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Expulsions d’étrangers en situation irrégulière : cette démission intellectuelle qui paralyse la France
©Reuters

Application des peines

L'Etat rencontre des difficultés pour parvenir à expulser des ressortissants en situation irrégulière qui commettent des crimes en France. Les pays d'origines de ces ressortissants ne jouent pas le jeu de la coopération en acceptant leur prise en charge. Certaines lois adoptées en France freinent aussi ce processus.

Alain Marsaud

Alain Marsaud

Alain Marsaud est député de la 10e circonscription des Français de l'étranger. Ancien magistrat, il a aussi occupé le poste de chef du Service central de lutte antiterroriste au Parquet de Paris.

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Atlantico : Que faudrait-il faire pour que les étrangers en situation irrégulière soient effectivement expulsés ? Quels moyens mettre en œuvre ?

Alain Marsaud : Un geste supplémentaire de volonté politique pourrait permettre d'avancer sur cette question. La droite a été très loin. C'est Monsieur Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur qui a mis fin à la double peine en faisant voter cette disposition. Les associations des droits de l'homme disaient que les étrangers qui sont condamnés sont doublement condamnés. Ils sont d'abord condamnés à de la peine de prison puis ils sont condamnés à quitter le territoire. Cela créé une forme d'inégalité avec les citoyens français qui ne connaissent que la peine de prison. Certains politiciens français ont été convaincus et ont mis fin à la double peine. Les conséquences sont les suivantes. L'assassin de Nice, responsable de l'attentat en 2016 a été condamné. Si la double peine avait existé, il aurait été expulsé en Tunisie et nous n'aurions pas eu l'affaire de Nice. Le terroriste de Marseille a été condamné à sept ou huit reprises. Ce cas nous met face à l'inertie liée à l'idéologie, la paresse et à l'incapacité de résoudre le problème depuis plus d'une décennie. L'affaire a commencé avec sa première condamnation  qui remonte à 2005. Que le gouvernement soit de gauche ou de droite, il y a la même inertie, ce qui est intolérable.

Pour vous donner une idée, Il y a quelques temps, un algérien a été condamné à sept ans de réclusion criminelle pour viol sur mineur. Il a été expulsé en Algérie et à notre grande surprise, l'Algérie l'a qualifié en sauf-conduit. Il récupérait le prisonnier mais finissaient par conclure à une erreur d'interprétation et déclaraient qu'il est de culture  Française et doit de fait être pris en charge par les autorités françaises. Il y a une difficulté de la part de certains pays à accepter la prise en charge de leurs ressortissants. C'est souvent le cas lorsque la personne n'a pas de passeport ou alors s'il y a un doute sur sa nationalité. Le pays en question refuse toute prise en charge. Il y a tout de même quelques pays de bonne volonté comme le Liban. La Tunisie qui est sous contrainte de la France dans le cadre d'une lutte contre le terrorisme accepte de s'occuper de ses ressortissants. Il y a une paresse intellectuelle et une idéologie "droit de l'hommiste". Le pays comme l'Algérie fait comprendre que cette personne est en danger dans son pays. Toute les associations des droits de l'homme débarquent et crient au scandale. Certains d'entre eux créaient du désordre en entrant dans l'avion et le commandant de bord refusait de les embarquer au nom de la sécurité des passagers. Pour toutes ces raisons, c'est quelque chose qui n'a jamais fonctionné. Il m'est déjà arrivé de dire à l'Assemblée Nationale que tout étranger qui arrivait sur le sol français et qui ne voulait pas en repartir devait dès lors y rester parce que nous n'avons pas les moyens de les contraindre à quitter le territoire. Ne repartent que ceux qui sont impressionnés ou qui acceptent de repartir.

Il y aurait peut-être un changement de culture à adopter de la part des juges ?

Attention, cette affaire ne concerne pas les juges. On est dans une procédure administrative. Cela ne les concerne que lorsque l'on parle de la détention du prévenu dans un centre adapté. Les juges ont parfois une vision plus apaisée de la répression et de l'ordre public, c'est certain. Est-ce qu'il faut former les juges à plus de conscience de la réalité du terrain ? Je ne sais pas. Il faut que les familles des victimes saisissent la cour de justice de la République pour la responsabilité pénale des différents ministres depuis 2005. Les ministres doivent comprendre que ce genre d'inaction est coupable et cela ne doit plus durer. Ils doivent se sentir sous le coup de poursuites. La cour de justice prendra ses responsabilités devant des parents qui ont vu leurs filles assassinées par ce type-là.

Les amis des droits de l'homme racontent que ces gens sont partis de leurs pays illégalement ou bien pour des raisons de persécution, de tortures, de mauvais traitements. S'ils retournent dans leurs pays, ils seront exposés à ces violences de la part de leur régime. Ces gens ont réussi à convaincre des fonctionnaires et des magistrats qu'il y avait aussi ce risque. D'autres, pour des raisons idéologiques souhaitent que nous ayons plus d'étrangers en France, qu'il faut accueillir les réfugiés. C'est une vision de la société. C'est la vision du village mondial. Je ne la partage pas. C'est une vision idéologique.

Malgré tous les événements de Nice, de Marseille, et de ces dernières années, ne pensez-vous pas que cette vision de village global soit remise en cause par les citoyens ?

Je ne sais pas. Je crée avec des amis un genre de comité dans lequel on va inciter toutes les victimes de ces événements à poursuivre les ministres devant la cour de justice. C'est peut-être un dispositif qui pourrait les convaincre de changer d'avis. Mais vous savez, l'idéologie est encore extrêmement forte. Regardez ce qu'il s'est passé. Il y a eu un dépôt de proposition de loi signé par des députés Républicains qui disent qu'il faut renvoyer à l'étranger des étrangers qui ont commis des délits en France, notamment ceux qui sont susceptibles d'une peine de réclusion de cinq ans d'emprisonnement. Ce sont des gens qui ont voté la fin de la double peine sous la pression sarkozienne. Aujourd'hui, ils changent d'avis. Ce sont quand même les mêmes personnes. Il faut discuter avec des fonctionnaires de préfecture. Tout le monde a baissé les bras depuis longtemps. Certaines personnes sont mises en détention puis sont relâchées au bout de trois jours parce qu'aucun vol n'a été trouvé. Il n'y a pas plus de contraintes. 

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