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Comment est-il possible de viabiliser cette réduction de la consommation de gaz sans perdre le niveau de production et sans augmentation des coûts ?
Comment est-il possible de viabiliser cette réduction de la consommation de gaz sans perdre le niveau de production et sans augmentation des coûts ?
©ERIC PIERMONT / AFP

Crise énergétique

Olivier Véran a déclaré que les Français étaient sensibles au plan de sobriété énergétique et que la consommation d'électricité était en baisse de 5% mais qui a vraiment fait les efforts nécessaires ?

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : 75% des entreprises allemandes déclarent économiser du gaz sans réduire leur production. Près de 40% disent qu’elles pourraient réduire encore plus leur consommation de gaz sans produire moins. Est-ce le signe qu’on peut réellement produire plus avec moins de gaz ? 

Damien Ernst : Il faut remettre les choses dans leur contexte. Dans de nombreuses entreprises, personne ne s’occupait de la gestion de l’énergie car cette dernière était très bon marché. Il y avait donc beaucoup de gaspillage alors que des économies étaient facilement réalisables. Dans le contexte actuel, les entreprises sont nombreuses à essayer de trouver des moyens de régler ce problème. Or, on voit bien qu’il est possible de réduire sa consommation en mettant en place des systèmes assez simples : éteindre certaines machines, changer des réglages… Avec l’augmentation des prix du gaz et donc aussi de l'électricité, on a trouvé de nombreuses pistes pour économiser de l’énergie. Bien sûr, il y a aussi eu un switch du gaz vers le diesel. Enfin, on assiste à un rush pour installer des panneaux photovoltaïques, ce qui a permis d’utiliser de l’électricité produite localement, ce qui coûte très peu cher.  

Quelles sont ces solutions simples auxquelles les entreprises n’avaient pas pensé ?

Éviter le gaspillage, tout simplement ! Entre deux séquences d’utilisation d’un four par exemple, il est possible de baisser sa température pour optimiser sa consommation sans réduire son utilité  dans la chaîne de production de l'entreprise, ce qui n'était pas toujours réalisé. Certaines machines étaient aussi mal réglées. Avec un gaz très bon marché, à environ 20 euros par MWh, les employés préféraient utiliser leur temps à autre chose que de se focaliser sur les économies d’énergie. De plus, sans responsable énergie dédié, cette tâche de réfléchir aux économies d'énergie incombait souvent au PDG qui n'avait pas le temps de s'y consacrer. Cela peut paraitre idiot mais c’est la réalité du terrain.  

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Peut-on parler de changement structurel pour ces entreprises, de tendance nouvelle ?

Si les prix élevés perdurent, oui clairement. Le signal prix est le meilleur moyen de construire des processus efficaces d’un point de vue énergétique, de faire la même chose avec moins de gaz. Cela mérite une vraie réflexion au niveau politique, au niveau national et européen. Ne faudrait-il pas installer une taxe CO2 ou une taxe énergie avec un effet redistributif pour continuer ce mécanisme vertueux ? C’est à mon sens la réflexion politique qu’il faut avoir à l’heure actuelle. Cet argent pourrait être redistribué pour favoriser cette efficacité énergétique et construire une société plus résiliente. L’Europe et la France doivent y réfléchir car des prix fort élevés pour l'énergie restent le meilleur moyen d’économiser cette dernière. 

Une partie de cette réduction a été possible grâce au diesel, ce qui a coûté assez cher…

Tout à fait. Le pétrole coûte 60 euros par MWh. Le gaz est aujourd'hui à 150 euros/MWh. Passer du gaz au diesel pour son approvisionnement en énergie est donc intéressant. On note que le gaz coûtait avant la crise 20 euros par MWh environ. 

Dans de nombreux processus, le diesel devient un facteur de choix, au même titre que le propane et le butane, deux gaz dérivés du pétrole.  

Comment est-il possible de viabiliser cette réduction de la consommation de gaz sans perdre le niveau de production et sans augmentation des coûts ?

Si le prix du gaz redevenait faible, les entreprises redeviendraient moins attentives. Il faut donc maintenir des prix élevés, mais redistribuer cet argent en retour, pour compenser la hausse. Prenons une verrerie par exemple. Le prix du gaz sera toujours aussi élevé mais grâce à la redistribution, l’entreprise sera toujours compétitive internationalement sur le marché du verre. Je pense que c’est la seule solution pour viabiliser la réduction de la consommation. Il en est de même pour les ménages et l’isolation des maisons. Comme le temps de retour sur investissement est très long, les foyers ne prenaient pas la peine d’investir. On peut donc se poser la question de taxer le gaz de chauffage, et de diminuer d’autres impôts. Avec les prix très élevés que l'on connaît, il y a une opportunité politique pour mener cette réflexion tout en s’assurant que les prix diminuent, et donc sans fâcher les gens.

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