été satisfaisant. Alors qu'il y a d'autres germes – je pense, par exemple, à des streptocoques ; à des germes responsables des méningites comme les méningocoques – qui sont beaucoup plus stables et qui par conséquent risquent moins de devenir des maladies résistantes.

Face à ce phénomène montant des bactéries résistantes et au manque de nouveaux antibiotiques, doit-on conclure que la science avance doucement ? Où en est la recherche aujourd'hui ?

Il est clair qu'il y a une augmentation des résistances, que cette augmentation des résistances existe dans le monde entier, et qu'elle est beaucoup plus importante dans les pays où on utilise mal les antibiotiques. Je pense à l'Afrique, à beaucoup de pays d'Asie, et même à l'Amérique. Pour ce qui concerne l'Europe et la France, ce n'est pas parfait, mais nous ne sommes pas les pires. Autrement dit, ces phénomènes de résistance qui existent en France ne sont pas les plus importants dans le monde. Quant à la recherche, je vous ai expliqué qu'elle se faisait même si elle n'était pas suffisamment développée en matière d'antibiotiques.

On travaille à d'autres possibilités même si on sera toujours obligé, à mon avis, d'avoir des antibiotiques. Mais il y a d'abord toutes les règles d'hygiène qui peuvent aider, la vaccination par exemple. La vaccination est toujours quelque chose de très important pour prévenir beaucoup d'infections bactériennes. Et, en dehors de cela, vous avez aussi la possibilité de développer les défenses immunitaires de l'organisme, c'est-à-dire de développer un style d'action immunitaire, en dehors de la vaccination, au moment où quelqu'un est infecté pour qu'il se défende mieux contre la bactérie. On a aussi parlé des virus qui agressent les bactéries, les bactériophages. Ce sont d'autres agents infectieux qui viennent attaquer les bactéries responsables de certaines maladies. Différentes pistes pourraient permettre, s'il y avait une résistance absolue, de contourner cette difficulté.

Peut-on imaginer qu'un jour plus aucun antibiotique ne soit efficace ?

Oui, c'est toujours envisageable. C'est un peu théorique, cela revient à ce qu'on disait dans la première question. Je pense que si c'est envisageable sur le plan théorique, sur le plan pratique j'espère qu'on trouvera une solution pour détourner cela. Mais c'est théoriquement possible.

Comment la stimulation immunitaire en dehors des vaccins est-elle possible ? Cette pratique existe-elle déjà ?

On peut stimuler le système immunitaire : avoir des substances qui agissent sur nos cellules de l'immunité, sur nos lymphocytes en particulier, pour faire en sorte qu'elles soient davantage efficaces. Cette pratique existe un peu et des recherches sont menées, effectivement. Des anticorps monoclonaux, déjà, vont dans ce sens. Toutefois, il faut dire que ce sont des traitements qui restent à ce jour onéreux.

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