Exode français : les exilés fiscaux ne sont pas les seuls à quitter le navire, les bac+5 et les entrepreneurs sont les premiers candidats à l'émigration<!-- --> | Atlantico.fr
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"Bac+5 et entrepreneurs forment la majorité des candidats à l’émigration."
"Bac+5 et entrepreneurs forment la majorité des candidats à l’émigration."
©Reuters

Ça s'en va et ça revient... pas

Plus de 100 000 Français quitteraient le pays chaque année en quête d'un avenir meilleur. La pression fiscale exacerberait depuis peu cette tendance.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Atlantico : Dans votre dernier livre, Je suis venu te dire que je m'en vais, vous révélez que 100 000 Français quittent le pays chaque année. Les exilés fiscaux, sur lesquels les médias se focalisent, ne représenteraient que 3% des expatriés. Quel est donc le profil type de l'expatrié français ? Quelles sont ses motivations ?

André Bercoff : Il n’y a pas de profil type. Cadre d’entreprise, artisan, restaurateur, jeune diplômé, retraité, chômeur, toutes les catégories tentent leur chance à l’étranger ou rêvent de le faire un jour. Ce qui nous a  le plus frappés pendant l’enquête sur ce livre, avec Deborah Kulbach, c’est que nous n’avons pas rencontré une seule personne qui n’ait un parent ou une connaissance déjà établie hors de France ou sur le point de changer d’horizon. Cette envie d’ailleurs est une idée relativement neuve dans le royaume...

Selon les chiffres officiels, 1 600 000 Français sont aujourd'hui inscrits dans les consulats de la centaine de pays d'accueil où ils résident. Une partie d'entre eux devraient revenir. Dans ces conditions, faut-il vraiment parler d'exode comme vous le faites ? Ce phénomène est-il si massif ?

Comme vous le savez, ils sont très nombreux à ne pas signaler leur présence aux autorités consulaires françaises. On estime aujourd’hui à 2 500 000 le nombre de nos concitoyens expatriés à travers le monde. Selon Price Whiterhouse Coopers, ils seront nettement plus de trois millions en 2020. Il ne s’agit évidemment pas d’un exode de masse, mais ce qui est préoccupant, c’est la fuite des cerveaux, sachant que Bac+5 et entrepreneurs forment la majorité des candidats à l’émigration. L’on a d’ailleurs calculé que le départ et l’installation en dehors de France de nos diplômés coûtait à l’Etat environ 1 milliard 500 millions d’euros par an.

Progresse-t-il depuis l'arrivée au pouvoir des socialistes ? Est-ce lié à la hausse de la pression fiscale ?

Le mouvement a évidemment commencé bien avant l’arrivée des socialistes. Il s’est incontestablement accéléré depuis, en raison notamment de la pression fiscale et surtout du manque de perspective d’avenir. Comme le disent plusieurs personnes dans Je suis  venu te dire que je m’en vais : "Nous voulons bien payer des impôts, mais si c’est pour entretenir le gouffre sans fond des dépenses publiques et de l’assistanat généralisé, tout en sachant que nous ne toucherons jamais un centime de retraite, pourquoi faire ?". Regard pessimiste peut-être mais dont on ne peut nier la légitimité.

Un sondage de l'Institut Viavoice révèle que 50% des 18-24 ans aimerait quitter la France pour vivre dans un autre pays. Qu'est-ce que cela dit de l'état du pays ? Est-ce préoccupant pour son avenir ?

Qu’une partie de la jeunesse d’un pays songe à s’en aller est, qu’on le veuille ou non, un signe de sous-développement. Pour la première fois depuis plus d’un millénaire, la France va-t-elle être amenée à changer de peuple ? Je provoque, bien sûr, mais il est totalement inadmissible que les générations au pouvoir, qui ont tant profité du système, ferment ainsi les portes à leurs descendants en ne favorisant qu’une minorité de privilégiés par la naissance, les réseaux, la richesse et les relations. Reste que le monde a lui aussi changé et que l’on peut espérer que les Ulysse qui auront fait de beaux voyages reviendront un jour au pays.

Pour ces jeunes, la tentation de l'expatriation a-t-elle remplacée la tentation de la Révolution ?

Il me paraît exagéré de l’affirmer, mais l’on peut dire qu’ils sont désormais des centaines de milliers à voter avec leurs pieds. Un vote blanc de voyage en quelque sorte, ce qui est tout aussi significatif. Ceux qui restent en France y mettront-ils le feu ? A suivre...

Par ailleurs, les candidats au départ ont-ils tendance à en sous-estimer les possibles effets pervers notamment au plan personnel ?

Les personnes que nous avons interrogées sont très lucides quant aux dangers et aux inconvénients d’une installation dans des pays où les différences de langues, de cultures et de mentalités ne sont pas minces. Aujourd’hui, grâce à Internet et aux réseaux sociaux, tous sont au courant de tout, ou presque. C’est donc en connaissance de cause que les gens partent. Et si ça ne va pas, ils savent qu’ils auront toujours le loisir de revenir. Mais encore une fois, et c’est ce qui est frappant dans le livre, beaucoup affirment qu’ils vivraient ce retour comme un échec. 

A lire : "Je suis venu te dire que je m’en vais",  André Bercoff et Deborah Kulbach, (Michalon Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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