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"Aujourd’hui, avec une activité économique largement dépendante d’une technologie sensible à ces perturbations, il n’est pas interdit de se demander quel serait l’impact d’un orage réellement important."
"Aujourd’hui, avec une activité économique largement dépendante d’une technologie sensible à ces perturbations, il n’est pas interdit de se demander quel serait l’impact d’un orage réellement important."
©DR

Mars attaque

Téléphones portables ou réseaux électriques : les variations de l'espace influent sur nos technologies et sur notre environnement économique.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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À la fin du mois de mai, le satellite Solar Dynamics Observatory (SDO) de la NASA a observé un énorme «trou» au sein de la couronne solaire (sorte de «haute atmosphère» de notre étoile dont la température est de 1 à 3 millions de degrés). Quelques médias se sont empressés d’annoncer que des perturbations notables toucheraient les téléphones portables ou même que les réseaux électriques seraient surchargés... En effet, de telles ouvertures de la couronne solaire laissent passer plus aisément que la normale des flux de particules chargées. Lorsqu’ils nous atteignent, ces flux provoquent des aurores polaires et interagissent avec le champ magnétique de la Terre, pouvant induire ce qu’on appelle des orages magnétiques.

Si le trou coronal de la fin mai n’avait en définitive rien de sensationnel et n’a pas eu les effets annoncés, il est vrai que l’activité de notre étoile peut avoir des conséquences sur notre civilisation aujourd’hui fortement dépendante des réseaux électriques et des systèmes de communication. L’un des exemples récents les plus spectaculaires se déroula en mars 1989. Une «colère du Soleil» du 9 mars engendra un flux de particules chargées qui atteignirent la Terre 3 jours plus tard. L’orage magnétique qui en résulta satura le réseau électrique du nord du Québec dont les mécanismes de protection se déclenchèrent les uns derrière les autres provoquant une gigantesque panne d’électricité qui dura 9 heures. Ces orages magnétiques venus du Soleil perturbent aussi les communications radio, induisent des pannes (parfois définitives) au sein des satellites, ou entrainent une chute de la précision des systèmes de positionnement par satellites (GPS), amenant des erreurs de plusieurs mètres...

Aujourd’hui, avec une activité économique largement dépendante d’une technologie sensible à ces perturbations, il n’est pas interdit de se demander quel serait l’impact d’un orage réellement important. Car pour l’instant, et même dans le cas spectaculaire de la coupure québécoise, notre monde électronique n’a pas eu à subir un événement de l’ampleur de celui de 1859, voici 154 ans. Cette année-là, une série d’éruptions solaires a entrainé la survenue d’aurores polaires qui selon certains témoins permettaient de lire un journal la nuit. Les télégraphes de l’époque furent sérieusement touchés dans leur fonctionnement, mais ils pouvaient aussi être utilisés sans alimentation, par la seule électricité induite par l’orage magnétique... Cet épisode exceptionnel, appelé parfois «événement de Carrington» du nom de l’astronome qui observa les taches solaires à l’origine du phénomène, s’il se reproduisait aujourd’hui aurait selon certains analystes des répercussions économiques considérables avec des dommages de plusieurs centaines de milliards de dollars. Les plus pessimistes soulignent la manie du flux tendu propre à l’activité commerçante moderne qui empêcherait de réparer rapidement les dégâts, amplifiant encore plus la gravité de la situation. On peut alors imaginer un scénario catastrophe que ne renierait pas un producteur hollywoodien où la surcharge des réseaux électriques aurait été telle qu’il n’y aurait pas assez de transformateurs en fabrication dans le monde pour rétablir dans un délai raisonnable une alimentation en énergie à la hauteur des exigences actuelles. Un effet en cascade s’ensuivrait avec la perte de denrée ou de produits médicaux du fait de l'arrêt des systèmes de refroidissement, la perte de données informatiques importantes dès que les solutions de secours (batteries, groupe électrogène) ne feraient plus face, un ralentissement de l'activité humaine (et donc économique) causée par des communications «à l’ancienne» du fait de la destruction partielle des infrastructures de télécommunications (satellites notamment), etc. De quoi faire vaciller une économie mondiale en crise.

On le voit, la catastrophe ne viendrait pas d’un effet direct sur les individus et leur vie comme c’est le cas lors d’ouragans ou de tornades, mais de la dégradation significative de toute l’infrastructure électrique et numérique dont nous dépendons.

Si ce danger est réel, il convient cependant de ne pas sombrer dans le pessimisme à outrance. Au fil d’épisodes d’orages magnétiques par le passé, les ingénieurs ont appris à mettre au point des contre-mesures. Les satellites d’aujourd’hui sont ainsi conçus pour être bien plus résistants, les industriels du secteur spatial répondant d’ailleurs là à une demande de leurs clients. N’oublions pas que pour les opérateurs de satellites de télécommunications, chaque minute d’interruption des signaux transmis se traduit par une perte de chiffre d'affaires !

Le problème est que, parfois, les mesures pour se protéger d’un orage magnétique induisent soit une baisse notable des performances des systèmes menacés, soit carrément un arrêt ! La solution réside donc dans la notion de météo spatiale qui a connu un essor spectaculaire depuis des années. Le but étant de voir venir l’orage magnétique afin d’enclencher à temps des procédures de sauvegarde efficaces et ainsi de minimiser l’impact d’un «caprice solaire».

Conscientes de cet état de fait, les agences spatiales, la NASA et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) notamment, ont mis sur pied des programmes continus d’étude de notre étoile afin de mieux comprendre ses mécanises. Désormais, les astronomes sont à même de détecter sur notre Soleil les signes annonciateurs d’une éruption susceptible de perturber les réseaux électriques ou les communications sur Terre. Et aujourd’hui, une dizaine de satellites ont pour seul but la surveillance de notre étoile, fournissant en temps quasi réel des données à partir desquelles on établit des «bulletins météo spatiaux». Aux États-Unis, l'administration NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) comprend ainsi un Space Weather Prediction Center (centre de prévision de la météo spatiale) et l’Europe, via l’ESA, dispose d’un Space Weather Coordination Centre (centre de coordination de la météo spatiale) à Bruxelles. Ces organismes centralisent les données pour lancer des alertes si besoin. De surcroît, nous sommes aidés par le fait que le Soleil étant à 150 millions de kilomètres de la Terre, les flux de particules chargées mettent entre une quinzaine d’heures (hypothèse la plus pessimiste) à 2-3 jours pour nous atteindre. Et là notre fragile infrastructure numérique nous donne un avantage : celui de disséminer rapidement l’information afin que les mesures de préventions soient prises.

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