Et si Mario Draghi était candidat à la succession d'Ursula von der Leyen...<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi.
Mario Draghi.
©Joe Klamar / AFP

Atlantico Business

En écoutant Mario Draghi dessiner le projet d’une politique économique qui pourrait renforcer la compétitivité de l'Union européenne sans provoquer la colère les Européens, beaucoup se sont dit qu’il ferait un bon successeur à l'actuelle présidente.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En avant-première de son rapport sur la compétitivité européenne, qu'il doit remettre en juin à Bruxelles, l'ancien président de la BCE, devant un panel d’économistes internationaux et d'hommes d’affaires, a dressé le plan d’une politique économique capable de renforcer l'Union européenne sans pour autant heurter les populations. Faut dire que Mario Draghi avait choisi Washington pour donner son analyse , histoire de ne pas donner l’impression d’intervenir dans la campagne électorale pour les européennes . Personne n’était dupe . Parce qu’en fait , il propose  de faire ce que l'actuelle présidente n'a jamais osé faire.

Comme Mario Draghi a du charisme et qu'il a la réputation d'avoir sauvé l’euro avec les taux négatifs au moment du Covid, il est respecté par la majorité des dirigeants du monde entier et il a en plus , la faiblesse d'avoir été président du Conseil italien jusqu'en 2022, et surtout, ce qui est moins connu, d'avoir aidé l'actuelle cheffe du gouvernement italien à sortir de la démagogie de l'extrême droite.

Avec un tel CV, beaucoup ne le voient pas partir à la retraite au bord du lac de Côme, mais plutôt reprendre du service à la tête de l'Union européenne. Il vient donc de dévoiler à Washington son plan de redressement de l’Union européenne qui a une autre force et une autre cohérence que tout ce que Ursula von der Leyen laissera dans son bilan. De là à penser qu’il pourrait briguer son poste, il n’y a qu’un pas. Au moins, personne ne l’accusera de pécher par excès d’ego ou d’ambition.

Dans toutes les capitales occidentales, on considère aujourd hui que son discours est important. D’abord, Mario Draghi part d’un diagnostic qui ne plaira pas à tout le monde mais qui correspond à la réalité : pour l'ancien patron de la banque centrale, nos difficultés tiennent en trois points :

Premièrement, la mondialisation a provoqué une augmentation des inégalités dans les pays développés en créant notamment un chômage structurel par des délocalisations excessives.

Deuxièmement, le Covid (et les confinements) ont mis en évidence les risques de ruptures d’approvisionnement et la nécessité de restaurer des facteurs de souveraineté, d’autant que la guerre en Ukraine a créé en Europe une crise de l'énergie.

Troisièmement, les pressions écologiques vont obliger les États à modifier les choix d’investissement. Pendant très longtemps depuis l’ouverture de la mondialisation, les économies ont été impactées par des chocs de la demande. Il fallait répondre à la demande et ce sont les banques centrales qui sont intervenues pour ramener le calme après les grandes crises financières. Il fallait apporter aux économies les liquidités pour éviter la mort lente ou les faillites.

Au lendemain de la crise du Covid, il a fallu affronter des chocs d’offre. La demande réelle était très forte, l'offre était contrainte dans le monde entier. Les prix de l’énergie ont explosé et les usines chinoises sont tombées en panne. Pour Mario Draghi, les banquiers centraux ont été impuissants face aux chocs d’offre, ils sont incapables de réduire rapidement les poussées inflationnistes.

C’est aux États d’intervenir pour relancer les investissements de capacité et d’innovation. C’est aux États d’intervenir pour financer la transition énergétique. C’est aux États d'étouffer par des subventions les excès de prix sur les produits incontournables (énergie et biens alimentaires). Dans un tel contexte, Mario Draghi n'hésite pas à critiquer la politique allemande qui a toujours eu tendance à jouer les exportations (vers l'Asie), alors qu'il aurait fallu satisfaire la demande intérieure (la demande allemande mais aussi la demande française ou italienne). Mario Draghi ne s’étonne pas dans ces conditions que l’Union européenne soit inscrite dans une trajectoire de croissance très molle pour 2024, avec un endettement très lourd, sauf en Allemagne qui n'a pas contribué à la recherche d’un nouvel équilibre et qui a maintenu des règles budgétaires très strictes au niveau européen sans pour autant investir, puisque l’Allemagne est allergique à l’endettement.

En fait, on comprend que si l’Union européenne avait mieux partagé (ou mutualisé) sa dette, l’Europe ne serait pas au bord de la récession. C’est d’autant plus inquiétant que les Américains ont tout fait depuis deux ans pour augmenter leur attractivité et attirer les idées et les projets européens.

Moralité, il faut mettre la BCE en vacances sur les taux bas, et doper les politiques budgétaires pour financer des investissements de compétitivité. On sent bien que derrière tout cela, l'Union européenne aurait intérêt à se coordonner pour lancer des plans d’investissement capables de concurrencer ce que font les Américains. Le choc d’offre ne peut être piloté que par les politiques budgétaires. Mario Draghi ne le dit pas, mais il le pense, le blocage est surtout allemand... Donc, inutile de se faire trop d’illusions... Madame Ursula von der Leyen ne s’écartera jamais très loin de la ligne tracée par Berlin.

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