Et pendant que la France débattait de sa modeste loi Macron, David Cameron faisait campagne sur des performances économiques ébouriffantes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Loin de l'Europe, David Cameron est concentré sur son pays
Loin de l'Europe, David Cameron est concentré sur son pays
©REUTERS/Darren Staples

Optimisme de rigueur

Les conservateurs britanniques abordent avec confiance les élections législatives du 7 mai 2015. Ils peuvent surfer sur des résultats économiques satisfaisants, et laissent entrevoir des promesses de campagne populaires : baisse des impôts, baisse du déficit budgétaire et investissement massif dans l'éducation.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

Voir la bio »

Les conservateurs, emmenés par le Premier ministre en exercice David Cameron, ont déjà commencé leur campagne qui doit les mener jusqu’au scrutin du 7 mai 2015. Mot d’ordre du programme proposé : du long terme, et des promesses qui s’appuient sur les bons résultats économiques du Royaume-Uni.

1 – Les conservateurs annoncent avoir ramené le déficit du budget à 5% annuel, contre 10% en 2009/2010. Leur objectif d’ici 2020 ? Ramené à zéro les déficits structurels du budget, le tout sans augmenter mes impôts.

2 – D’ici 2020, les conservateurs annoncent un allègement considérable de l’impôt sur le revenu. Primo, tous les contribuables dont le revenu fiscal est inférieur à 12 500 livres sterling (environ 16 640 euros) seront exonérés. La tranche la plus élevé (40%), actuellement fixé à 41 900 livres sterling (55 780 euros) sera relevé à 50 000 livres sterling (66 500 euros).

3 –  Baisser les cotisations payées par les employeurs, et simplifier au maximum les démarches pour les salariés de moins de 21 ans, pour favoriser l’emploi.

4 – Contribuer à une meilleure formation en investissant 18 milliards de livres sterling pour construire de nouvelles écoles, attirer les meilleurs talents étrangers dans les universités, et continuer le développement de l’apprentissage (2 millions de postes d’apprentis revendiqués par le gouvernement depuis 2010).

5 – Continuer une politique de contrôle de l’aide sociale : aucun ménage bénéficiant des allocations chômage ne pourra gagner plus en prestations que le revenu moyen d’un ménage occupant dont les membres occupent un emploi.

Atlantico : David Cameron, qui prépare les élections de mai, a annoncé une baisse continue des impôts, au point que d'ici 2020, selon ses promesses, les premières 12 500 livres sterling de revenu seront exonérés. Il annonce aussi vouloir monter la tranche à 40% à 50 000 livres sterling (contre 41 900 aujourd'hui). Ce choix vous semble-t-il possible économiquement ? David Cameron a-t-il les moyens, ou est-on plutôt dans l'effet d'annonce d'une promesse électorale flatteuse ? 

Jean-Yves Archer : Le Premier Ministre Cameron est un homme pragmatique et globalement avisé. Il sait très bien que l'impôt sur le revenu est de plus en plus mal toléré par les contribuables et que son mix fiscal a un intérêt politique évident : renforcement de certaines taxes indirectes, recours à la TVA et jeux sur les seuils de l'IRPP. D'ailleurs, Manuel Valls a réalisé une opération technique et électoraliste de même nature en supprimant la première tranche de l'impôt sur le revenu et en ne reconduisant pas la contestée tranche à 75%

Concernant le Royaume-Uni, poser le principe d'une exonération à hauteur de 1000 £ par mois n'a rien d'absurde, loin de là. Après, il est toujours loisible de critiquer le rehaussement de la tranche à 40% mais il s'agit d'une volonté de soutenir l'attractivité du pays au regard de ses besoins en personnels qualifiés.

Factuellement nous sommes dans l'effet d'annonce, dans le catalogue électoral mais cela semble cohérent avec les possibilités du pays qui a clairement retrouvé le chemin de la croissance : 2,6% pour l'ensemble de 2014 et plus de 3,5% projeté pour 2015.

Toutefois, il y a un obstacle face à cette volonté politique qui a pour nom : déficit public. Il faut en effet garder en mémoire que la Grande-Bretagne présente actuellement un déficit public légèrement supérieur à 6% du PIB ( estimation 2014 ) et que le pari de David Cameron consiste à tabler sur le dynamisme de la croissance pour être placé en mesure d'absorber les baisses d'impôts et donc de recettes.

David Cameron annonce aussi pouvoir ramener à zéro dans les cinq ans les déficits structurels, le tout bien sûr sans augmenter les impôts. La croissance est-elle le seul facteur pouvant expliquer cette performance ? Y a-t-il eu des réformes budgétaires majeures dont nous pourrions nous inspirer ?

L'objectif de ramener à zéro le niveau du déficit structurel semble très ambitieux voire chimérique. Cela étant, le Royaume-Uni est une économie dynamique ( qui vient de ravir à la France son rang de cinquième puissance mondiale ) et la croissance peut s'y trouver confortée par le " fighting spirit " d'une large part de la population et des entrepreneurs qui n'ont guère le temps d'aller écouter tel ou tel élu à Jouy-en-Josas ( Université d'été ) et se concentrent sur l'expansion.

En termes de réformes budgétaires, il y a deux points-clefs à retenir : d'une part, le gouvernement Cameron n'a pas hésité à supprimer des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires ce qui n'est pas la culture statutaire française. D'autre part, le même gouvernement a très habilement procédé à des réallocations de ressources en redéfinissant les contours de l'Etat et des Agences, d'où l'obtention d'économies budgétaires. Il a fait la chasse aux " QUANGOS " : Quasi autonomous non-governmental organisations. Rappelons qu'en France, les Agences et autres entités publiques assimilées représentent un volume de taxe de 112 milliards selon un rapport de la Cour des comptes de Juillet 2013. Cette redéfinition des missions de l'Etat a donc été un succès en Suède et en Grande-Bretagne.

Autre promesse : le retour au plein emploi. Alors que le taux de chômage continue de baisser dans le pays, contrairement à la France, cette promesse ne va-t-elle pas devenir une réalité ? 

Tant l'industrie que le secteur agricole britannique comptent pour portion congrue depuis des années. Très efficacement, la City de Londres a su rebondir malgré le scandale des manipulations du taux Libor et draine à nouveau des emplois hautement qualifiés. La croissance estimée entre 3 à 4% pour 2015 sera nécessairement un facteur important de réduction du chômage hors la question récurrente du chômage frictionnel.

Les libéraux diront que le marché est plus flexible et que les Job Centers sont efficaces. Les autres constateront avec intérêt qu'une politique de dépense publique peut aider à réamorcer la croissance. Car, et c'est bien le paradoxe anglais délicat à décrypter, il y a eu une politique libérale en termes d'effectifs publics et de marché du travail tout en conduisant une politique macro-économique de forte inspiration keynésienne.

Dans quelle mesure l'indépendance de la Banque centrale d'Angleterre – le Royaume-Uni n'étant pas membre de la zone euro – a-t-elle favorisée la situation, permettant de telles promesses ?

Vous pointez un point-clef où l'on peut être bref. La Banque d'Angleterre a su lire la crise et immédiatement inonder l'économie de liquidités ( quantitative easing ) ce qui a provoqué un salutaire déclic contra-cyclique. En Europe continentale, la BCE a été engluée dans son système de décision et ce n'est que récemment que le Q/E a été véritablement lancé. La question étant de savoir si un lancement tardif ne tue pas l'efficacité réelle de l'outil. Au plan politique, David Cameron devra son avenir politique à la lucidité de son Institut d'émission.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !