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Un manifestant tient une pancarte le 14 décembre 2020 à Paris lors d'une manifestation de propriétaires d'hôtels et de restaurants ainsi que de professionnels du tourisme pour demander à leurs entreprises de rouvrir.
Un manifestant tient une pancarte le 14 décembre 2020 à Paris lors d'une manifestation de propriétaires d'hôtels et de restaurants ainsi que de professionnels du tourisme pour demander à leurs entreprises de rouvrir.
©Alain JOCARD / AFP

Restructuration de fonctionnement ?

Alors que l’industrie de la restauration semble en difficulté pour retrouver les salariés perdus depuis un an, peut-être finirons-nous par découvrir celles des entreprises françaises qui ne se sont développées qu’à la faveur d’une économie déprimée, de contrats précaires et de salaires faibles.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Alors qu’Emmanuel Macron annonçait récemment au Parisien la réouverture progressive des services de restauration et de pans entiers de l’économie qui avaient été mis en silence durant ces derniers mois, peut-on penser que cette réouverture permettra de repérer plus facilement les entreprises dont le modèle était basé sur des contrats précaires, inscrits dans un modèle économique de croissance faible, qui auront plus de mal à retrouver les mêmes conditions d’emploi qu’auparavant ?

Michel Ruimy : Une crise, c’est vivre en accéléré un phénomène habituellement beaucoup plus lent ! L’injonction, nécessaire pour endiguer l’épidémie de la Covid-19, n’a pas eu les mêmes conséquences pour tout le monde. Pour certains, cette période est vécue comme une suspension du temps, une pause quasi onirique dans le quotidien. Pour beaucoup d’autres, c’est une source d’inquiétude immense. Pour les plus chanceux, le télétravail permet de maintenir les salaires. Pour les travailleurs précaires, c’est une autre histoire.

La réouverture de certains commerces annoncée par Emmanuel Macron testera les différents scénarii envisagés. Va-t-on vers une reprise en activité pleine avec une forte charge de travail et donc un besoin important de personnels ? Va-t-on vers un redémarrage au ralenti où l’activité partielle perdure et s’échelonne sur une période plus ou moins longue ? Va-ton vers une baisse d’activité avec un redémarrage post-Covid qui ne fera pas appel à des ressources

Tout dépendra de la réponse des ménages et des entreprises. Vont-ils consommer / investir d’une part vigoureusement et d’autre part dans la durée ? Car au-delà du rattrapage vraisemblable et consécutif à la réouverture, la rentrée de septembre, sans nouveau confinement, pourrait nous apporter un flux important de faillites et de chômeurs.

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Alors que le Brexit avait pu révéler la dépendance d’une partie de l’industrie britannique à des emplois précaires notamment issus de l’immigration européenne, qui se retrouve actuellement bien en mal de réagir à la hausse des salaires induite par un manque de main d’œuvre provoqué par la Covid et le Brexit, peut-on s’attendre à une réaction similaire de certains secteurs d’activité français ?

Il convient de relativiser le phénomène britannique. Au Royaume-Uni, seule une entreprise sur dix connaît une pénurie de main-d’œuvre. Le problème est concentré sur quelques secteurs, dont l’agriculture et la restauration. Face à cette situation, le gouvernement entend notamment favoriser l’immigration de candidats pouvant travailler dans des secteurs où il y a une pénurie de main d’œuvre et restreindre celle de la main d’œuvre étrangère peu qualifiée.

Il n’en demeure pas moins que le ralentissement du flot d’immigrés européens a des effets sur la totalité de l’économie, parfois bénéfiques puisque les entreprises se tournent vers une main-d’œuvre plus âgée, dont le taux d’emploi a augmenté. Ainsi, il y a moins d’étrangers, plus d’emplois disponibles et les salaires augmentent. Mais il faut voir aussi que du fait de la baisse de la livre sterling (environ 15% depuis le référendum de 2016), le Royaume-Uni est moins attirant pour la main-d’œuvre étrangère. Les salaires britanniques sont, en effet, moins concurrentiels qu’auparavant et certains employés qualifiés peuvent choisir facilement d’autres pays.

La situation est tout autre en France. Il n’y a pas eu de départs massifs de populations et du fait du chômage partiel, les entreprises ont gardé leurs effectifs. Mais nous ne sommes toutefois pas à l’abri de tensions sectorielles liées à l’intensité de la reprise.

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Peut-on espérer une restructuration du fonctionnement de ces entreprises zombies, au sens qui se développent qu’à la faveur d’une économie déprimée, de contrats précaires et de salaires faibles ou sont-elles menacées jusque dans leur existence économique ?

Il n’a échappé à personne que malgré la crise sanitaire et économique, les derniers chiffres relatifs aux faillites d’entreprises en France n’en laissent rien paraître. Cette étonnante résilience des entreprises tricolores, artificielle, s’explique notamment par les mesures d’urgence prises par le gouvernement pour amortir le choc économique et témoigne surtout de la « zombification » de nombreuses entreprises depuis le début de la crise.

Entreprises zombies ou faillites, que faut-il choisir ? La croissance d’une économie dépend essentiellement des gains de productivité, lesquels sont rendus possibles par l’arrivée de nouveaux entrants très productifs car innovants. Or, il y a un problème. Pour entrer, il faut avoir de la place. Ces entreprises zombies freinent la dynamique de renouvellement du tissu productif et empêchent la bonne allocation des ressources, notamment en piégeant des ressources productives qui seraient plus utiles au développement des entreprises performantes. Elles jouent le rôle de barrières à l’entrée.

Si on a eu raison d’avoir été keynésien pendant la crise car il fallait mener une politique budgétaire expansive, il faut maintenant être un petit peu plus schumpétérien. Il conviendrait de fermer les vannes de l’argent public pour les activités obsolètes des entreprises zombies c’est-à-dire les laisser mourir, pour concentrer l’effort de l’Etat sur les entreprises productives et permettre aux activités innovantes de pénétrer sur le marché pour contribuer à la reprise économique. Il y a un enjeu majeur.

Plus facile à dire qu’à faire. Comment faire le tri entre une entreprise viable mais affectée pour des raisons conjoncturelles et une entreprise zombie ? L’Etat devra prendre ses responsabilités. Faute de quoi, on peut craindre qu’un choc qui, au départ, est conjoncturel, ait des effets structurels (impacts sur le capital humain, sur la capacité à innover et à lancer de nouveaux modèles économiques…).

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