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Et s’il existait en fait plus d’espoir qu’il n’y paraît pour la droite en 2022 (à supposer de trouver le bon candidat...)
©DOMINIQUE FAGET / AFP

Nouveau sondage

Le sondage réalisé par Harris interactive montre que l’hypothèse d’une candidature d’Anne Hidalgo ne décolle pas. Et que le RN même s’il monte, ne s’envole pas. La droite n’a peut-être pas de champion mais elle pourrait bien avoir un chemin.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico.fr : Un sondage Harris interactive pour l’Opinion place Marine Le Pen en tête des intentions de vote à la présidentielle, devant Emmanuel Macron puis le candidat de la droite et les différents candidats de la gauche. Pour qui sont les bonnes nouvelles dans ce sondage ?

Bruno Cautrès : Tout d’abord, je ne crois pas que l’on doit interpréter un sondage en termes de bonnes ou mauvaises nouvelles, à moins qu’on ne se place du point de vue des candidats et de la manière dont chacun va recevoir les pourcentages de votes que lui accorde le sondage… Il faut également redire à nos lecteurs toutes une série de précautions méthodologiques. D’une part, ce sondage est réalisé à 15 mois de la présidentielle 2022 et mesure des intentions de vote à partir des candidatures les plus probables et non des candidatures réelles, celles dont on aura la liste définitive dans un an seulement. A titre d’exemple : ce sondage ne mesure pas l’intention de vote pour le candidat communiste, alors que Fabien Roussel (le leader du PCF) a indiqué à plusieurs reprises son souhait de candidater et de ne pas s’effacer devant Jean-Luc Mélenchon. Si l’intention de vote pour Fabien Roussel avait été mesurée sans doute aurait-elle coûté un point ou deux à Jean-Luc Mélenchon. D’autre part, un sondage d’intentions de vote produit des estimations statistiques et celles-ci doivent être lues avec la notion de marge d’erreur : ici cette marge d’erreurs est de l’ordre de 2 à 3% selon les pourcentages. Si l’on applique le calcul des marges d’erreur, un tout autre tableau que celui commenté dans les médias apparait alors et deux éléments s’en dégage : primo, le podium des trois premiers et la marche qu’ils occupent sur le podium est assez incertain ; secondo, les candidatures de gauche sont à égalité en fait (on ne peut pas dire à partir de ce sondage si Yannick Jadot serait en fait devant ou derrière Anne Hidalgo et même Jean-Luc Mélenchon). De même, le faible écart qui sépare les intentions de vote pour X. Bertrand et V. Pécresse (de l’ordre de 2%) montre que si le Président de la région des Hauts-de-France maintient son statut de meilleur challenger à droite, il n’a pas encore totalement tué le match même s’il semble le mieux placé.

Maxime Tandonnet : En vérité, les nouvelles ne sont vraiment bonnes pour personne. La première place de Mme le Pen avec 26% des intention de vote est en trompe-l’œil. Déjà, en 2010-2011, des sondages de premier tour la donnaient en tête (devant M. Strauss Kahn) avec un score de ce genre. En dix ans, rien n’a changé. Cet immobilisme du niveau des intentions de vote en sa faveur est stupéfiant et témoigne d’une impressionnante stagnation de son potentiel électoral, malgré le contexte délétère qui devrait profiter à un parti protestataire. Avec 26% au premier tour, une victoire de Mme le Pen au second tour est quasiment impossible. Elle ne dispose d’aucune réserve de voix, ni chez les électeurs de M. Bertrand ou Mme Pécresse, et encore moins à gauche. La dédiabolisation est largement factice et le plafond de verre plus solide que jamais malgré une impressionnante exposition médiatique. Quant au président Macron, oui, 24% peuvent suffire à le faire réélire mais c’est un score médiocre pour un chef de l’Etat en fonction, qui témoigne d’un haut niveau de défiance touchant les trois/quarts de l’électorat. L’effet légitimiste dont il devrait bénéficier dans le contexte d’une crise sanitaire épouvantable, semble ne jouer qu’à la marge. Ce niveau de 24%ne garantit en rien le succès (sauf s’il est opposé au second tour à Mme le Pen). Au premier tour de 2012, le président Sarkozy faisait 27% et il a perdu au second.

La candidature d’Anne Hidalgo ne convainc pas, le RN monte mais n’explose pas et Macron stagne : existe-t-il un chemin pour permettre à la droite de se qualifier pour le second tour de la présidentielle?

Bruno Cautrès : Il faut éviter une erreur d’analyse à propos de la présidentielle de 2022 : l’erreur qui consisterait à considérer qu’elle est déjà jouée entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Si l’on voit bien que les oppositions ont toujours du mal à s’imposer face à ces deux candidats, une élection a sa propre dynamique. Les thèmes et les principaux enjeux de politiques publiques qui seront débattus ne sont pas encore figés dans le marbre : s’agira t’il d’un référendum pour contre Emmanuel Macron ? S’agira t’il de trancher sur les réformes non abouties du mandat actuel, du fait de la crise sanitaire ? S’agira t’il d’un bilan de ce que les partis et les candidats retiennent de la crise sanitaire ?

Pour la droite, plusieurs étapes doivent être franchies encore si elle entend aborder cette présidentielle dans les meilleures conditions pour elle : les deux plus essentielles sont celles du choix du candidat et celles du corpus de mots-clefs que ce candidat va proposer. L’élection présidentielle se joue beaucoup sur ces deux éléments : une adhésion à une personnalité qui semble correspondre à ce dont le pays a besoin et quelques mots-clefs qui identifient fortement cette personnalité. Par exemple, en 2012 François Hollande bâtit sa stratégie sur le rejet de Nicolas Sarkozy dans une partie de l’opinion et propose de son concept d’un retour à une « présidence normale ». En 2017, Emmanuel Macron bâtit sa stratégie sur le constat que deux présidents si différents que Nicolas Sarkozy et François Hollande n’ont pas pu régler les problèmes du pays et oppose à cette situation sa jeunesse, sa fougue réformatrice et sa « disruption ». Pour 2022, l’angle à trouver, pour tous les challengers et pas seulement à droite, et sans doute celui d’un besoin de calmer le jeu en France : même en mettant l’épidémie de la Covid de côté, la France connait une situation de crise non-interrompue depuis l’automne 2018. Mais il ne faudra pas, pour ces candidats, commettre l’erreur de ne miser que là-dessus : il leur faut proposer des choses fortes, identifiables par les Français. La question de la réforme de nos institutions et des systèmes de décisions publiques va jouer un rôle majeur : nous avons tous et toutes eu l’occasion de nous interroger sur ce qui ne marche plus en France à partir de la crise sanitaire, il faudra bien en parler à un moment donné. Doit-on aller plus beaucoup plus de décentralisation et dans davantage de secteurs ? Où en est la réforme de l’Etat ? A-t-on fait assez d’efforts pour simplifier la vie des Français ? Les circuits ont-ils été raccourcis, simplifiés  dans les délais de réponse de l’administration ? Pourquoi faut-il retrouver ses fiches de paies d’il y a 20 ans quand on prend sa retraite etc, etc etc…. ? La question du financement et de la soutenabilité de notre endettement post-Covid va occuper une place de choix dans les années qui arrivent également. Le chemin, pour un candidat de la droite, passe sans doute par ces questions.

Maxime Tandonnet : Tout d’abord, il est essentiel de comprendre que rien n’est joué d’avance. Depuis 2017, le monde a été bouleversé par la crise du covid-19. Tous nos repères ont été balayés. En outre, une vertigineuse crise financière et économique se profile à l’horizon, un séisme dont nul ne peut encore prévoir les conséquences politiques. Dans ce contexte de chamboulement radical de la société, l’anomalie, ce serait, cinq ans après, un parfait statu quo électoral et la reproduction à l’identique du scénario de 2017. D’ailleurs, historiquement, chaque élection présidentielle réserve des surprises de premier tour par rapport aux pronostics. De fait, tout peut basculer extrêmement vite. Le meilleur candidat de droite dans ce sondage, M. Bertrand, est à 16%. Si un candidat de droite parvient à gagner 5 points sur l’un des deux co-leaders de ce sondage, la donne électorale se trouve profondément transformée. Or, une partie de l’électorat de droite qui soutient encore Macron (environ un quart de cet électorat), n’attend que la présentation ou l’officialisation d’une candidature crédible à droite pour revenir au bercail. Rien n’assure que cela va se produire, mais rien ne permet non plus de l’exclure. En langage sportif, la droite est en position d’outsider pour le premier tour. En quinze mois, tout est possible, tout est ouvert. D’autant plus que selon d’autres sondages, 80% des Français ne veulent en aucun cas d’un nouveau duel Macron-le Pen. Au fond, il suffirait que l’électorat se mette en cohérence avec lui-même pour balayer cette perspective.

Les hypothèses Pécresse et Bertrand ne semblent pas fédérer autant que la candidature de François Fillon en 2017. Si la droite veut l’emporter, quel type de candidat doit-elle mettre en avant ? Qui peut réellement porter les espoirs de LR ?

Bruno Cautrès : La candidature idéale devrait être une candidature de rassemblement qui ne fait pas revenir la droite vers les querelles de chapelle. L’électorat de droite a vécu un traumatisme considérable en 2017 : la victoire « promise » a explosé en plein vol à cause de François Fillon rattrapé par le « Penelopegate ». L’électorat de droite vit toujours dans la nostalgie de 2007 : toutes les enquêtes d’opinion montrent que Nicolas Sarkozy reste la personnalité politique de cœur des électeurs de droite. Mais tout le monde a également compris que son retour est davantage un mythe qu’une réelle possibilité. La dernière enquête du Baromètre de la politique nationale de BVA montre que Xavier Bertrand est maintenant en seconde position parmi les personnalités politiques préférées des sympathisants LR, devant Edouard Philippe et derrière Nicolas Sarkozy. Valérie Pécresse est en cinquième position.

Deux derniers éléments sont, me semble t’il, assez fondamentaux. D’une part, la candidature LR ou « LR compatible » n’aura pas comme seul objectif de gagner la présidentielle, car il y les législatives ensuite : si le candidat LR ne gagne pas la présidentielle mais que LR semble confirmer une remise sur les rails (bon score de premier tour, bonne campagne et capacité à imposer des thèmes sur l’agenda de la campagne), quel rôle pour LR entre 2022 et 2027 ? Leader de l’opposition ? Cohabitation ? Allié du président élu mais sur d’autres bases que via des personnalités issues de ses rangs ? D’autre part, l’électorat LR pourrait être amené à percevoir différemment son candidat et Emmanuel Macron si ce dernier apparaissait dans les futures sondages d’intentions de vote comme davantage fragile notamment face à un duel avec Marine Le Pen.

Maxime Tandonnet : Dans le pays domine une gigantesque défiance face au politique, le sentiment que les politiques ont fait naufrage dans la vanité et les calculs personnels au détriment du bien commun. Les Français ont le sentiment de vivre une ère de grande mystification ou tout n’est que manipulation, posture, communication au détriment de l’action au service de l’intérêt général. L’enjeu, pour un candidat de droite, c’est de trouver les paroles et les gestes qui permettent de restaurer un lien de confiance avec la nation. Il doit réussir à convaincre qu’il se positionne en serviteur de la vérité et du pays et non en demi-dieu narcissique. Il lui incombe de persuader une majorité de Français de sa volonté de toute mettre en œuvre pour apporter des réponses aux préoccupations et aux souffrances des citoyens, en matière de chômage, de pauvreté, de services publics, de démocratie, de sécurité ou de maîtrise des frontières. On ne gagne jamais une élection présidentielle sur la précision et l’exhaustivité d’un programme, mais sur une image, une sensation collective, une ligne générale plutôt qu’une plate-forme détaillée. C’est le mot confiance qui est au cœur de la reconquête.

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