Face aux patrons, Valérie Pécresse a beaucoup de mal à être libérale<!-- --> | Atlantico.fr
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Valérie Pecresse regarde son portable avant de prononcer un discours lors d'un meeting lors d'une visite de campagne sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 3 février 2022.
Valérie Pecresse regarde son portable avant de prononcer un discours lors d'un meeting lors d'une visite de campagne sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 3 février 2022.
©Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP

Atlantico Business

Pourvoir d’achat : il suffirait de rendre aux salariés l’argent de l’intéressement. Pour diminuer les dépenses de l’Etat, il suffirait de privatiser. Les politiques n’osent pas. Même Valérie Pécresse, face aux patrons d’Ethic, a eu bien du mal à être libérale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L‘économie, que ce soit sa cohérence ou ses ressorts, n’intéresse pas les candidats à la présidentielle. Ils préfèrent éplucher des dossiers qui fâchent : le pouvoir dachat, la dette, limpôt sur le capital pour mieux dénoncer les inégalités du « capitalisme libéral ». Les candidats retombent tous sur la fiscalité ou sur les moyens qui manquent aux services publics.

Tous ou presque, de la gauche communiste ou insoumise à l’extrême droite de Marine le Pen ou d’Éric Zemmour. Tous. 

Valérie Pécresse est la seule des postulants à l’Élysée dont les chefs dentreprises pourraient espérer quelques propos encourageants quant aux moyens à mobiliser pour protéger la création de richesses

Valérie Pécresse croit en la capacité des entreprises à créer de la richesse. Elle reconnaît que le début du quinquennat a démarré sur des réformes structurantes : la flat taxe, la suppression de l’impôt sur la fortune et la réforme du travail.  Elle reconnaît aussi, du bout des lèvres, que la gestion économique et sociale de la crise sanitaire a évité la catastrophe. Mais à partir de là, les 250 patrons invités par le mouvement Ethic sattendaient à ce quelle déroule un plan stratégique pour favoriser lavenir et assumer les mutations digitales, écologiques et internationales. 

Mais visiblement, le plan stratégique nest sans doute pas encore prêt

Électoralisme oblige, Valérie Pécresse ne prendra pas le risque de tracer les lignes libérales que tout le monde des affaires attend. 

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Pour l’instant, elle reste au niveau du diagnostic dune économie endettée et ankylosée dans un Etat obèse, administratif, bureaucratisé et veille à saupoudrer des mesures propres, pour ne pas déplaire aux différents segments de clientèle quelle cherche à sattacher

Mais si la mère des réformes, pour elle, serait la réforme de lEtat, pourquoi se prive-t-elle d’annoncer un vaste plan de privatisations qui lui permettrait de réduire le périmètre de l’Etat, de faire des économies en faisant financer tout cela par l’épargne liquide considérable amassée par les Français ?

Allons plus loin, si le cœur du problème se cache dans la faiblesse du pouvoir dachat, pourquoi comme tous les candidats, Valérie Pécresse se limite-t-elle à des « bricolages fiscaux » qui visent à alléger le fardeau ? Ils ne seront certes pas rejetés par l’électorat mais ils ne garantiraient pas une hausse durable du pouvoir d’achat fondée sur la croissance des entreprises. 

Pourquoi la seule candidate qui pourrait puiser dans la trousse aux outils libéraux ne libère-t-elle pas, une fois pour toutes, largent de lintéressement ? Rendre l’argent de la participation, c’est inciter les salariés au travail efficace et compétitif. 

Lintéressement et la participation pourraient être le moyen le plus efficace daugmenter le pouvoir des salariés. Mais depuis le Général de Gaulle, les responsables politiques n’ont pas cessé de freiner la distribution de cet argent et même de racketter leurs bénéficiaires. Bref, tout cela pour empêcher les salariés de récupérer cet argent qui leur appartient. 

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C’est quand même extraordinaire cette situation. 

Toutes les entreprises ont la possibilité de distribuer à leur personnel une partie des bénéfices réalisés. Toutes les entreprises ont la possibilité de signer des accords de participation. Mais voilà, beaucoup d’entreprises s’arrangent pour ne rien distribuer, ou si peu, que ça n’a aucun intérêt. D’abord, parce que cet argent est chargé et imposé et que sauf exception, cet argent est bloqué pendant un certain nombre d’années. 

Résultat des courses : le salarié a rarement loccasion de sentir le parfum de cet argent qui pourrait pourtant lui faire beaucoup de bien. Parce qu‘en général, l’intéressement représente un ou deux mois de salaires, parfois plus. Et c’est de l’argent qui lui appartient. 

Actuellement, aucun des acteurs n’a intérêt à débloquer le système. Les entreprises ne le diront pas, mais ça leur fait de la trésorerie pas chère. L’Etat perçoit des impôts et des charges et s’arrange, lui, pour flécher l’épargne de la participation, soit vers le financement d’entreprises fragiles, soit pour encourager des plans d’épargne complémentaire pour pallier les défaillances du système de retraites par répartition dans la mesure où ne peut pas les réformer.

L'épargne salariale est un système d'épargne collectif mis en place au sein de certaines entreprises. Le principe consiste à verser à chaque salarié une prime liée à la performance de l'entreprise (intéressement) ou représentant une quote-part de ses bénéfices (participation). Les sommes attribuées peuvent, en théorie au choix du salarié, lui être versées directement où être déposées sur un plan d'épargne salariale.

Cette définition, qui émane directement du ministère de l‘économie et des finances, est claire, mais elle est truffée de restrictions et de règlementations dissuasives. 

Alors qu’il existe au niveau de ce système une marge de développement, d’élargissement et de simplification. 

Un candidat véritablement décidé à booster le pouvoir d’achat pourrait :

Un : rendre obligatoire le système à toutes les entreprises.

Deux : exonérer de toutes charges et impôts les versements, puisque les sommes en question ont déjà payé limpôt sur les bénéfices 

Trois : rendre liquide le produit de lintéressement, cest à dire à la disposition du bénéficiaire. 

Ce qui casse le levier du pouvoir d’achat actuellement, c’est que les sommes placées dans les plans d'épargne salariale sont indisponibles pendant une certaine durée. Sauf situations exceptionnelles, le salarié a le droit de récupérer la totalité ou une partie de ces sommes avant le terme prévu. Les possibilités de déblocage anticipé varient selon le dispositif (participation, PEE, Perco ou PER d'entreprise collectif). Le déblocage n'est pas automatique, il faut en faire la demande. Autant de freins, de paperasse et de bureaucraties inutiles... 

Très simple sur le papier, tellement simple qu’on se demande pourquoi les gouvernements ont mis autant de normes et de fonctionnement dans un système qui avait des objectifs très simples, faire profiter les salariés de la richesse créée, les fidéliser à l’entreprise, ce qui pourrait contribuer à la dynamique de croissance de l’entreprise. 

Ça serait donc tout bénéfice. Alors pourquoi la classe politique ne se précipite pas sur le dossier de l’intéressement pour relever le pouvoir d’achat, préférant promettre de baisser la TVA ou d’alléger les charges, en compensant par une menace d’augmentation des impôts les plus riches avec comme symbole un projet de rétablissement de l’impôt sur le capital. Alors pourquoi autant d’aveuglement et d’incohérence. ? Sans doute pour des raisons politiques. 

Les hommes politiques ont assumé lintéressement et la participation parce que c’était des inventions du Général de Gaulle au lendemain de la guerre mais à partir de là, on na rien fait ou très peu pour en améliorer l'efficacité.

Sans doute, parce qu‘il ne fallait pas s’inscrire dans une logique capitaliste, parce qu’on touche là au capital et que si on fait rentrer le salarié dans le capital, on le récupère et on diminue son potentiel de revendication. Aucun syndicat n’a jamais défendu l’intéressement et la participation qui ne s’inscrivent pas dans leur ADN. Leur Adn reste imprégné des principes de la lutte des classes. 

Pour la même raison que le modèle français a refusé la retraite par capitalisation, la classe politique rechigne à parler de l’intéressement. 

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