Et s’il fallait plus avoir peur d’une guerre sur la péninsule coréenne que d’une guerre à Taïwan ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des militaires sud-coréens patrouillent sur une route côtière de l'île de Yeonpyeong, près de la "ligne de démarcation nord" avec la Corée du Nord, le 9 janvier 2024.
Des militaires sud-coréens patrouillent sur une route côtière de l'île de Yeonpyeong, près de la "ligne de démarcation nord" avec la Corée du Nord, le 9 janvier 2024.
©Jung Yeon-je / AFP

Tensions accrues

En péninsule coréenne, la situation est de plus en plus tendue. Pour autant, les regards européens, sinon occidentaux, sont davantage tournés vers la situation Taïwanaise.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Atlantico : En péninsule coréenne, la situation est de plus en plus tendue. Pour autant, les regards européens, sinon occidentaux, sont davantage tournés vers la situation Taïwanaise. Comment expliquer cet état de fait ? Faut-il le déplorer ?

Jean-Vincent Brisset : Les tensions entre les deux Corées n'intéressaient plus beaucoup les médias car cela dure depuis 1953. Jusqu'à maintenant, il y a eu d'actions et de manœuvres militaires ayant provoqué des morts des deux côtés. Il ne faut pas oublier qu'il y avait quand même une époque où il y avait régulièrement des raids nord-coréens en Corée du Sud et où il y a eu des attentats perpétrés en Thaïlande en particulier.

La situation coréenne est délicate à gérer pour les Européens. Les Etats-Unis et la Chine sont les principaux acteurs de ce dossier. La France et l’Europe jouent un rôle mineur dans cette crise.

Certains observateurs, comme Antoine Bondaz, évoquent une « erreur stratégique » de l’Occident à ce sujet. Est-ce réellement le cas ?

L'Occident élargi, en y incluant le Japon et la Corée du Sud, semble impuissant à résoudre cette crise. Les sanctions qui ont été déployées par le passé n’ont pas été suffisamment efficaces. Rien ne fonctionne véritablement contre la Corée du Nord et son régime. Une partie des sanctions va directement impacter la population et risque d’affamer des milliers de Coréens. Mais le pouvoir, la nomenklatura nord-coréenne n'est pas tellement touchée. Elle continue à vivre dans sa tour d'ivoire.

Il y a eu une erreur stratégique énorme de la part de l'administration Obama. La patience stratégique a permis au président nord-coréen, depuis près de huit ans, de développer tout son armement. Trump a mis un coup d'arrêt assez sérieux à cette dérive et Biden a plutôt suivi cette attitude de fermeté. Mais l'énorme erreur a été commise par l'administration Obama.

Qu'est-ce que l'on sait aujourd'hui de la réalité et des tensions sur place ? À quel point est-ce que les exercices de tirs qui sont menés et à quel point les munitions utilisées représentent un danger ?

Les munitions utilisées représenteront un réel danger lorsqu’elles viseront des cibles précises. Pour le moment, cela s’apparente à des exercices militaires et les munitions utilisées visent des cibles fictives en mer. Il n'y a donc pas encore de danger direct. Les deux Corées sont dans des postures de démonstration de force. Il n'y a pas d'attaques directes. Il n'y a pas de mise en danger directe.

Technologiquement, est-ce que la péninsule coréenne est très fortement armée ou est-ce que les deux pays sont en retard sur ce point-là ?

L’armée nord-coréenne dispose d’un million d'hommes, de deux à trois millions de réservistes immédiatement mobilisables. La Corée du Sud dispose de 600.000 soldats et d’un grand nombre de réservistes immédiatement mobilisables. Il s’agit de la zone du monde où il y a la plus grosse concentration militaire. L'armement des deux armées n’est pas forcément à la pointe de la technologie, même en termes d’obus.

Quel est le danger exact auquel nous nous exposons directement ou indirectement en péninsule coréenne ? Quel serait l’impact d’une guerre, par exemple ?

Qui réagirait en cas de guerre dans la péninsule coréenne ? Est-ce que les Etats-Unis tiendront leurs engagements vis-à-vis de leurs alliés sud-coréens en envoyant des troupes au sol et en envoyant des moyens conséquents ? Ce conflit et ces tensions dans la péninsule coréenne ne constituent pas encore un conflit à grande échelle. Il est difficile de concevoir que cette crise puisse déboucher sur un conflit comme la guerre de Corée dans les années 50.

Quel pourrait être l'impact d’un tel conflit s’il éclatait dans la péninsule coréenne ?

Il y aura un impact relativement important dans un premier temps. L’industrie sud-coréenne se mettra à l'arrêt. Il est évident qu'il y aura des retombées économiques dans le monde occidental en cas de conflit entre les deux Corées. Mais il n'y a pas de secteurs où la Corée du Sud ait une importance comparable à celle de Taiwan, comme dans les semi-conducteurs par exemple.

Concernant Taïwan, il y a surtout le problème du transit maritime des marchandises au niveau mondial. C'est un problème qui ne se pose pas avec la Corée du Sud et la Corée du Nord. La péninsule coréenne est plus isolée au regard des échanges internationaux.

De quels moyens dispose l’Occident pour limiter l'escalade en péninsule coréenne ? Quelles sont les erreurs à éviter dans cette approche ?

L’Occident a peu de moyens et de leviers d’action vis-à-vis de la Corée, si ce n’est via des discours ou des tentatives de rapprochement comme l’a fait Trump, via un rapprochement musclé et l’acceptation du dialogue.

Les Etats-Unis pourraient limiter la portée de leurs exercices à proximité de la Corée du Nord. Cela permettrait de limiter aussi les risques.

Kim Jong-un est dangereux. Mais il a en face de lui, en Corée du Sud et aux Etats-Unis, des gens qui ne sont pas forcément des faiseurs de paix.

Agiter le chiffon rouge, que ça soit en Ukraine, à Taïwan ou en Corée, n’est pas une solution pour avoir plus de paix.

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