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Euro-miracle ? Comment ne pas louper le tournant historique que Macron et Merkel proposent à l’Europe
©Kay Nietfeld / POOL / AFP

Plan de relance

Angela Merkel et Emmanuel Macron ont proposé un plan inédit de 500 milliards d’euros pour soutenir l’économie de l’Union européenne, très affectée par la crise liée au Covid-19. Quelles sont les conditions pour que ce plan soit un succès et quels éléments pourraient atténuer ses effets ?

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Sylvain Kahn

Sylvain Kahn

Professeur agrégé à Sciences Po, où il enseigne les questions européennes et l’espace mondial. Sylvain Kahn est professeur agrégé au sein du département d’histoire à Sciences Po. Depuis 2001, il enseigne les questions européennes. Docteur en géographie et diplômé de géopolitique, agrégé d'histoire, normalien et chercheur au centre d’histoire de Sciences Po, il a publié aux PUF Histoire de l’Europe depuis 1945 ; Le pays des Européens avec Jacques Lévy chez Odile Jacob ; Géopolitique de l’union européenne et Dictionnaire critique de l’Union européenne, chez A. Colin ; et Les universités sont-elles solubles dans la mondialisation ? chez Hachette. Il est le responsable et le co-auteur du mooc Géopolitique de l’Europe, diffusé en ligne en français et en anglais sur les plates-formes Coursera et Fun. Chercheur au centre d’histoire de Sciences Po, ses travaux portent principalement sur deux sujets : la place et le rôle de l’Etat-nation dans la construction européenne ; la caractérisation de la territorialité de l’Union européenne.

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Atlantico.fr : Pourquoi a-t-il fallu attendre une crise sanitaire pour lancer un plan de relance que l'Europe a tenté de réaliser depuis plusieurs décennies ? Quelles erreurs peuvent expliquer que nous n'ayons pas réussi auparavant ? A-t-on trop misé sur l'économie au détriment de la solidarité ?

Rémi Bourgeot : Face à cette dépression économique inédite, l’annonce franco-allemande traduit la prise de conscience des effets ravageurs de cette crise au niveau européen, mais il faut naturellement aussi en mesurer les limites intrinsèques. 

L’intérêt de la proposition peut reposer sur un possible effet de transferts des Etats les moins touchés vers les plus affaiblis, à condition que l’allocation de la dépense ne dépende non pas seulement du poids économique de chacun ou de sa contribution au budget européen, mais davantage de la gravité de sa situation nationale. Autrement il ne s’agirait que d’une levée de dette commune. Malgré l’enthousiasme pour le thème des « coronabonds » sur le plan politique en France et dans le sud de la zone euro ces derniers mois, il faut rappeler qu’il s’agit surtout au fond d’un système de garanties croisées et que ça n’est pas aujourd’hui le cœur du sujet. Il s’agirait plutôt d’une solution à la crise de l’euro de la décennie écoulée, au cours de laquelle la thématique des eurobonds a pris son essor. En effet, aujourd’hui les Etats européens ne rencontrent pas de difficulté majeure à se financer sur les marchés, du fait des interventions de la BCE. L’Italie emprunte actuellement à moins de 2% sur 10 ans. C’est plus que la France ou l’Allemagne certes, mais il s’agit clairement d’un type d’urgence très différent de celle de 2010. A l’époque, un certain nombre de pays dits périphériques avaient dû s’en remettre à la troïka et à ses conditions contreproductives pour gérer l’envolée de leurs taux d’emprunt et leur risque de défaut. 

Le problème aujourd’hui réside dans le fait que les pays qui ont déjà des dettes et déficits élevés ne s’estiment pas autorisés à mettre en œuvre la relance nécessaire face à la chute libre de l’activité économique. Alors qu’ils auraient besoin d’assurance de la part de la banque centrale sur une très longue durée (en fait sur le refinancement perpétuel des dettes causées par la crise actuelle), les débats interminables sur le mandat de la BCE agissent à l’inverse. 

Comme l’ont montré les calculs de l’Institut Bruegel, on voit ainsi en réalité l’Allemagne soutenir son économie nationale suivant des montants (une fois rapportées au PIB et en se concentrant sur les injections directes) proches de ce qui est mis en œuvre aux Etats-Unis, alors que la France, l’Italie et l’Espagne, soucieuses de leur position fiscale, remettent plutôt au lendemain leurs actions de relance, et se contentent de montants directs jusqu’à cinq fois plus faibles qu’en Allemagne. L’urgence ne consiste pas tant à agir à la marge en garantissant des taux d’emprunt (encore) plus bas aux pays les plus touchés au moyen d’une dette commune, qu’à à agir directement sur la capacité d’injection de relance dans ces économies, à la fois aux moyens de transferts européens mais aussi et surtout en élaborant un mécanisme de financement qui permette un soutien massif sans pour autant conduire à l’envolée des dettes publiques. A cet égard, le financement monétaire ne relève pas de la pensée magique. Face à l’effondrement économique actuel, à la relégation supplémentaire d’une génération et à la crise de compétences que nous traversons, le financement monétaire relève plutôt de la « best practice », comme on dit dans le jargon de la gouvernance mondiale, si on l’envisage en contrôlant le risque de bulles financières présentes et futures. Avant cette crise dévastatrice pointait pas à pas l’idée d’une réforme monétaire centrée sur les monnaies digitales de banque centrale. Cette nouvelle approche permettrait une action plus résolue sur l’économie de la part des autorités monétaires tout en cessant de gonfler des bulles financières à répétition. 

Sylvain Kahn : Il s’agit plutôt de comprendre pourquoi le projet d’une dette européenne et de bons du trésor européens se réalisent maintenant. L’Europe n’est pas un plan parfait et idéal qui attendrait caché quelque part des circonstances idéales ou idoines sa mise en oeuvre et sa concrétisation. Elle est un processus historique. 

L’idée d’une dette était en débat depuis longtemps ; mais c'est maintenant qu’elle s’impose comme une préférence collective. Toute chose égale par ailleurs, ce type de processus historique fut à l’oeuvre au sortir de la guerre avec l’instauration des sécurités sociales dans plusieurs pays européens. Du plan Beveridge ou de la sécurité sociale, on ne dit pas “pourquoi cela n’a-t-il pas été fait avant” mais “comment expliquer cet avènement”? 

Une explication me paraît être la chose suivante : la massivité de la crise sanitaire a relativisé un peu plus l’efficacité de l’échelle unique de l’Etat national. Il se trouve que depuis près de 70 ans les Européens ont sous la main une sorte d’appareil d’Etat fédéral, assez baroque dans sa construction.

Dans cet Etat fédéral baroque qu’est l’UE, une majorité d’Etats fédérés ne voyaient pas l’intérêt de bons du trésor européen ; ni leur utilité. Ils s’en méfiaient. C’est un classique de la construction européenne : les appareils d’Etat - qui en Europe ont tous une très longue histoire, celle qu’a si bien raconté Charles Tilly -  sont réticents à mutualiser leur prérogative et à lâcher du pouvoir.  

La pandémie du Sars-cov2 ébranle en profondeur ce type de corporatisme : partout en Europe les citoyens ont constaté les défaillances ou les faiblesses relatives des appareils d’Etat. Dans cette situation, il est apparu que là où elle avait des compétences, l’UE en tant que telle jouait un rôle protecteur et proactif déterminant : les financements publics. Les Européens ont bénéficié de l’agilité insoupçonnée de la BCE, du MES, de la BEI, et même du budget géré par la Commission - tout cela avec la volonté ou l’accord de leur dirigeants nationaux. Cet attelage a mobilisé des sommes colossales pour protéger les sociétés et les économies européennes. L’émission d’une dette publique européenne s’impose donc dorénavant d’elle même. Au point où en est, il n’y a plus de blocage idéologique.

Eric Verhaeghe : Je ne suis pas sûr que l'alternative soit entre l'économie et la solidarité, mais plutôt entre la visée économique et la construction politique. L'Europe dans laquelle nous vivons est une sorte de reproduction à grande échelle du Zollverein, de l'Union Douanière allemande du XIXè siècle, avec un tropisme fort autour de la monnaie, et une faible intégration politique. Lorsque nous avons signé le traité de Versailles, nous savions que cela se passerait comme ça. L'Allemagne, singulièrement depuis la réunification, est d'abord fondée sur l'intégration économique, et même monétaire, au détriment de l'intégration politique. Cela ne signifie pas que l'Allemagne n'ait pas d'unité politique, mais celle-ci est secondaire par rapport aux visées économiques communes. Dans ces conditions, on peut difficilement s'étonner que l'Allemagne, qui pratique un vrai fédéralisme, ne cherche pas à donner corps à une unité politique ou à un projet politique en Europe. Pourquoi ferait-elle avec les autres ce qu'elle répugne à faire en interne ? 

Le défi auquel nous sommes confrontés aujourd'hui tient à la possibilité ou non de donner en Europe plus de corps politique. L'Allemagne en particulier, mais aussi les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark, sont-ils prêts à concéder plus d'intégration dans un projet impliquant des pays du Sud qui sont des destinations de vacances avant d'être des partenaires économiques et politiques, comme l'Italie, l'Espagne, la Grèce, le Portugal et même la France ? On n'en est pas bien sûr, en réalité. Les prochaines semaines vont en dire long sur le sujet. Et elles vont permettre de voir qui, en Europe, est prêt à transcender le mythe du simple marché unique pour constituer un véritable espace politique doté d'un projet cohérent. Sur ce point, il revient aux États membres de dévoiler leurs intentions et leurs limites. Ce sera le travail de l'Allemagne, qui prend la présidence de l'Union le 1er juillet, que d'opérer cette espèce de maïeutique européenne. Disons-le d'emblée : elle risque d'être décevante. 

Si ce plan semble aller dans la direction de la solidarité et de l'unité, est-il à la hauteur des évènements que nous traversons ? 

Rémi Bourgeot : Le montant de 500 milliards est substantiel, mais il faut encore une fois mesurer la gravité de l’effondrement économique actuel. En termes de montant, et au vu de ce que l’on constate mois après mois de la contraction économique en cours, ce montant constituerait un plan de relance décisif à l’échelle d’un grand Etat membre. A l’échelle de l’UE, l’intérêt de ce montant relativement limité face à la situation actuelle serait surtout d’être alloué de façon stratégique pour soutenir les systèmes de santé et les capacités industrielles des pays les plus vulnérables. Par ailleurs, rien ne garantit que, après l’opposition de l’Europe du nord, il restera un effet significatif de transferts vers les pays les plus dévastés. Certains comme le chancelier autrichien Sebastian Kurz vont même jusqu’à prôner un simple mécanisme de prêts ; ce qui ne serait que d’une utilité extrêmement limitée.

Sylvain Kahn : Il y va, c’est indéniable. L’histoire de la construction européenne nous enseigne que ce qui est important est le processus, la porte qu’on ouvre, l’innovation. Appelons cela l’effet de cliquet. Par exemple, le mécanisme européen de solidarité, le MES a été créé dans la douleur et la dispute entre 2011 et 2014. Il joue le rôle d’un fond monétaire européen. Les prêts à taux très bas qu’il garantit ne le sont qu’en contrepartie de réformes dites structurelles, dont la mise en oeuvre induit une réduction importante de l’endettement et des dépenses publiques, du pays qui en bénéficie - donc des politiques d’austérité. Ce fonds a été utilisé par les Etats les plus en difficulté lors de la crise des dettes souveraines de 2010 à 2018. Depuis un mois, ce fonds est activé, à l’unanimité des Etats membres, sans contrepartie, pour soutenir la dépense publique colossale des Etats les plus endettés pour lutter contre les conséquences de la pandémie. 

L’union bancaire a été mise en place durant la même période pour corseter les banques commerciales et de détail et éviter les dérives qui ont mené à leur sauvetage par les Etats et, pour cette raison, à la crise des dettes souveraines. En raison des divergences de vue et d’intérêt entre les réseaux bancaires, qui font pression sur leurs pays respectifs, l’achèvement de l’union bancaire prend cinq à dix ans de plus que ce qui était prévu initialement. Mais il est en cours, c’est indéniable.

Venons-en au projet annoncé par Mme Merkel et M. Macron : l’émission de bons du trésor européen - d’une dette publique européenne, qu’elle qu’en soit la forme. Bien entendu, 500 milliards d’euros sont une somme “modeste” comparé aux sommes engagées par les Etats membres, aux rachat des dettes de ces mêmes Etats sur le marché secondaire par la BCE, ou au montant dégagé par le budget fédéral aux Etats-Unis, par exemple. Mais le signal et l’effet de levier sont considérables. L’UE est un “Etat” vierge de toute dette publique ; il émet une monnaie, l’Euro, qui est devenu la deuxième réserve de change internationale dans le monde ; il est considéré par les investisseurs et les créanciers de tous types comme d’une fiabilité maximale. 

A partir de maintenant, les Européens vont pouvoir sortir du débat hors sol sur : l’existence de l’UE est-elle pertinente ? et entrer dans le débat réel sur : sommes-nous satisfaits des choix politiques et des politiques publiques effectués par le “gouvernement” européen ? Et ce “gouvernement” - Parlement élu au suffrage universel direct ;  chambre des dirigeants nationaux, le “Conseil” ; Commission européenne - décidera du montant de dette à émettre et pour faire quoi.   

Eric Verhaeghe : En apparence, une somme de 500 milliards est énorme à l'échelle de la France. Elle s'ajoute aux 500 milliards déjà mobilisés par la Commission pour mettre un peu d'huile dans les rouages de la crise. L'Union montera donc à un total de 1.000 milliards d'intervention dans cette crise. Mais l'Allemagne en apportera un quart seulement. Au passage, 1.000 milliards, c'est ce que Merkel a mis sur la table pour sauver son économie dès le mois de mars. Il faut donc noter que la somme n'est pas ridicule, mais elle est mesurée par rapport aux besoins de l'économie européenne. Par ailleurs, ce plan sera relativement complexe à mettre en oeuvre, avec une approbation à l'unanimité des États-membres (par l'intermédiaire d'un vote parlementaire). L'argent tombera sur des projets, et non dans la caisse des États. LA durée du plan s'étendra sur trois ans. La difficulté première tiendra donc plus à la lenteur de son déploiement qu'aux sommes mises en jeu, même si celles-ci risquent de paraître un peu courtes pour des pays très en difficulté comme l'Italie. 

La question annexe sera de savoir quelles contreparties l'Allemagne demandera. Merkel s'est déjà exprimée sur ce point dans la presse allemande, sans que la presse française ne le relève. Elle souhaite bénéficier de mesures favorables dans le domaine industriel, dans la perspective du Green deal, qui durcira les normes environnementales en Europe d'ici 2030. Il faut en être conscient : la participation de l'Allemagne sera coûteuse, à long terme, pour nos industries. 

Quelles sont les conditions pour que ce plan soit un succès et quels éléments pourraient atténuer ses effets ? 

Rémi Bourgeot : S’il ne bénéficie pas explicitement aux pays les plus affaiblis par un effet de transfert, l’intérêt de ce programme sera surtout à chercher du côté symbolique. Par ailleurs, même si l’effet de transfert s’avérait prononcé, il faudrait garder à l’esprit la nécessité d’une relance bien plus massive à l’échelle nationale. A cette fin, la réflexion doit s’orienter vers des mécanismes permettant de relancer massivement tout en limitant l’envolée de la dette. Alors que la petite musique de type « pas d’argent magique » a pris son essor en France depuis quelques semaines par manque de perspective monétaire et historique, gardons à l’esprit que renoncer à suffisamment relancer une économie en effondrement ne permet pas d’éviter cette envolée du ratio de dette sur PIB mais l’accentue plutôt au final. On voit pour l’heure dans la plupart des pays touchés les banques centrales financer plus ou moins indirectement l’effort public. Lorsque cela se fait au moyen de rachats de dette sur le marché secondaire, cela permet bien de financer indirectement le Trésor, mais en conduisant au gonflement de nouvelles bulles financières. La dynamique actuelle des marchés d’actions a ainsi quelque chose d’irréel. L’architecture de la zone euro rend indépassable le recours au marché pour que la BCE finance indirectement les Etats, et interdit pour l’heure le recours à la « monnaie hélicoptère », c’est-à-dire l’allocation monétaire directe de la banque centrale aux agents économiques. Cette pratique serait pourtant rendue évidente par l’introduction progressive d’une monnaie digitale de banque centrale, monnaie qui représenterait une créance directe des agents économiques sur la banque centrale, tout comme l’argent liquide aujourd’hui. De plus, la fonction de création monétaire passerait progressivement des banques commerciales à la banque centrale, mettant fin, pas à pas, à l’insoutenable système des réserves fractionnaires.

Sylvain Kahn : Avant d’en arriver là, il y a une étape qui peut prendre plus ou moins de temps : la délibération menant à l’adoption du plan. L’Europe est une société pluraliste. Elle est tissée par des débats et des oppositions sur les préférences collectives, entre représentations, groupes et intérêts variés qui s’affrontent ou se confrontent sur la vision de l’intérêt général et des politiques publiques. Les différentes familles politiques confronteront des visions différentes de la mise en place de cette endettement mutualisé ; certaines commenceront par le refuser, et seront probablement minoritaires au sein du Parlement européen. Mais toutes pèseront sur le compromis final. Le processus sera du même ordre au sein de la communauté des Etats. La société civile européenne, dans toutes ses composantes diverses, convergentes et antagonistes, pèsera aussi. Au final, pour certains, les effets seront trop modestes et pour d’autres trop importants. C’est pourquoi, à ce stade, la réponse à votre question me paraît être : l’effet de ce plan sera maximal dès lors que sa concrétisation sera le fruit d’un processus démocratique de délibération collective au sein de la société européenne et de ses institutions.

Eric Verhaeghe : Les éléments d'atténuation sont ceux que nous connaissons déjà dans les aides européennes, la complexité des circuits de décision et d'attribution qui explique que parfois l'argent disponible ne soit pas versé. Ce cas de figure se vérifie lorsque les critères d'attribution sont nombreux et compliqués. Il n'est pas impossible que ce cas de figure se présente s'agissant du plan européen. Répétons-le, le mécanisme annoncé ne prévoit pas que l'argent soit versé aux États, mais plutôt qu'il soit versé à des projets. Qui plus est, il sera apporté par des emprunts européens dont la règle n'est pas encore claire. Toutes ces complications peuvent sérieusement freiner les opérations. 

Mais surtout, l'enjeu est de savoir si ce plan à 500 milliards est une one shot d'affichage, ou s'il amorce une pompe politique durable. Pour l'instant il est trop tôt pour le dire. Mais on verra assez vite si ce plan exprime une véritable envie d'Europe politique, où s'il s'agit juste d'un affichage de plus. Dans ce cas-là, on pourrait se faire du souci pour l'Europe.

Pour retrouver l'analyse de Jean-Yves Archer sur le plan de relance proposé par Emmanuel Macron et Angela Merkel, cliquez ICI

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