Et si nos factures EDF étaient trop bon marché… Ce que paient nos voisins espagnols, britanniques ou allemands<!-- --> | Atlantico.fr
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Ségolène Royal vient de renoncer à l'augmentation de 5% du prix de l'électricité.
Ségolène Royal vient de renoncer à l'augmentation de 5% du prix de l'électricité.
©Reuters

Eclair de lucidité

Ségolène Royal vient de renoncer à l'augmentation de 5% du prix de l'électricité. Pourtant, la France devra faire face dans les années à venir à des investissements colossaux pour conserver sa production ou simplement maintenir la sécurité de ses réacteurs.

Jean-Jacques Nieuviaert

Jean-Jacques Nieuviaert

Jean-Jacques Nieuviaert est docteur en économie. Conseiller en économie de marché à l'Union française de l'électricité, il dirige également le département Innovation de la direction SI d'EDF, ainsi que le département pricing de la direction Commerce d'EDF.

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Atlantico : Quels sont les tarifs d'électricité de nos voisins allemands, britannique et espagnols ?

Jean-Jacques Nieuviaert : Si vous prenez ces trois pays, auquel je rajouterai l'Espagne, leurs niveaux de prix au détail sont supérieurs à celui de la France, que ce soit pour les ménages ou pour les entreprises.  L'écart le plus grand se trouve en comparant la France et l'Allemagne, où il passe du simple au double, et la tendance va en s'accroissant. Le prix de l'éléctricité en France est en moyenne de 150 euros du mégawattheur, et l'Allemagne est à 290 euros, avec une perspective de 330 euros pour 2014. Les Anglais quant à eux sont assez proches de nous, avec un tarif qui tourne autour de 170 euros pour le même volume d'électricité, là où l'Espagne fait payer 225 euros à ses habitants.

Comment expliquer cette différence de prix ?

L'explication tient essentiellement dans le fait que les autres pays fonctionnent avec des prix libérés, c'est à dire que ce sont des contrats liant le fournisseur avec les clients, tandis qu'en France, 90 à 95% sont au "tarif", défini par l'Etat. Pour autant, il serait un peu simpliste de penser que cette différence n'est due qu'au fait que les fournisseurs d'électricité privés font automatiquement monter les prix. Bien sûr, ces derniers doivent répondre à une réalité économique en rentabilisant leurs investissements, mais la réalité en France est plus difficile : c'est au législateur de décider des prix, avec toutes les répercutions qu'une augmentation peut entraîner.

Quel risque y a-t-il aujourd'hui dans le fait que l'électricité en France soit vendu à perte ?

Nous pouvons regarder le cas de l'Espagne, où comme en France, le tarif n'est pas à la hauteur du coût de production. L'Etat, bien conscient de l'écart économique, a émis des titres financiers liés au manque à gagner, c'est à dire de sa dette. Elle est aujourd'hui de l'ordre de 35 à 40 milliards d'euros. En France, cet écart n'est pas aussi monstrueux, l'Espagne s'étant engagée massivement dans le développement des énergies renouvelables, ce qui a été repercuté sur les prix. De plus la situation économique en Espagne a considérablement fait baisser la consommation d'électricité, notamment dans l'industrie. C'est ce faisceau de cause qui a provoqué le tarif espagnol.

Ce qui constitue le danger est effectivement la démarche de ne pas vouloir faire payer les coûts. Il est absolument clair qu'à terme cette différence devra être réglée, faute de quoi, ou les entreprises d'électricité françaises feront faillite, ou ce sont les infrastructures qui ne seront plus suffisamment rénovées.

Pourquoi le tarif de l'électricité est-il aussi bas en France ? Jouissons-nous des investissements dans le nucléaire qui aujourd'hui sont amortis ?

Ce raisonnement est profondément effrayant. La population en a déjà bénéficié pendant 15 ans, entre 1985 et 2000 quand le tarif a baissé (en euros courant) de 30%. Pourtant, on a demandé depuis l'accident de Fukushima d'augmenter encore les processus sécuritaires en cas de catastrophe naturelle, ce qui a nécessité de nouveaux investissements. Or tout cela coûte très cher ! L'hypothèse de l'équipement amorti prouve par définition qu'il faut commencer à prévoir les coûts suivants.

La durée de vie de nos 58 centrales s'étale entre 2017 et 2042, et nous aurons donc en moyenne deux réacteurs à traiter par an jusqu'à cette date. Ou on décide de les remplacer par des sources d'électricité renouvelable, ou on allonge leur durée de vie, et tout cela a encore une fois un coût élevé. La Cour des comptes a évoqué récemment que pour que l'ensemble du niveau de sécurité actuel, il faudrait investir 110 milliards d'euros, maintenance lourde comprise, et que pour alonger la durée de vie des réacteurs de 40 ans, il faudrait rajouter 60 milliards. Si l'on remplacait toutes les centrales par des équipements renouvelables, on n'économiserait pas pour autant, du fait des investissements conséquents.

Faute de moyens, l'importation d'électricité serait-elle envisageable pour éviter ces investissements pourtant nécessaires ?

Encore faudrait-il que la suppléance extérieure existe, et qu'elle puisse être transmise. Contrairement au gaz et au pétrole, l'électricité présente des aspects beaucoup plus contraignants de transfert. Cela nécessite des interconnexions, qui ne pourraient acheminer aujourd'hui que 10% de notre consommation courante. D'autre part, c'est aujourd'hui la France qui exporte, notamment vers l'Italie.

Finalement, ne ferions-nous pas mieux de revoir notre politique de tarif, et de redonner une marge de manoeuvre aux acteurs français de l'électricité ?

En moyenne, les Français consomment 5 mégawatteurs, soit 750 euros par an d'électricité. Mais une augmentation du prix pourrait mettre en péril les populations précaires, et mon avis est qu'il ne faudrait pas augmenter le tarif pour toutes les populations, seulement pour celles qui pourraient la payer.

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