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L’Europe en plein trouble identitaire
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Ode à la joie

Alors que la campagne présidentielle se penche enfin sur l'Europe, la remise en cause des traités et des institutions fait la une des gros titres... Pourquoi en est-on arrivé là, et comment écrire une autre Histoire européenne ?

Thomas  Houdaille

Thomas Houdaille

Thomas Houdaille est secrétaire général du think-tank EuropaNova et directeur du programme européen de leadership, 40under40

Diplômé de l’ESCP Europe, il a auparavant été directeur commercial de la société Devoteam, fondé un cabinet de conseil avant de devenir Directeur Général du cabinet Beijaflore.

 

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Au moment où l’on commence enfin à parler d’Europe dans cette campagne présidentielle, ce sont encore les arguments stigmatisant Bruxelles et allant jusqu’à remettre en question l’un des principes fondamentaux du projet européen, la libre circulation au sein de l’espace Schengen, qui font les gros titres.

Pourquoi en est-on encore là, et comment écrire une autre histoire européenne ?

La première des raisons, c’est que l’Europe, c’est loin et c’est compliqué à expliquer aux citoyens ! L’UE c’est comme disait Jacques Delors un OPNI (Objet Politique Non Identifié), une structure de gouvernance complexe, qui dispose de compétences exclusives, partagées ou simplement de conseil vis-à-vis des États membres et dont le fonctionnement institutionnel reste perfectible. 

Le roman politique de l’Union européenne peine également à s’écrire à cause des principes mêmes qui ont permis son succès ! La « méthode Jean Monnet » est un coup de génie au départ : la première étape « technique » qui rend possible la naissance et le développement de l’Europe, en dépit des nationalismes. Mais elle est devenue au fur à et mesure contre-productive, car peu politique.

Quand on ajoute à cela le fait que l’Europe s’est construite, pour l’essentiel, dans le domaine économique avec un marqueur libéral fort, on comprend mieux le décalage avec des citoyens très attachés à un modèle de développement, où l’État Providence tient une place centrale, et la difficulté de mobiliser autour d’un projet porteur de sens.

Sur quelles bases raconter une nouvelle Histoire aux citoyens ?

La première nécessité est de rappeler les apports du projet européen.

Durant la majeure partie de son existence, l'Union a constitué, après la Seconde Guerre mondiale, un pôle de stabilité intérieure générateur de paix, de démocratie et d'une prospérité non négligeable. Jamais dans l’Histoire des hommes, on n’a vu de peuples auparavant rivaux s’unir pour construire ensemble une communauté. Le marché commun a de son côté permis une croissance et modernisation accélérée des principaux pays européens.

La création de la monnaie unique est également une première mondiale ! Et ses avantages sont encore à rappeler : faible taux d’intérêt et stabilité des prix, fin des fluctuations de change, transparence des prix d’un pays à l’autre facilitant les échanges… Certes, cette union monétaire est incomplète, le grand public le découvre dans la douleur de la crise financière, et il manque un budget et un gouvernement économique européen, des éléments enfin en débat grâce à la crise.

L’histoire de l’Union européenne c’est aussi, l’accueil des pays du Sud de l’Europe et de l’Est, qui ont grâce à cette dynamique accédé à la démocratie, même si ces succès doivent être relativisés à la lumière des événements récents.

Ces réalisations ont fait de l’UE le premier marché du monde avec 550 millions de consommateurs, près de 30% du PIB mondial, un niveau de vie et une qualité de vie globalement incomparable par rapport au reste du monde, avec une dette globale qui reste inférieure à celle des USA et surtout  un espace de démocratie et de solidarité sans égal sur la planète, qui continue à inspirer une bonne partie du reste du monde.

Nous sommes à un moment clé de l'Histoire

Une fois ces rappels faits, il s’agit de constater collectivement que nous sommes à un moment clé de notre histoire : en une décennie, l’Occident a perdu le leadership sur la mondialisation. De nouvelles interdépendances planétaires sont apparues dans un monde en mutation où de nouvelles puissances, ont changé l’équilibre mondial. C’est donc un monde nouveau qui s’éveille. Et les Européens s’ils ne s’y projettent pas ensemble, risquent de perdre de leur superbe chacun de leur côté !

Alors il faut oser. Oser raconter que l’échelon national n’est plus adapté pour affronter les grands défis qui sont devant nous, et qu’il nous faut plus d’Europe pour orienter le capitalisme au service de la société, pour réinventer nos systèmes de production et d’innovation, pour relever les défis du changement climatique et du développement durable, pour mieux gérer les flux migratoires…

Sans oublier la dimension utopique qui doit répondre aux aspirations immatérielles des citoyens. L’évolution du monde et sa complexité, les bouleversements des repères traditionnels contribuent à créer un sentiment de perte de repères. Face aux nationalistes qui jouent sur ces craintes, la peur de l’autre et du déclassement, qui prônent un repli sur soi et la fermeture des frontières, il faut réaffirmer que l’Europe, c’est aussi un projet de civilisation basé sur des valeurs fortes telles que la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité. Que c’est un projet humaniste porteur de progrès pour l’individu, une dynamique où la relation à l’autre est clé, qui favorise le développement de la confiance en soi, donc en l’autre.

L'Europe a besoin de nouveaux leaders politiques !

Mais pour raconter cette histoire passée et à venir, il faut de nouveaux compteurs ! De nouveaux leaders d’opinion qui portent en eux ce souffle européen. Car l’Europe souffre d’une crise de leadership. Depuis les années Jacques Delors avec François Mitterrand et Helmut Kohl à la tête du couple franco-allemand, on n’a pas retrouvé cette dynamique. Certes, les temps ont changé, mais que ce soit au sein des institutions européennes ou à la tête des grands États, on ne peut que constater le manque de leaders ayant une vision européenne affirmée. D’autant plus que les personnalités incarnant l’Europe au niveau supranational manquent encore de consistance politique. Qui connait, en dehors des initiés, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen ? Et qui sait réellement quelle politique prône José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne ?

Le projet européen ne dépassera pas les antagonismes nationaux actuels sans une vision renouvelée portée par des personnalités engagées. Il faut multiplier les initiatives pour fabriquer de nouveaux leaders d'opinions européens, c'est aussi comme cela qu'une autre histoire s'écrira !

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