Et si Obama avait enfin trouvé la bonne méthode pour sanctionner la Corée du Nord… en passant par la Chine<!-- --> | Atlantico.fr
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L'action contre la société Dandong Hongxiang est la première que l'administration Obama entreprend pour sanctionner une entreprise chinoise pour ses relations avec le programme d'armement nucléaire de la Corée du Nord.
L'action contre la société Dandong Hongxiang est la première que l'administration Obama entreprend pour sanctionner une entreprise chinoise pour ses relations avec le programme d'armement nucléaire de la Corée du Nord.
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THE DAILY BEAST

Si Washington peut obtenir une vraie coopération de Pékin, même à contre-coeur, cela pourrait permettre de tenir l'arsenal nucléaire de Pyongyang sous contrôle.

Gordon G. Chang

Gordon G. Chang

Gordon G. Chang est journaliste pour The Daily Beast.

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The Daily Beast - Gordon G. Chang

L'administration Obama a peut-être trouvé un moyen de contenir la Corée du Nord.

Quasiment tout le monde s'accorde pour dire que les sanctions ne fonctionnent pas. C'est excessif. Les sanctions n’ont pas fonctionné simplement parce qu'elles ne sont pas appliquées. Maintenant, Washington semble prendre les choses au sérieux.

A la fin du mois de septembre, deux agences américaines se sont attaquées à un ''briseur accidentel d’embargo'' chinois et Pékin en a pris bonne note.

Plus précisément, le 26 septembre, le Treasury Department’s Office of Foreign Assets Control(Département du Trésor chargé du contrôle des actifs étrangers) a ajouté Madame Ma Xiaohong, trois de ses associés, et sa société, Dandong Hongxiang Industrial Development Co. Ltd., à sa liste de "Specially Designated Nationals" (Ressortissants spécialement désignés). Ce faisant, le Trésor américain a imposé des sanctions à ces parties pour leurs liens avec la Corée du Nord. 

L'action contre Dandong Hongxiang est la première que l'administration Obama entreprend pour sanctionner une entreprise chinoise pour ses relations avec le programme d'armement nucléaire de la Corée du Nord.

Le communiqué du Trésor ne donne aucune explication à l’appui de cette décision, mais Joshua Stanton, spécialiste de la Corée du Nord, dit au Daily Beast que la seule raison motivant cette mesure est l’aide qu’ils ont apportée à une banque de la Corée du Nord, Kwangson Banking Corp, elle-même sous sanctions, pour blanchir des capitaux.

Le même jour, le ministère de la Justice américain a annoncé la publication des actes d'accusation concernant ces quatre mêmes personnes et la société Hongxiang pour divers délits, y compris celui d‘avoir "conspiré pour échapper aux sanctions économiques américaines et violer les Weapons of Mass Destruction Proliferators Sanctions Regulations (règles des sanctions pour la prolifération des armes de destruction massive) par le biais de sociétés écrans". Les actes d'accusation évoquent un blanchiment d'argent de Pyongyang via le système financier américain.

Le ministère de la Justice a également lancé une procédure de saisie pour récupérer l'argent déposé dans 25 comptes bancaires chinois. Les sanctions américaines interviennent après le voyage à Pékin de deux procureurs américains qui ont été exposés leurs griefs contre la société Hongxiang, Mme Ma et ses trois associés. Depuis lors, la Chine a coopéré, par exemple en commençant sa propre enquête policière sur ce qu'elle appelle des ''crimes économiques graves''. Les autorités chinoises ont également détenu Mme Ma et empêché les prévenus de quitter le pays.

Pékin a pourtant fait preuve d'un manque évident d'enthousiasme pour poursuivre les coupables identifiés par Washington. Et surtout, le ministère chinois des Affaires étrangères a immédiatement critiqué l'acte d'accusation et les sanctions américaines. Le porte-parole du ministère, Geng Shuang, a déclaré lors d’une conférence de presse : "Nous sommes fermement opposés à ce qu’un pays essaie d’appliquer ses lois nationales à des entreprises et à des ressortissants chinois".

"C'est gonflé", dit Joshua Stanton, l'expert américain du siteOne Free Korea. "La Chine revendique en substance un droit unilatéral d'abuser de notre système financier, de menacer notre sécurité, de violer nos lois et les résolutions de l'Onu".

Comme Joshua Stanton le souligne, ceux qui vendent des matériaux et des composants de programmes militaires à Pyongyang demandent à être payés en dollars. Toutes les transactions qui transitent dans le système financier sont libellées en dollars américains. Cela signifie que le gouvernement américain ''a le droit et le devoir de veiller à ce que son système financier ne soit pas utilisé à mauvais escient".

Pékin ne devrait pas trop se plaindre car, même depuis cette récente initiative, l'administration Obama a toléré un comportement particulièrement grave de la part de la Chine. Par exemple, le communiqué de presse du ministère de la Justice annonçant les saisies de comptes de la banque chinoise dit : ''Il n'y a aucune mention d'actes répréhensibles de la part des banques correspondantes américaines ou des banques étrangères qui gèrent ces comptes".

Le Wall Street Journala noté dans un éditorial du 29 septembre que cela semble signifier que les banques chinoises "sont intouchables".

Ces banques ont longtemps été profondément impliquées dans la gestion des fonds du commerce illicite avec la Corée du Nord. Mais récemment, elles ont commencé à couper ces liens en prévision des mesures américaines.

La Bank of China, la China Merchants Bank et la Bank of Dandong ont cessé de faire des affaires avec les Nord-Coréens. En outre, l’Industrial and Commercial Bank of China, la plus grande institution financière chinoise, aurait gelé les comptes de clients nord-coréens à Dandong, la plaque tournante du commerce chinois avec la Corée du Nord, de l’autre côté du fleuve Yalu dans le Nord.

Il faudrait poursuivre beaucoup plus d'entreprises chinoises. L'activité de Ma Xiaohong est considérée comme une petite affaire. Le South China Morning Post la qualifie de "briseuse accidentelle d'embargo" parce qu'elle aurait été amenée à aider les Coréens du Nord ''contre sa volonté".

Selon une "source" qui a parlé à ce journal de Hong Kong, elle a perdu une créance 30 millions de dollars. "Quand Ma Xiaohong s'est faite pressante au sujet de cette dette, les Nord-Coréens lui ont proposé d’importer, pour eux, des produits chimiques comme l'oxyde d'aluminium", selon une source non identifiée qui a parlé au journal, très proche des autorités de Pékin. L'oxyde d'aluminium est utilisé dans le traitement des combustibles pour les appareils nucléaires.

L'entreprise de Ma Xiaohong n’est pas la seule à avoir vendu des matériaux et des composants pour le programme d'armement nucléaire de Pyongyang. David Albright de l’Institute for Science and International Security a déclaré cet été que des cylindres d'hexafluorure d'uranium, des pompes à vide et des vannes ont franchi la frontière chinoise en direction de la Corée du Nord.

Et le commerce des armes pourrait inclure des éléments plus importants. Bruce Bechtol de l’Angelo State University a évoqué la possibilité que le missile lancé par un sous-marin nord-coréen le 24 août dernier soit une déclinaison du missile chinois JL-1.

"Si l'on examine les photos du JL-1 et que l'on les compare au 'nouveau' missile balistique nord-coréen lancé par un sous-marin, les deux se ressemblent beaucoup", dit-il au Daily Beast. "En outre, sur la base des données dont nous disposons sur les essais nord-coréens, les spécifications semblent être très similaires". Et comme il le souligne, les techniciens de Pyongyang "ne disposent pas de la technologie pour développer un missile à carburant solide à deux étages".

La Corée du Nord se serait procurée le missile directement auprès d'un fabricant chinois, ou via des intermédiaires chinois, ou via un pays tiers qui l’a obtenu de la Chine. Il est très improbable que les techniciens de Kim Jong-Un aient construit un missile de ce genre par leurs propres moyens.

Comme Charles Burton de la Brock University me l'a dit la semaine dernière, Pékin, en soutenant la prolifération - ou au moins en lui permettant de continuer - "semble créer une crise dans la péninsule coréenne, en renouvelant son soutien à la République populaire démocratique de Corée alors qu’elle s‘approche de plus en plus du développement d'armes nucléaires qui constituent une menace crédible pour le continent nord-américain".

Kim Jong-Un pourra peut-être dans trois ans développer la capacité de tirer un missile sur 48 Etats américains. Il a deux lanceurs qui peuvent y parvenir, le Taepodong-2 et le KN-08/KN-14, et il ne lui manque plus que l'ogive. Ses techniciens ont déjà un équipement nucléaire pour leurs lanceurs à plus courte portée, comme le Nodong, il n’est donc peut-être pas loin de pouvoir ''réduire en cendres'' la ville américaine de son choix.

De toute évidence, il est urgent pour Washington d'agir d'une manière qui pousse les Chinois à prendre des mesures. Les sanctions du 26 septembre, les actes d'accusation et les saisies sont un bon début, mais ils ne suffisent pas en eux-mêmes. Comme Andrew Scobell de la RAND me l'a dit, c’est ''un message envoyé à la Chine qu’elle doit faire beaucoup plus''.

Il est déjà très tard, Washington doit faire plus que simplement envoyer des messages codés. Les États-Unis doivent surmonter ce que Scobell appelle à juste titre "l'inertie politique chinoise".

Cette inertie existe aussi dans les milieux politiques américains. A Washington, certains sont réticents à l'idée de dénoncer la complicité du système politique chinois au plus haut niveau, même face aux preuves qui ont motivé les sanctions récentes.

Par exemple, le commerce sino-coréen, qui avait diminué après l'adoption de sanctions de l'Onu début mars, a maintenant retrouvé son niveau habituel d’avant les sanctions. En outre, les navires nord-coréens reviennent aussi régulièrement pour charger et décharger dans les ports chinois. Pékin permet également à des produits de luxe - que le régime nord-coréen utilise pour récompenser ses fidèles et qui sont sous embargo - de traverser la frontière sans entrave.

Washington ne manque pas de moyens pour pousser la Chine à agir dans la bonne direction. Bob Corker, président de la commission sénatoriale des affaires étrangères, note que l'administration américaine "a à peine commencé à utiliser la panoplie d’outils qui est à sa disposition".

La semaine dernière, un haut fonctionnaire du Département d'Etat, Daniel Fried, a déclaré à l'un des sous-comités sénatoriaux que l'administration va s’en prendre à d'autres entreprises chinoises. C'est bien, mais c’est à peine suffisant. L'administration Obama a besoin d'être prête à décrypter les véritables intentions chinoises et à faire passer la sécurité des Etats-Unis avant la susceptibilité de Pékin.

Après tout, si une ville des États-Unis se trouve réduite à un tas de décombres radioactifs après avoir été frappée par une bombe nucléaire nord-coréenne, aucun président américain n’osera dire "j'’aurais pu éviter, ça, mais je ne voulais pas contrarier les Chinois".

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