L'étude qui montre comment l'homme fait partie des espèces les plus violentes envers elles-mêmes<!-- --> | Atlantico.fr
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Une espèce - et notamment dans ce cas l'espèce humaine - placée dans la chaîne évolutive au plus près d'espèces violentes est fortement susceptible de présenter elle-même un comportement violent et notamment entre membres de la même espèce.
Une espèce - et notamment dans ce cas l'espèce humaine - placée dans la chaîne évolutive au plus près d'espèces violentes est fortement susceptible de présenter elle-même un comportement violent et notamment entre membres de la même espèce.
©Reuters

Etat de nature

2% : c'est le taux de décès chez les êtres humains causés par un autre être humain. Tel est l'un des résultats issus d'une récente étude dirigée par José Maria Gomez Reyes, visant à expliquer les causes de la violence chez les êtres humains, et à l'approche plutôt originale : la comparaison de ces comportements de violence entre humains avec ceux d'autres espèces animales.

José Maria Gomez Reyes

José Maria Gomez Reyes

José Maria Gomez Reyes est professeur à l'Université de Grenade. Ses travaux portent notamment sur les conséquences évolutives liées aux interactions entre espèces animales et végétales. 

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Atlantico : Afin d'expliquer et de déterminer les causes de la violence chez les êtres humains, vous avez réalisé une étude (voir ici) dans laquelle vous comparez les comportements violents chez les humains à ceux observés parmi les autres espèces animales. Dans quelle mesure notre place dans la chaîne de l'évolution impacte-t-elle notre propension à la violence ? 

José Maria Gomez Reyes : L'une des principales découvertes de cette étude réside dans le fait que notre histoire évolutive constitue un élément fondamental pour expliquer la violence chez les êtres humains. Par conséquent, et pour répondre à votre question, je dirais qu'il est impossible de ne pas tenir compte de notre contexte évolutif. Notre étude a permis de montrer que le niveau de violence des premières sociétés humaines pouvait s'expliquer par leur position dans la chaîne des mammifères. Cela revient à dire qu'une espèce - et notamment dans ce cas l'espèce humaine - placée dans la chaîne évolutive au plus près d'espèces violentes est fortement susceptible de présenter elle-même un comportement violent, et notamment entre membres de la même espèce. L'inverse est également valable dans le cadre des observations faites au cours de cette étude. Dans une certaine mesure donc, ce que nous sommes dépend de notre histoire évolutive. 

Votre étude révèle notamment que 2% des décès chez les humains sont causés par un autre être humain. Quelles sont les autres espèces qui, dans des proportions similaires ou plus élevées, tuent également des membres de leur propre espèce ? 

Nous avons effectivement constater que ce phénomène se retrouve également chez d'autres espèces animales, et tout particulièrement chez les mammifères.Les suricates sont les mammiifères chez qui l'on trouve le plus de cas de morts causées par des membres de la même espèce. On peut citer également les lions, les loups, les heperstidés, les marmottes, etc. Même certaines espèces considérées par certains comme "pacifiques" présentent des comportements de violences mortelles entre membres de la même espèce, à l'instar des chevaux par exemple. 

Comment expliquez-vous l'une de vos principales observations, à savoir que cette violence entre membres d'une même espèce, qui conduit à la mort, est largement répandue chez les mammifères tout particulièrement ? 

On ne peut pas expliquer ce phénomène par une seule et même cause dans la mesure où nous avons pu constater, au cours de cette étude, qu'il pouvait exister plusieurs explications à ce phénomène. Par exemple, l'infanticide peut être interprété chez certaines espèces, et dans des conditions spécifiques, comme un moyen d'adaptation pour les mâles (mais aussi pour les femmes). Dans d'autres cas, les morts causées par un membre de la même espèce peuvent être la conséquence d'autres moyens d'adaptation comme la compétition entre mâles pour une femelle. D'une manière générale, on pourrait affirmer qu'il existe de nombreuses situations pouvant générer du conflit entre membres d'une même espèce et que ces situations peuvent, parfois, mener jusqu'à la mort. 

Comment le processus évolutif entre et au sein même des espèces participe-t-il à ce comportement de violence ?

Nos résultats indiquent que des espèces proches dans la chaîne évolutive sont susceptibles de présenter le même dégré de violence dans leur comportement, et notamment entre membres de la même espèce. Ceci est l'un des principaux aspects de l'évolution : certaines caractéristiques sont préversées au cours de l'évolution d'une espèce à l'autre. ll peut y avoir, bien sûr, des exceptions notables, comme dans le cas des bonobos par exemple, une espèce incroyablement "pacifique" pour un primate. 

De quelle manière certaines caractéristiques, comme la sociabilité et la territorialité, peuvent-elles avoir une influence sur cette propension à la violence observée chez certaines espèces, et notamment chez les êtres humains ? 

On a pu constaté que les espèces chez lesquelles on retrouve ces deux caractéristiques sont celles chez qui l'on retrouve le plus haut niveau de violence entre membres de la même espèce. Encore une fois, il existe des exceptions mais la tendance est là. Nous sommes convaincus que la sociabilité et la territorialité augmentent les possibilités de conflits entre congénères qui peuvent, dans certains cas, aller jusqu'à la mort. 

L'histoire de l'humanité fait état de différents niveaux de violence suivant les époques. Par quels moyens les êtres humains peuvent-ils avoir une influence sur leurs comportements violents ? 

Nous pouvons déduire de notre étude que la sociabilité et la territorialité favorisent les comportements violents entre membres de la même espèce, mais que l'organisation socio-politique peut également avoir une influence dans ce type de comportement, dans un sens ou dans l'autre. Notre étude insiste sur le fait qu'il existe des moyens de régler les conflits de manière pacifique et non pas uniquement par la violence, même s'il n'existe pas de recette miracle pour cela. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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