Et si l’Iran était en train de mettre en lumière les limites de sa stratégie de déstabilisation du Moyen-Orient ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ebrahim Raïssi, président iranien.
Ebrahim Raïssi, président iranien.
©ATTA KENARE / AFP

Tensions

Le chef des Gardiens de la révolution iraniens, le général Hossein Salami, a déclaré que Téhéran « ne cherchait pas la guerre », semblant indiquer qu'il n'intensifierait pas les tensions avec les Etats-Unis.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
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Atlantico : Le chef des Gardiens de la révolution iraniens, le général Hossein Salami, a déclaré que Téhéran « ne cherchait pas la guerre », semblant indiquer qu'il n'intensifierait pas les tensions avec les Etats-Unis. Mais il a également averti que l’Iran était prêt à réagir en cas d’attaque. Qu'est-ce que cette récente déclaration permet de révéler sur la stratégie de l’Iran au Moyen-Orient ?

Thierry Coville : Le discours des autorités iraniennes, par le passé, était plus guerrier et agressif à l'égard des Etats-Unis. Les Iraniens ont très bien compris qu'ils n'ont rien à gagner d'un affrontement direct avec Israël ou avec les Etats-Unis. Il y a des faiblesses dans le système militaire iranien, notamment en matière de défense antiaérienne et d'aviation. Ils savent très bien qu'ils seraient perdants s'il y avait un affrontement direct avec les Etats-Unis. Il suffit de se rappeler de l'assassinat du général Qassem Soleimani. Les dirigeants iraniens avaient juré qu'ils se vengeraient. L'Iran a bombardé une base américaine en Irak en ayant prévenu le gouvernement irakien qui a prévenu les Américains avant. Il y a un écart entre un discours très agressif, des slogans belliqueux qui sont répétés comme « mort à l'Amérique » à chaque prière du vendredi, mais il y a également beaucoup de pragmatisme. L'Iran cherche à développer un rapport de force avec son axe de résistance dans la région. Cela consiste à orchestrer une stratégie de harcèlement des forces américaines dans la région, par l'intermédiaire notamment de ses alliés pour pouvoir ensuite nier sa responsabilité et pousser ainsi les forces militaires américaines à quitter la région, tout en évitant un conflit direct. L'idée est aussi d’établir un rapport de force avec Israël afin de faire en sorte qu’il y ait un affrontement radical et militaire avec Israël.

Est-ce que l'Iran ne tente pas d'épuiser ses ennemis dans des conflits secondaires comme le Liban, à Gaza ou avec les Houthis, tout en profitant de la politique américaine qui cherche à éviter l'escalade et un conflit frontal ?

Avec le conflit avec Israël et la situation à Gaza, tout le monde s'intéresse à cet axe de résistance qui est mis en place par l'Iran. Il est plus facile de comprendre la stratégie iranienne lorsque l’on voit les spécificités de cet axe de résistance qui n’est pas composé par des pays mais qui repose sur des milices qui sont alliées avec l'Iran. Une grande autonomie est laissée à chaque groupe. Les dirigeants de la République islamique d'Iran ont compris que plus ces groupes auraient une légitimité locale, plus ils seraient puissants. Il y a donc une alliance idéologique, notamment vis-à-vis de la lutte radicale contre Israël et sur l’affrontement avec les Etats-Unis, l'antiaméricanisme. Il y a également un soutien financier, militaire et même des formations orchestrées par l'Iran.

Ces groupes bénéficient d’une importante autonomie. Lorsque ces groupes attaquent les forces américaines, ils ne vont pas demander l'autorisation à l'Iran à chaque fois. La création de cet axe de résistance est la résultante de plusieurs années d'efforts avec un modèle pour l'Iran, le Hezbollah libanais. L’Iran souhaiterait répéter ce modèle avec des milices qui remplissent tous les rôles économiques, militaires, politiques.

L’Iran souhaite mettre la pression, établir un rapport de force avec Israël et cherche à contraindre les Etats-Unis à quitter militairement la région. L’Iran fait attention à ne pas disperser ses forces.

Les autorités iraniennes déploient une stratégie de dissuasion, à cause de ses faiblesses militaires. L’Iran, à travers cet axe de résistance, fait passer un message auprès de ses adversaires en indiquant, qu’en cas d’attaque directe, il est capable de mettre le feu à la région.

Ce n’est pas un hasard si ces groupes et ces milices prospèrent au Liban, en Irak, en Syrie ou au Yémen. Ces groupes se sont développés du fait de la situation de faiblesse des pouvoirs centraux dans ces pays.

Est-ce que l'Iran ne montre-t-il pas ses propres limites en raison de faiblesses internes, notamment sur le plan militaire ?

Depuis de nombreuses années, les pasdarans en Iran réfléchissent au concept de guerre asymétrique. Ils sont quasiment en affrontement direct avec les Etats-Unis. Ils ont conscience qu’ils n'ont pas les moyens d'un de gagner un affrontement direct, conventionnel avec les Etats-Unis.

C'est pour cela qu'ils ont développé leur programme balistique qui reste une option de dissuasion. En cas d’attaque, l’Iran a la capacité de riposter partout au Moyen-Orient. S’ils se sentent menacés, ils sont capables de mettre le feu à la région. Cela apparaît de plus en plus au grand jour car on voit bien qu’il y a un risque de conflit direct avec les Etats-Unis, l’Iran essaye de l’éviter. Cela souligne les faiblesses ou le réalisme de l’Iran qui souhaite échapper à un conflit frontal avec les Américains.  

himRa

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