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Et bien non….posséder une télé ne réduit pas beaucoup votre activité sexuelle, et c’est la recherche économique qui le dit
©wikipédia

Sexual healing

La télévision aurait un impact réel sur notre vie de couple. Mais pas celui que l'on croît. Plutôt que de réduire notre activité sexuelle, avant les ordinateurs et autres écrans individuels, parfois elle la favorisait.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Selon une étude menée dans 80 pays par les économistes Adrienne Lucas et Nicholas Wilson, publiée par le NBER (National Bureau of Economic Research), le fait de posséder une télévision réduirait, selon les hypothèses les plus conservatrices, de 6% la probabilité d'une activité sexuelle au cours de la semaine précédente. Un résultat qui mettrait en avant un faible phénomène de substitution que pourrait provoquer la télévision. Comment expliquer ce résultat ?

Michelle Boiron : Vivre à deux, en couple et maintenir une relation sexuelle de qualité et harmonieuse  est un challenge. Les rituels rythment la vie à deux ils s’initient puis s’installent souvent insidieusement.  

En revanche, la vie sexuelle est d’abord soumise à l’influence du biologique et de la libido de chacun indépendamment du désir.

On peut mettre en cause les différences de rythmes du couple simplement eu égard aux heures du coucher et du levée. C’est un élément majeur qui favorise ou invalide la sexualité. Au début d’une relation amoureuse  le ou la « couche tard » acceptera de se mettre au lit plus  tôt pour s’harmoniser avec l’autre ; mais très vite les efforts ou l’envie de s’harmoniser disparaissent, « le naturel revient au galop » et l’on revient petit à petit à son propre rythme.

Les horaires décalés risquent de nuire à la relation sexuelle : au mieux on se croise ! C’est donc un élément important des habitudes. Même si l’heure de la sieste peut palier à ce décalage du rituel du coucher !

Alors l’impact de la télévision, qui est rentrée aussi dans nos chambres (après avoir envahie le salon), et le moyen de la gérer pour qu’elle n’envahisse pas notre espace a été une réelle question.  Précisément pour que la télé ne détourne pas le rituel du coucher du désir de se retrouver dans le lit : pour se rapprocher physiquement, pour dormir ou pour communiquer verbalement.

Il est important de préciser que la télévision même regardée dans un lit (ce qui n’est pas la majorité des cas) pouvait créer une communication autour d’un débat sur le film, sur le documentaire ou sur la série partagée. Aujourd’hui c’est plutôt l’ordinateur ou la tablette individuelle qui justement parce « qu’individuels » isolent chacun des deux du couple qui ne regardent pas le même programme. Pendant que l’un visionne la dernière série, l’autre regarde le débat politique ou autre ! Le timing et le choix est adapté au désir de chacun. Le zapping une réalité. L’intérêt suscité est différent pour chacun, les émotions ressenties non harmonieuses et la communication réduite à zéro.   

Les temps ont changé, les habitudes aussi et Internet a remplacé la télévision c’est pourquoi il n’est pas surprenant que les chiffres ne soient que de 6%. Il apparait qu’aujourd’hui la consommation de la télévision en « direct » n’est plus la norme. Les consommateurs ne sont plus soumis à des horaires  précis qui géraient leurs soirées : heure des infos, heure du film…. On est à l’heure du « Replay ».

On consomme des images à la demande sans l’outil télé, mais plus volontiers sur les tablettes, Iphone ou tout objet de substitutions où je veux, quand je veux, si je veux seul ou accompagné !

Il reste alors entier le problème de savoir ce que l’on investit quand on va se coucher. Le lit conjugal se  ringardise. Il faut créer, inventer d’autres scénarios. Alors la facilité du tiers représenté par ces objets a pris du terrain sur nos modes de consommation visuelle et sur nos habitudes tout court? Ou bien peut on envisager que la chambre à coucher reprendrait ces lettres de noblesse et permettrait au couple de se retrouver dans une intimité précieuse à maintenir sans se laisser prendre par le virtuel ?  Il apparait alors que lorsque le désir n’est plus le moteur du rituel on cherche un palliatif pour ne pas se retrouver juste à deux. Et là la liste est longue des excuses ou des manies pour contourner le face à face. « La lumière s’est éteinte, et les gens ont été abandonnés à des interactions mutuelles » Cet extrait de l’article de 1965 en dit long…

La télévision peut-elle entraîner des "habitudes" de long terme dans l'activité sexuelle ?

Plus que la télévision il est préférable de parler de l’impact des écrans. Pour la génération d’aujourd’hui on parle de « digital native ». La télévision créait des habitudes par ses horaires imposés, c’est la télé qui donnait le tempo ! Alors qu’aujourd’hui on regarde en replay. Donc plus d’obligation d’horaires fixes et de réunion autour du petit écran, pas plus que de conciliabules pour savoir qui allait l’emporter entre le film du dimanche soir et l’émission de variété ? Ce débat là n’a plus lieu d’être, on regarde en solo le programme qui convient à chacun. Ce que je veux à l’heure où je le veux ! Je te laisse libre de ton choix. Les sujets de discordes se sont déplacés sur le temps de consommation des uns ou des autres au détriment de la vie à deux.

On peut mentionner, car c’est un fait majeur et exceptionnel, la place des écrans de télévision autour de la coupe du monde de Football.  

On mesure bien qu’il a fallu un événement majeur et sportif de haute importance pour fédérer à nouveau un regroupement d’amis, de copains, de membre d’une famille, de collègues de bureau, d’inconnus dans un bar, se réunir autour de la télévision et en direct ! Personne ne s’est imaginé regarder le ou les matchs seul à « kifer » dans son coin. Si c’était le cas cela ressemblait à une punition ! Les émotions d’une telle ampleur se partagent forcément. Et peut être que le foot a crée une recrudescence d’acte sexuel après les matchs ?

Selon cette même étude, les niveaux de revenus et de "santé reproductrice" n'influerait pas sur les résultats. Que révèlent ces résultats ? 

Il paraît impensable de penser que les mêmes effets se reproduiraient si la panne d’électricité qui a eu lieu à New York en 1965  arrivait aujourd’hui. Les journaux de l’époque déclaraient une corrélation entre cette panne de courant et les naissances 9 mois plus tard  dans un hôpital. Le nombre de bébés nés en un jour était passé de 11 à 29 naissances ! On ne peut évidemment pas faire de cette déclaration une statistique fiable. En revanche il apparait que sans électricité on est obligé de modifier ces habitudes et peut être qu’à l’époque où la télévision était une des rares distractions dans les foyers, l’impact était réel  sur la sexualité les soirs de panne de courant. Cela a été une blague récurrente, de même nature que la panne de 2cv ! Le fameux coup de la panne a toujours gardé une connotation sexuelle.

Aujourd’hui nos écrans sont chargés et ont une autonomie qui leur permet de fonctionner sans courant !

Pour les différences en fonction des revenus  il semblerait que presque tout le monde possédait et possède encore une télévision quasiment sans distinction de classe sociale. En revanche ce qui faisait la différence selon les classes sociales c’est plutôt la dimension, la qualité de l’image et du son de la télévision et le nombre de postes  dans un même foyer que la consommation.

Aujourd’hui la télé n’a pas encore été retirée du salon mais elle est moins allumée et plus en veilleuse. Son look a tellement évolué en plus de 60 ans. Sa taille très profonde à ses débuts s’est affinée jusqu’à devenir cet écran plat qui nous a tous fait fantasmer ! Sa présence dans le salon était devenue l’objet incontournable et ses dimensions (longue, large et plate) donnaient la mesure des revenus de la famille qui la possédait!  

Aujourd’hui on se félicite et l’on mesure ses revenus au contraire à posséder l’un de ses outils de haute technologie dans une dimension infiniment réduite pour l’avoir avec soi, sur soi comme un doudou, un tiers virtuel, multi fonctions qui détient en plus cette boîte à images qui ne nous quitte plus !  

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