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Et si l’explosion de Tianjin se passait en France, serions-nous capables de faire face ?
©Reuters

Mayday, mayday

Mercredi 12 août, un incendie et des explosions dans une usine de produits inflammables et toxiques à Tianjin, en Chine, ont fait de nombreux morts et blessés. En France, les autorités se préparent pour faire face à ce type de situation.

Natalie Maroun

Natalie Maroun

Natalie Maroun est directrice-conseil et analyste chez Heiderich Consultants, spécialisée dans la gestion et la communication de crise. Elle travaille également pour l'Observatoire international des crises (OIC). 

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Atlantico : L'explosion qui a secoué Tianjin, dans une usine de produits chimiques, impressionne par l'ampleur des dégâts et des réactions. Comment réagirait la France face à une telle catastrophe industrielle ?

Natalie Maroun : En matière de sécurité civile,on parle d'opérateurs. Il peur s'agir d'un site sensible, d'une entreprise, d'un local... Il faut savoir que les opérateurs à risque sont listés. Ils disposent de plans de prévention qui leurs sont propres. En plus, il y a des référents connus et identifiés à tous les niveaux des services de l'Etat : commune, département, région... On sait donc sur chaque site où trouver et où chercher quoi, dès lors qu'un opérateur est classé Seveso [ndlr: directive européenne concernant les sites industriels à risque] 1, 2 ou, depuis récemment 3.

Concrètement, les premiers intervenants sont ceux qui sont théoriquement le plus proches. En général, c'est la commune et ses pompiers. Un premier bilan va être fait très rapidement afin de pouvoir déclencher, si nécessaire, un niveau supérieur d'organisation. On peut ainsi remonter jusqu'au Centre opérationnel de gestion interministériel des crises (Cogic) qui dépend du ministère de l'Intérieur. Chaque étape d'intervention va dépendre d'un centre opérationnel ou décisionnel, qui pourront en fonction des situations aller d'un niveau départemental à national.

Que se passe-t-il si les dispositifs de sécurité sont dépassés par la situation ?

Les moyens sont consignés et désignés, dès le niveau de la commune, avec son plan communal de sauvegarde. Il y a ensuite le plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) au niveau départemental, puis le plan zonal qui relève du préfet, avec donc des moyens plus importants. A l'échellon encore supérieur, on trouve le Cogic, dont je viens de parler, pour le niveau national. Enfin, s'il le faut, il existe également un niveau européen qui peut agir avec l'ERCC, le Centre de coordination des interventions d'urgence.

Tout cela est extrêmement bien organisé et permet de remonter depuis le maire, qui va estimer si ses ressources sont suffisantes ou pas, vers le préfet de département, puis le préfet de zone, et enfin au niveau ministère. Là, les concernés sont les ministères de l'Intérieur, de la Santé et éventuellement de l'Environnement. Chacun a ses moyens et en fait usage.

Peut-on être certains que les moyens seront suffisants, le jour où une catastrophe se produit ?

On touche du bois. Cette organisation repose sur un système d'exercice qui fait que chacun connaît les équipements, les lieux et ce que l'on peut attendre d'eux. Il ne s'agit pas seulement d'être équipés mais aussi de savoir agir. Il y a des exercices de types opérationnels, pour vérifier par exemple que le raccordement entre les outils des pompiers et les entrées des usines fonctionnent. Et il y a des exercices plus décisionnels, qui vont concerner la bonne matière et le bon rythme d'évacuation d'une zone par exemple. Je dis qu'on touche du bois car, malheureusement, on n'est jamais à l'abri d'un accident. Il est toujours possible qu'il y ait un dysfonctionnement, qui ne soit pas du à un manque de préparation, mais par exemple à une sous-estimation d'un risque précis. Une panique face à une fuite toxique, par exemple.

Dans le cas de Tianjin, justement, des mouvements de panique, de peur d'être contaminés, ont été observés. Sait-on contrôler ce genre de réactions ?

Je ne suis pas sure qu'on puisse la contrôler. On l'appréhende en préparant des réponses sous la forme de communication du risque, de communication de crise. Cela passe également par les relais de proximité que sont les maires. Il peut y avoir des accords très concrets, comme la convention entre France Bleu et le ministère de l'Intérieur. Peut-on prévoir les réactions ? Je dirais que non. Dans un article publié en 2011 avec Didier Heiderich, nous prévoyions par exemple dans le cas d'une catastrophe nucléaire qu'il y ait de la désobéissance de la part des populations. Même si les consignes sont claires, chacun risque, moi la première, de faire sa propre évaluation et de chercher à se sauver même si on lui recommande de rester confiné. Pour autant, on sait qu'une information bien expliquée avec des consignes claires et des échéances peut permettre de bien faire comprendre aux personnes pourquoi on leur demande de faire cela.

Comment fait-on pour faire passer ce message, en pleine crise ?

Tout dépend de la crise. S'il y a un confinement des populations, par exemple, le meilleur vecteur reste la radio. Les réseaux sociaux sont également très utiles : parfois, on écoute plus facilement quelqu'un dont on se sent proche. Il faut donc que l'information revienne plusieurs fois, par différents porte-parole. On sait par exemple qu'un officier des pompiers est très crédible et que les citoyens lui feront  confiance. Les médias jouent un rôle très important, parfois pour exacerber la peur, parfois pour la contenir.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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