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Facebook a 15 ans  : la star des réseaux sociaux s’est-elle révélée être une bonne chose ou une mauvaise chose pour le monde ? Réponse : c’est compliqué...
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Joyeux anniversaire

Le réseau social de Mark Zuckerberg fête ses 15 bougies. En 15 ans la petite entreprise est devenue un mastodonte et un incontournable qui, pour seulement l'année 2018 a enregistré 55 milliards de dollars de chiffre d'affaires.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Facebook a 15 ans, et certains n'imaginerait pas de vivre dans un monde sans le fameux réseau social. Selon vous, le succès de Facebook a-t-il été une bonne ou une mauvaise chose pour notre société ? Quel bilan tirer de cette entreprise pour la marche du monde ?  

François-Bernard Huyghe : Personnellement, j’imagine très bien de vivre sans, car il doit y avoir dix ans que je n’ai rien ajouté à mon compte FB. Avec plus de 2,27 milliards d’utilisateurs, le réseau ne semble guère avoir souffert de sa ringardisation supposée (combien de fois a-t-on annoncé que « les jeunes » le quittaient ?), ni des multiples scandales (piratages, trucages, exploitation de données personnelles rapports avec le renseignement américain, affaire Cambridge Analytica, accusations de favoriser les fake news et les ingérences étrangères..). Sans compter le rôle « subversif » qui lui est attribué dans la montée, hors médias et appareils traditionnels,  des gilets jaunes (dans notre livre « Dans la tête des gilets jaunes » D. Liccia, X. Desmaison, nous relativisons ce pouvoir magique attribué aux réseaux sociaux et à d’éventuels manipulateurs).

Pour moi, Facebook est un mythe et un pouvoir. 

Un mythe en ce sens que le réseau incarne (et qu’il favorise) une utopie (ou une dystopie) : celle d’une société individualiste (chacun étale son ego, mesure sa popularité, se construit son petit monde) et tribale à la fois (FB nous enferme dans des rapports avec des « friends » sensés nous ressembler et donc certains ne sont sans doute pas de vraies personnes). Tout est fluide, tout est mesurable, tout s’échange. FB repose suppose un certain type de relations humaines, basées sur les liens faibles, à rebours de la socialité traditionnelle. Le système  suscite et provoque par écrans interposés des secondes d’attention du cerveau humain et génère une connaissance très fine de nos tendances et aspirations. Et cette ressource, on l’exploite bien entendu, y compris en termes de rentabilité économique.

FB est un pouvoir : celui, justement de diriger cette attention et de décider ce qui sera soumis à notre approbation ou à notre délibération. Cela devient à certains égards le pouvoir de dire ce qui existe socialement et à anticiper les futurs comportements de chacun. Facebook - qui retire régulièrement un nombre monumental de comptes et de messages - exerce une force de censure au sens large. Nous avons connu la censure classique : des mots ou des images sont interdits, la police sanctionne, emprisonne ou ferme des locaux. Puis, il y a la censure indirecte qu’exercent ceux qui font l’agenda des mass-médias classiques : quelques un décident ce qui est un « sujet » ou ce qui tombe dans l’ombre de l’ignorance ou de la ringardise. Désormais, les algorithmes de FB, d’après leurs critères supposés des discours de haine, des fausses informations, de l’incitation à la violence ou à la discrimination, de l’offense supposée faite à telle out elle catégorie, peuvent rendre nombre de messages inaccessibles ou les enfouir de fait dans la masse des informations peu consultées.
Il y a donc un pouvoir de contrôle idéologique, largement invisible - positif par la vision du monde qu’il véhicule, négatif par ce qu’il plonge dans l’oubli - et ce pouvoir, résultat de la capacité technique et financière de la compagnie, aucun citoyen n’a voté pour le lui conférer. 

Laurent Alexandre : Facebook est une révolution ! Cela a entraîné des choses positives et catastrophiques en même temps, ce qui est sûr, c'est que la vie des utilisateurs s'est vue changée. La numéro 2 de Facebook a elle-même reconnu à Davos que l'entreprise n'avait pas prévu l'impact et l'influence du réseau social sur le quotidien des gens. Par exemple les algorithmes de Facebook ont eu une importance non-négligeable dans le mouvement des Gilets Jaunes, les manifestants diffusant des vidéos et se rassemblant sur des groupes du réseau. Facebook est un processus révolutionnaire, mais comme toute révolution, le bilan ne peut être fait que des décennies plus tard. Jadis, il n'y avait aucun média qui permettait de parler à des milliers de personnes instantanément, un Gilet Jaune en 1990 n'aurait eu aucun moyen de s'exprimer sans passer par les grands médias. Le revers de la médaille, ce sont les fakes news et les théories du complot qui se diffusent beaucoup plus rapidement. Un sondage IFOP sorti ce matin révèle que plus de 20 % des Français pensent qu'il y a un complot sioniste pour contrôler le monde, ou encore que les Illuminati montent en puissance.

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