Extension du registre de l’insulte : « Va donc, eh, raisonnable ! »<!-- --> | Atlantico.fr
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"Meme" anonyme circulant sur les réseaux sociaux
"Meme" anonyme circulant sur les réseaux sociaux
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Zone Franche

« La porte du bonheur est une porte étroite, on m’affirme aujourd’hui que c’est la porte autocrate ». Air connu.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Se faire traiter de « con » ou « d’imbécile », que l’on soit de gauche ou de droite par ailleurs, ça n’est jamais très plaisant, mais on voit au moins où le lanceur d’épithètes veut en venir. Se faire traiter de « raisonnable », nouvelle insulte à la mode depuis que la radicalité est normalisée, c’est plus complexe à analyser.

Car oui, désormais, préférer la stabilité institutionnelle qui semble réussir aux économies libérales, sociales et démocratiques les plus prospères à une forme de néo-bolchevisme teintée d’antisémitisme ou à une variété de néo-poujadisme parfumée au racisme généraliste, c’est le meilleur moyen de se faire insulter sur les réseaux sociaux et de se brouiller avec certains de ses amis.

Pour tous ses défauts, et il y en a des palanquées, la France est une sorte d’îlot de bonheur égalitaire sur la planète où, à l’inverse des nirvanas autoritaires où Fi et Rn puisent leur inspiration théorique, on bouffe globalement à sa faim, la lumière s’allume lorsqu’on appuie sur l’interrupteur, et l’on peut dire ou écrire tout le mal que l’on pense des types qu’on s’est mis à détester immédiatement après leur avoir filé les clés du camion.

Mais maintenant que la raison passe pour une anomalie, que les deux-tiers de mes concitoyens se se sont transformés en desperados convaincus que c’est en foutant tout en l’air qu’ils offriront un avenir à leurs enfants, toute résistance semble devenue futile : ce sera Mélenchon et sa clique, qui se proposent de mettre les juifs dans des fours à pizza sur le ton de la plaisanterie après avoir achevé la collectivisation des moyens de production, ou Bardella, qui embarquera les arabes dans des charters en musique après avoir rétréci la France au format d’un médiocre satellite russe…

Je n’aurai pas d’impact sur cette élection au-delà du bulletin de vote que je mettrai dans l’urne dimanche, et ça ne sera sans doute pas avec un enthousiasme démesuré même si je n’ai jamais attendu de l’État ou du politique qu’ils fassent de mon existence un jardin de rose. Mieux, le gars pour lequel je voterai, je n’ai même pas encore son nom en tête mais j’apporterais littéralement mon suffrage à une chèvre républicaine avant de départager un « con » d’extrême gauche d’un « imbécile » d’extrême droite (et lycée de Versailles, comme dirait Aymeric Caron).

Voilà, c’est ça, « raisonnable ». Vous pourrez me pendre pour sionisme pour les uns ou cosmopolitisme pour les autres lorsque vous serez aux affaires dans quinze jours. Du bout de ma corde, je ne sentirai même pas la différence.

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