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Faire de son stress une force, c'est vraiment possible, voilà ce qu'il faut savoir
©Reuters

Sous pression

On entend souvent parler du stress comme étant quelque chose de néfaste. Pourtant, un peu de stress n'est pas forcément une mauvaise chose, regardez les artistes et leur fameux trac !

Christophe Bagot

Christophe Bagot

Christophe Bagot est médecin psychiatre et psychothérapeute. Il exerce à Paris.

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Patrick  Légeron

Patrick Légeron

Patrick Légeron est psychiatre, spécialiste du stress en entreprise. Il gère le cabinet de conseil Stimulus et est l'auteur de nombreux ouvrages dont  Le stress au travail (2003) et La peur des autres (2003) aux éditions Odile Jacob.

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Atlantico : Par définition, le stress exprime une adaptation naturelle de l'organisme face à une situation d'agression, signe d'accommodation à son environnement. Pourquoi est-il si mal perçu aujourd’hui ?

Patrick Légeron : Le stress est plutôt un phénomène d’adaptation face à une situation menaçante. La réaction de stress se déclenche chaque fois que nous sommes face à un challenge, une situation nouvelle. Il s’agit d’un phénomène biologique, avec l’entrée en jeu de certaines hormones, mais aussi d’un phénomène psychologique, avec les émotions. C’est donc un phénomène naturel et positif. Sans stress, nous ne serions plus sur terre, car c’est le stress qui a permis à l’être humain de s’adapter à son environnement. Le stress est une fonction de l’organisme , une fonction d’adaptation, pas une maladie.

Le stress a une mauvaise image dans notre société car on entend souvent parler de l’hyperstress, notamment au travail, qui touche près d’un quart des salariés, selon les études de notre cabinet, Stimulus, réalisées auprès de 150 000 personnes. C’est comme la tension : elle est vitale, mais à l’excès, l’hypertension est dangereuse pour l’organisme. Tout dépend donc du degré de stress, trop de stress peut rendre inefficace. Le stress peut donc être un moteur de la performance : un lycéen qui passe le baccalauréat avec zéro stress n’est pas dans les meilleurs conditions pour l’examen.

Une étude de l’Union Européenne en 1999 sur le stress au travail, “Spice of life or kiss of Dead”, illustre bien ce juste dosage nécessaire : comme le piment, le stress donne du goût, relève une situation, mais peut être un “baiser mortel”, car à trop fortes doses il peut entrainer de l’épuisement, voire un burn-out.

Les gens stressés seraient-ils plus créatifs ?  

Patrick Légeron : La grande actrice Sarah Bernhardt, au début du 20ème siècle, répondait à une jeune comédienne qui se disait jamais stressée “ rassurez-vous, cela viendra avec le talent”. L’anxiété peut être un moteur à la créativité. Les artistes, et globalement tous ceux qui connaissent les affres de la création, ont souvent cette image d’Epinal dans l’imaginaire social de l’artiste maudit hyperstressé. Cependant, des études montrent qu’il n’y a pas forcément de lien entre les deux : tous les créatifs ne sont pas forcément très anxieux.

C’est comme les chefs d’entreprises ou les hommes politiques : François Mitterrand était très calme alors que Nicolas Sarkozy parait plus stressé, donc difficile de faire des généralités. On a aussi l’image de Bill Gates, un chef d’entreprise qui a l’air de ne pas souffrir du stress à l’excès. La vraie question est celle de la santé : les grands anxieux risquent de développer plus de maladies et de craquer plus vite. La métaphore du moteur de voiture est intéressante : que le moteur tourne vite ou pas, on peut généralement aller à la même vitesse, mais le moteur rapide risque de s’user plus vite.

Christophe Bagot : Trouver des chiffres sur ce sujet est pratiquement impossible puisque des études épidémiologiques sont difficilement réalisables. Il faut bien différencier les personnalités anxieuses, les troubles anxieux (plus sévères) et le phénomène de stress (qui touche tout le monde à un seuil plus ou moins élevé, et qui peut être différencié en stress positif et négatif). Les personnes ayant des personnalités anxieuses (par exemple des perfectionnistes) et des troubles anxieux (par exemple les Troubles Obsessionnels compulsifs) sont susceptibles d’être stressés plus rapidement.

Le stress positif existe bien évidemment. Il s’agit de ce que l’on appellerait communément le "trac" et il peut entraîner plus de créativité. Ce type de stress permet de mobiliser ses capacités dans une situation de "challenge". Par exemple, lors d’un examen écrit ou oral, on sent cette impression désagréable de trac mais plongé dans l’épreuve on peut se trouver subitement plus inspiré, un peu excité et plus créatif. Le stress suit une courbe en "U", au début positif mais la courbe peut s’inverser à un moment qui dépend de notre personnalité. C’est ce point de rupture qui fera basculer le stress positif en stress négatif.

Chez les hommes politiques et les chefs d’entreprises, le stress est souvent ce qui les fait courir. Ils présentent parfois des failles psychologiques (personnalités anxieuses, troubles anxieux) qui leurs donnent besoin de se rassurer en se fixant des objectifs toujours plus ambitieux. Malheureusement cette course ne leur permet pas de se rassurer.

A titre d’exemple, un de mes patient polytechnicien m’avait confié que, s’il avait été plus sûr de lui à 20 ans, il aurait épousé une fille d’épicier et repris l’épicerie familiale. Manquant de confiance il a cherché à compenser en passant des concours pour être admis dans cette prestigieuse école et faire ensuite une très belle carrière. Cela ne l’a pas empêcher de tomber dans la dépression et de développer des troubles addictifs tels que l’alcoolisme et l’obésité.

Dans une étude réalisée par Jeremy Coplan du SUNY Downstate Medical Center à New York , le lien entre le trouble d'anxiété généralisée et l'intelligence a été examiné. Il a constaté que les symptômes les plus graves de trouble d'anxiété généralisée en étaient corrélation avec un QI plus élevé que ceux obtenus par des personnes avec des symptômes moins graves. Le stress rendrait-il intelligent, ou les gens à fort potentiel intellectuel (les surdoués par exemple) seraient-ils naturellement anxieux ?

Patrick Légeron : Certaines études scientifiques établissent un lien entre QI élevé et troubles mentaux tels que les Troubles Anxieux Généralisés (TAG), ou encore les phobies. Mais d’autres a contrario le remettent en cause, c’est pourquoi il faut rester prudent sur ces notions. En effet, certains surdoués ne sont pas spécialement stressés, alors qu’on trouve aussi des troubles anxieux chez des personnes à faible QI.

Christophe Bagot : Cela ne m’étonne pas que certaines personnalités plus sensibles au stress puissent développer des capacités d’intelligence importantes, mais cela dépend de quelle intelligence on parle. Le QI mesure une intelligence plus théorique et conceptuelle : qu’en est-il de l’intelligence émotionnelle ou relationnelle ?. D’autant plus que le stress rend plus complexe la gestion de ses émotions et la socialisation.

Les tests de QI sont incomplets, ils ne prennent pas en compte les variables de l’intelligence. Je vois dans ma pratique beaucoup de patients à QI élevés, par exemple membres de l’association "MENSA" en échec professionnel et même personnel. Comme quoi un QI extraordinaire ne garantit pas le succès !

Comment apprivoiser son stress pour en faire un atout?

Patrick Légeron : Dans mon livre sur le stress au travail, je consacre une partie au “stress management”, tout ce qu’on appelle la gestion du stress grâce notamment à toutes les nouvelles méthodes de psychologies cognitives. Travailler psychologiquement sur ses pensées reste une des meilleures méthodes pour apprivoiser son stress.

Christophe Bagot : Apprivoiser son stress passe par une bonne connaissance de soi. Il faut savoir s’écarter des injonctions de la société, garder un esprit critique. La société nous impose un style de vie et un schéma de réussite extrêmement étroit et stéréotypé : il faut donc savoir quelles sont nos valeurs et s’écarter des modèles que nous renvoie la société. Le psychothérapie peut aider, bien sûr.

Un de mes patients me disait un jour : "je ne comprends pas : j’ai étudié dans les meilleurs écoles, j’ai intégré Harvard, j’ai monté une société dans la Silicon Valley… et néanmoins je ne parviens pas à résoudre mes problèmes de stress, d’anxiété ni à être fondamentalement heureux !". A la question : est-ce le stress qui nous empêchent  d’atteindre le bonheur ? Je répondrai , que ce sont les images du bonheur qui sont sources de stress…

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