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L’État devrait-il 
se mettre au régime low cost ?
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Réforme

Peu abordée dans cette campagne présidentielle, la réforme de l'administration française semble pourtant une nécessité en période de crise. Mais comment faire pour réduire les coûts tout en assurant les services régaliens nécessaires aux citoyens ?

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Une administration low cost ? Vous n'y pensez pas ? Et pourtant, n'y a t-il pas à simplifier dans le mille feuille politique et administratif français ? Je n'ignore pas le poids des mots dans l'imaginaire collectif français : low cost = régression sociale = piètre qualité = insécurité. Si les mots ont un sens, rendons le leur. Le modèle low cost s'est d'abord bâti sur la simplicité de l'offre. On propose au marché une réponse claire à un besoin identifié et rien d'autre. Le low cost répond à la valeur d'usage. Et que nous disent les Français quand ils sont interrogés sur les services publics ou sur l'administration ? Ils répondent lourdeur, complexité, formalisme.

La France est un des pays de l'OCDE dans lequel les dépenses de la sphère publique sont parmi les plus lourdes. Chaque année, 56% de la richesse créée, 56% de notre PIB sont consacrés à des dépenses publiques. Il n'est pas question de réduire la qualité des services ou d'abandonner le statut des agents des services publics mais de réinterroger un modèle qui coute cher. Si l'expression low cost ne convient pas, parlons d'une sphère publique best cost ou fair cost.

Le premier levier sur lequel agir est celui de la loi. Le 2 février dernier, à Longjumeau dans l'Essonne, le président de la République dénonçait à juste titre enchevêtrement de lois, de règles, de normes qui prévalent dans le secteur du logement. Personne n'y comprend plus rien expliquait-il en substance, en particulier les élus locaux qui sont en charge des PLU et des permis de construire. Du coup, déclarait Nicolas Sarkozy « il faut voir dans nos communes, les spécialistes qu'on doit embaucher pour faire appliquer un plan d'occupation des sols qui est d'une complexité extravagante». Dans un secteur aussi stratégique que le logement (il manque au bas mot 1 million de logements en France) une vision best cost du marché viserait à créer un seul ministère pour le Logement, l'Urbanisme, et l'Aménagement du territoire ; à réaliser un inventaire des règles en vigueur pour les simplifier ou les amender et à sanctuariser les mesures votées au parlement pour laisser une chance aux choix politiques de la représentation nationale.

Les entreprises low cost du marché se sont en général développées sur la promesse d'une offre alternative, additionnelle à celle des entreprises historiques. Tous les modèles vieillissent et se complexifient. En se complexifiant, ils renchérissent leurs coûts de production et augmentent leurs prix. Notre vieux pays jacobin, dopé à la décentralisation n'échappe pas à la règle. Certes, la France n'est pas une entreprise, mais elle n'en est pas moins éligible aux règles de bonne gouvernance. Une France best cost viserait à simplifier ses structures «de commandement». L'Etat central a gardé ses effectifs alors même qu'il déconcentrait une partie de ses compétences. La fonction publique territoriale s'est développée pour répondre à ses nouvelles prérogatives. Depuis Napoléon Bonaparte, nous n'avons supprimé aucun échelon politique, nous en avons ajouté. Entre l'Etat, les Régions, les départements, les communautés de commune ou d'agglomération et les municipalités, nous sommes le pays le plus administré d'Europe. Pire, dans les communes, 36 000 en France, soit autant que dans tout le reste de l'Europe, nous avons créé de nouveaux emplois sans qu'aucune compétence de l'Etat n'ai été transférée à l'échelon local! Quand il s'agit de l'utilisation de l'argent public, l'idéal n'est jamais atteint quand il y a quelque chose à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher. Nous en sommes malheureusement loin.

J'ai bien conscience que cette idée d'une sphère publique best cost est une transgression politique dans un pays qui a construit son histoire sur l'hypertrophie de l'Etat et sur son poids dans notre économie. Les bonnes intentions de départ ont pourtant, pour partie, tourné court. Prenons le cas de l’hôpital public : un grand professeur de médecine parisien avoue qu'il passe la moitié de son temps « à remplir des papiers, et l'autre à faire de la médecine». On ne dira jamais assez que la complexité se paye, comme se paye le principe de précaution censé fonctionner comme une assurance tout risque. De très grandes entreprises publiques ont cependant ouvert une brèche. La SNCF, symbole parmi d'autres des grandes entreprises publiques françaises a créé une filiale « low cost » avec iDTGV. Produit simplifié et standardisé, réservations désintermédiées, le service iDTGV est un incontestable succès commercial et opérationnel.

La France souffre d'avoir industrialisé la complexité pour en faire une philosophie de gouvernance. De très nombreux actes de la vie publique pourraient être réalisés par une e-administration. L'exemple des déclarations fiscales sur Internet est un premier pas réussi. Il faut inventorier toutes les procédures qui pourraient être simplifiées et désincarnées. Dans le même esprit, la perspective d'un guichet unique évoquée cette année par la commission sur la Révision générale des politiques publiques offre de nouvelles ressources et apporterait de la flexibilité et de l'efficacité.

Les périodes pré-électorales sont en général propices aux promesses politiques. Certains candidats annoncent qu'ils simplifieront la gouvernance ministérielle de l'Etat. Soit, prenons en acte. Un seul exemple suffira à montrer qu'il faut tailler dans le mammouth. Il y a une génération, la France comptait plus d'un million d'agriculteurs. Il en reste aujourd'hui la moitié. Pourtant, les effectifs du ministère de l'Agriculture et ceux des DDA (direction départementale de l'agriculture) n'ont pratiquement pas varié! Il faudra à un moment ou à un autre se poser la question de nos dépenses sans diminuer la qualité du service au public. Quelques une des recettes du modèle low cost seront alors fort utiles. 

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