Sommet européen : vers l'implosion de la zone euro ou vers plus de fédéralisme ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le sommet européen approche...
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Lexique européen

Dîner informel ce mercredi soir entre les chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles. Eurobonds, fonds européen de garantie des dépôts, Grèce : les dossiers chauds du sommet européen

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Les politiciens, les experts et les média noient l’opinion publique sous un déluge de déclarations qui laissent, la plupart du temps, le citoyen ordinaire incapable de comprendre ce qui se cache derrière la série de « remèdes miracles » pour la zone euro proposés par les uns et les autres.

Le sommet européen approche, petit lexique pour comprendre les tenants et les aboutissants des grands dossiers en suspens...

Premier dossier: « Les Eurobonds » (et accessoirement « project bonds » et financements par la BEI)

Nous lisons avec intérêt que François Hollande est « pour » et que Angela Merkel est « contre » ! Mais ni l’un ni l’autre ne prennent la peine de définir ce qu’ils entendent par « Eurobonds ». On comprend vaguement qu’il s’agirait d’obligations dont les risques de remboursement seraient « mutualisés » entre les États participants au schéma.

Première question : qui serait l’émetteur ?

Si c’est une entité existante, il y a apparemment le choix entre : l’Union européenne (MESF = Mécanisme européen de stabilité financière), le MES (Mécanisme européen de stabilité) ou, encore pour un certain temps, le FESF (Fonds européen de stabilité financière).

Pour atteindre l’objectif de « mutualisation » recherché, il faudrait considérablement modifier les Traités établissant le FESF (en voie d’extinction) ou le MES (encore en cours de ratification). Ce choix aurait peu de crédibilité aux yeux des marchés. Quant à en charger l’UE, il faudrait l’accord des 27 pays membres dans le cadre de nouvelles « perspectives financières » permettant, par exemple, une extension significative des moyens attribués au MESF. L’option d’une « nouvelle entité » devrait à priori être écartée, car on imagine difficilement encore un nouveau Traité !

Deuxième question : quelle structure légale et de crédit pour l’émetteur ?

L’objectif étant la mutualisation, est-il entendu, dès le départ, que les « eurobonds » bénéficieraient d’une garantie conjointe et solidaire de la part des participants au mécanisme ? Il faut distinguer la structure crédit de l’émetteur qui protège les investisseurs dans les titres émis (garantie des participants) et la position légale de l’émetteur vis-à-vis des bénéficiaires de ses prêts (hiérarchie dans le remboursement).

La multiplication d’émetteurs créerait une confusion des marchés concernant le statut juridique des titres de dette émis par les différents mécanismes de défense de l’euro, qui se feraient concurrence et qui bénéficieraient chacun d’une structure de crédit spécifique. Le danger serait que les taux ne s’alignent sur ceux de l’instrument « communautaire » jugé le plus risqué, renchérissant d’autant le coût de l’ensemble.

Chaque fois qu’un nouvel instrument est introduit il faut déterminer la hiérarchie des remboursements en cas de défaillance d’un débiteur. Les différents émetteurs/prêteurs « communautaires » (parmi lesquels il convient d’inclure la BCE et la BEI = Banque européenne d'investissement) seraient-ils "pari passu" (parties traitées de manière égale) ou certains seraient-ils « privilégiés » par rapport à d’autres, et par rapport aux créanciers publics et privés existants ? Tout « privilège » se traduirait par le renchérissement du crédit pour les autres émetteurs.

Troisième question : à quoi serviraient les fonds ; qui déciderait des bénéficiaires ?

S’agirait-il de faire des prêts à des États ? C’est déjà l’objet des MES/FESF/MESF qui ferait donc double emploi. Ces prêts seraient-ils assortis de la même conditionnalité exigée pour les interventions du MES/FESF/MESF/FMI ?

S’agirait-il de prêts (ou prises de participations) à des entités privées ? Par exemple une recapitalisation du secteur bancaire ou le financement de projets d’investissement ?

S’il s’agissait de prêts à des États, la seule structure raisonnable serait une transformation du MESF en « Agence de la dette Européenne » bénéficiant d’une garantie budgétaire de l’UE. La structure vis-à-vis des investisseurs serait alors totalement transparente. Elle pourrait faire l’objet de contre garanties de la part des pays de l’UEM (Union économique et monétaire) pour éviter aux non membres le risque d’un appel au titre de la garantie budgétaire à laquelle ils sont tenus en tant que membre de l’UE.

S’il s’agissait de prêts à des entités privées, la gestion du programme devrait être confiée à la BEI, seule outillée pour gérer des « projets » de manière efficace et bénéficiant simultanément d’une excellente réputation dans les marchés. Cette délégation pourrait s’envisager de deux façons (contenues dans les propositions qui circulent) : soit augmenter le capital de la BEI et par conséquent sa capacité d’emprunt ; soit lui confier la gestion d’une « Agence Communautaire » financée et garantie par le budget de l’UE.

Sans réponses claires à l’ensemble des questions soulevées ci-dessus, les décideurs perdent leur temps. Or le temps est précisément la chose dont on manque si l’on veut éviter que les marchés ne contrôlent le déroulement de la crise.

Deuxième dossier : Création d’un fonds européen de garantie des dépôts

Cette proposition, récemment réactualisée par Mario Monti (président du Conseil des ministres italiens), a pour objet de prévenir un retrait massif des dépôts de la clientèle des banques, inquiète des conséquences d’une sortie de la Grèce de l’UEM et de la contagion potentielle à d’autres pays Membres.

La mutualisation de la garantie des dépôts au niveau de l’UE/UEM est certes de nature à réduire considérablement le risque d’une panique des déposants. Elle n’est cependant concevable que parallèlement à un renforcement significatif de la réglementation et de la supervision du secteur bancaire au niveau européen, corrigeant ainsi les faiblesses du plan de Larosière. Celui-ci a confié les leviers du pouvoir dans ces domaines aux États membres, sujets seulement à une obligation de coordination, difficile à mettre en œuvre en cas de problèmes.

L’initiative de M. Monti, qu’il faut soutenir, ne pourra cependant voir le jour que dans le contexte d’une UE/UEM de caractère fédéral. Elle sera consensuelle et relativement facile à mettre en œuvre si le projet d’une UE fédérale prend corps. A défaut, elle a peu de chances de voir le jour.

Troisième dossier : La sortie de la Grèce de l’UEM

Quelque pertinentes que soient les analyses des uns et des autres, force est d’admettre que personne ne peut prévoir avec certitude les conséquences d’une sortie de la Grèce de l’UEM. Le principe de précaution veut donc, comme le réclament d’ailleurs de nombreuses voix, que tout soit fait pour éviter ce scénario aux conséquences plus qu’incertaines.

Ceci étant, l’attitude prise par certains responsables grecs (appuyés par les protagonistes d’une relance par le budget) de faire du chantage en vue d’obtenir unilatéralement un allègement de l’austérité est vouée à l’échec même au prix de l’implosion de l’UEM/UE. Dans ce jeu de poker menteur, les marchés pourraient être tentés de forcer la décision avant même que les grecs ne se soient prononcés dans les urnes. Les chefs d’État et de gouvernement réunis à Bruxelles seraient bien avisés de tenir compte de cette situation et de ne pas se contenter de reporter leurs décisions au Conseil européen de la fin juin.

Conclusion

Le sommet informel de Bruxelles du 23 mai offre une opportunité unique de lancer une grande initiative visant à créer une Union économique et monétaire de caractère fédéral au sein d’une Union européenne confédérale.

L’essentiel est d’affirmer la volonté politique d’aboutir plutôt que d’en dessiner précisément les contours juridiques. Sans une telle orientation, la tentation (vaine) de se protéger au niveau national ne fera qu’accélérer l’implosion de l’UEM et de l’UE, elle-même.

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