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Et si le Rassemblement National était en train de faire un bien mauvais coup à l’euro en renonçant à exiger que nous en sortions ?
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Marine le peine

Selon le Figaro, Marine Le Pen aurait décidé de renoncer à faire figurer "la sortie de l'euro" dans son programme.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico: Selon le Figaro, la présidente du Rassemblement national aurait assuré "que la sortie de l'euro était totalement abandonnée. Mais qu'on n'était pas, pour autant, obligé d'accepter que la Banque centrale européenne s'obstine à lutter contre l'inflation. Qu'il fallait recadrer ses missions sur la lutte contre le chômage". Paradoxalement, ne peut pas voir cet abandon programmatique comme une mauvaise nouvelle pour l'euro ?

Nicolas Goetzmann: D'évidence, l'abandon de la sortie de l'euro correspond au bilan de l'année électorale 2017 pour le RN, découlant à la fois du manque de crédibilité de Marine Le Pen pendant le débat, mais aussi du caractère rédhibitoire, pour une majorité de Français, de la remise en question de la monnaie unique. Par contre, on peut s'étonner que l'AfD allemand dont le positionnement politique est proche du RN, est justement en train de travailler sur le "Dexit", c’est-à-dire sur une sortie à terme de l'Allemagne de la zone euro.

Concernant l'alternative proposée, c’est-à-dire celle de "recadrer la mission de la BCE sur la lutte contre le chômage", cela est difficilement contestable. Nous passons d'une proposition radicale – la sortie de l'euro - à une proposition économique qui vise finalement à appliquer en Europe le mandat monétaire des Etats-Unis, qui présente un objectif dual de maitrise de l'inflation et de plein emploi. Et effectivement, une telle mesure a un potentiel de réactivation économique qui est sans équivalent pour la zone euro. C'est en suivant cette politique que les Etats-Unis sont parvenus à atteindre leur taux de chômage le plus bas depuis 50 ans. Sur le papier, la réforme est donc difficilement attaquable. Il serait tout de même périlleux, pour tout responsable politique, de s'opposer à une proposition visant à faire du plein emploi une priorité économique en zone euro. Il n'est pas inutile de rappeler que François Bayrou a d'ailleurs fait la même proposition le mois dernier.

D'un point de vue politique, cela devient plus compliqué. Parce toute mesure proposée par le Rassemblement national a tendance à être attaquée sans limite par les autres partis, ce qui aura, pour une large part de la population, un effet de décrédibilisation de cette mesure. L'historique du Rassemblement national et le niveau de crédibilité de ses cadres sont suffisants pour remettre en cause la crédibilité d'une bonne mesure. Or, celle-ci pourrait s'avérer essentielle à une survie à terme de l'euro. Parce que la croissance trop faible de la zone euro depuis 10 ans, pur produit de cette déficience institutionnelle du mandat de la BCE, est aussi à l'origine de la crise sociale continentale que nous traversons, et donc de l'émergence des différents partis qualifiés de populistes.

Le résultat est que nous avons un schéma paradoxal ou le Rassemblement national avance une idée qui porte en elle un espoir immense pour l'Europe, c’est-à-dire une capacité de retour à la croissance et au plein emploi pour l'ensemble, mais qui risque d'être décrédibilisée par le seul fait que le Rassemblement national la propose. Mais les principaux responsables de la situation sont les partis de gouvernement, de droite et de gauche, qui n'ont pas su se saisir de cette thématique programmatique, sans se rendre compte que tout projet d'avenir du pays semble mort-né si cette question n'est pas abordée. Mais l'immense mérite de cette situation est de pouvoir soumettre cette question du mandat de la BCE au débat public. L'enjeu est donc de ne pas en faire un traitement caricatural et de s'écarter d'un jugement politique hâtif. Le changement de mandat de la BCE est décisif pour la survie de la zone euro, mais la qualité et la crédibilité de l'émetteur sont essentiels.  

Marine Le Pen aurait également indiqué : "Si nous retrouvons toutes nos souverainetés, que nous réformons la Banque centrale européenne et que l'euro reste pourtant un problème majeur, on reposera le problème sur la table ". Comment comprendre cette déclaration ?

Cela est assez logique au regard des rapports de force actuels. Une refonte du mandat de la BCE est une question à priori impossible à mettre sur la table, au regard de l'opposition forcenée que l'on peut attendre de l'Allemagne à ce sujet. Parce que cette mesure aurait pour conséquence de voir la roue tourner en Europe, et qu'elle permettrait d'apaiser la domination exercée par Berlin sur les autres membres de la zone euro. Si la France venait à proposer une telle mesure, et que Berlin apporte un véto, nous aurons alors une situation de positions irréconciliables entre Paris et Berlin, ce qui ouvrirait politiquement la voie à une fin de l'euro.

Cependant, les marges de manœuvre existent et la France dispose d'arguments pour convaincre Berlin, parce que pour l'Allemagne, une fin de l'euro serait bien plus problématique qu'un changement de mandat, qui peut, de plus, apporter une réponse aux problèmes que doit affronter le modèle allemand dans une ère du retour au protectionnisme, peu adapté au mercantilisme. 

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