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Et chez vous, c’est combien ? L’art délicat de se faire la bise en France
©Reuters

Grande question

Une carte de France des plus complexes vient d'être publiée : celles du nombre de bises, en fonction des régions.

Qui n'a jamais vécu ce malaise indescriptible de se voir tourner le dos alors que l'on s'apprêtait à offre une nouvelle bise à son interlocuteur ? Ou au contraire cette légère honte de laisser en plan celui ou celle qui ne partage pas notre sacro-sainte tradition locale en matière de bisous ? Si ces questions franco-françaises ne sont toujours pas réglées, les appréhensions des étrangers sur le sujet sont démultipliées. Dans un court reportage, la chaîne ARTE raconte ainsi l'angoisse collective de tous les petits élèves allemands lors de leur séjour dans les familles françaises, qui redoutent l'instant terrible du bonjour. Alors si on ajoute le nombre de bises qui varient… "C'est vrai que pour beaucoup de pays, la bise paraît exotique" explique Frédéric Rouvillois, auteur du livre 'Histoire de la politesse : De la Révolution à nos jours.' "D'ailleurs, on la voit apparaître dans les milieux très snobs des Etats-Unis."


Orange = 1 bise, jaune = 2 bises, vert = 3 bises, bleu = 4 bises, violet = 5 bises


Le Washington Post a récemment publié une étrange carte de France, réalisée par le site Radical Cartography. Les différentes couleurs correspondent au nombre de bises que l'on se fait pour se saluer en fonction des régions. L'auteur se base sur une étude faite sur internet, et compilée sur le site combiendebises.free.fr. Plus de 75 000 personnes ont répondu pour donner des résultats variés. Ainsi, la majorité de l'hexagone a opté pour la double bise, rapide, efficace. C'est le cas des grandes villes comme Lyon, Toulouse ou Marseille. Paris est aussi une grande ambassadrice mais semble littéralement cernée par le deuxième plus grand groupe, ceux de la double-double bise (quatre bises en fait). Représentée en bleu, cette population occupe la partie nord du pays avec des fiefs important en Bourgogne et en Vendée.

Le "3 bises" est bien installé dans le midi à l'exception notable de la côte d'Azur, fidèle à la double bise. Restent quelques espaces étranges où l'aspect identitaire semble aussi passer par le claquement de joues : 18% de la Corse prend le temps de faire 5 bises ! De l'autre côté de la France, le Finistère se contente d'une seule, tout comme les Deux-Sèvres. Et que penser de la Creuse où toutes les couleurs semblent se mélanger ?


En Allemagne, on n'est pas très bisous. Ou alors est-ce une question d'affinités...

Difficile de savoir d'où viennent ces habitudes mais les résistances identitaires jouent peut-être un rôle dans leur vivacité. Ainsi, un site d'actualité locale de Haute-Loire s'enorgueillit que le département soit "le dernier rempart des trois bises." Une différence sociale semble aussi être à l'œuvre entre les riches urbains et les ruraux plus modestes, bien que les évolutions soient constantes. Un provincial, revenu de Paris, peut parfois revenir avec de nouvelles habitudes. "Tout cela reste un peu de la sociologie de bricolage" tempère Frédéric Rouvillois qui rappelle que l'apparition de la bise est très récente. "Elle remonte à la fin du 19ème siècle dans les couches populaires et s'est véritablement développée après mai 1968."

Ces questions de nombres de bises restent à mille lieux de beaucoup de nos voisins, en particulier germaniques et anglo-saxons. Si le "hug" (le fait de s'enlacer) est la norme aux Etats-Unis, la bise reste une étrangeté, surtout entre hommes. En Allemagne, la réticence est encore plus prononcée. Il y a quelques années, la société de conseil allemande Knigge affirmait que la bise était en augmentation dans le monde du travail et que cela gênait énormément de nombreux travailleurs. Pire, il existerait en Europe une "zone de distanciation sociale" d'un mètre qu'il faudrait ainsi respecter. Il faut dire que beaucoup de nos voisins outre-Rhin y voient un "aspect érotique." Que doivent-ils penser alors du baiser "à la russe…"


Le fameux baiser de Léonid Brejnev et Erich Honecker lors de l'époque soviétique

Peut-être ne faut-il justement pas nier le caractère séducteur de la bise. "La bise crée une promiscuité immédiate, c’est un reniflement animalier et aussi une bonne base pour draguer" raconte ainsi ARTE. D'ailleurs, elle n'a pas toujours été bien vue en France. Il est toujours formellement interdit de se faire la bise à l'Assemblée nationale comme le racontait le député écologiste François de Rugy sur son blog et de nombreux députés restent très conservateurs en la matière.  

C'est seulement une fois que la bise sera durablement admise tant en France (et c'est bientôt) que par nos voisins que ces derniers pourront réfléchir au nombre adéquat de bise à partager. Avec la nuance qu'il faut apporter : le concepteur de la carte affirme, par exemple,  avoir reçu un email d'un Corse affirmant qu'il n'avait jamais vu de "5 bises" sur son île… Français ou pas, le mieux est de se laisser guider par son instinct. Après tout, une bise de plus ou de moins n'a jamais tué personne.

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